1 543 750 £
Les œuvres majeures de Soutine, visionnaire au lyrisme pathétique et flamboyant, sont rares sur le marché. Or, depuis un an, plusieurs grands tableaux ont surgi, dont cette Vue de Cagnes
qui égale le record du monde du 6 février 2001 (Christie’s Londres) sur le même sujet. « Cette fois, la toile était plus petite, en moins bel état mais plus intense », fait remarquer le spécialiste de Christie’s, Thomas Seydoux. Achetée dans les années 50, elle n’avait pas bougé depuis un demi siècle. Non signée, elle avait appartenu à un proche de l’artiste. Ceci explique sans doute cela. Une troisième vue de la petite cité méditerranéenne s’est négociée 1,6 million de dollars le 5 novembre dernier (Phillips, New York). Auparavant, deux enchères de taille avaient marqué le printemps : 1 876 000 $ pour La Robe verte (9 mai, Christie’s New York) et le 7 mai, Le Valet de chambre passait le cap des deux millions de dollars chez Phillips. Coïncidence ou regain d’intérêt ? Sans doute les deux. Quintessence de l’expressionisme juif et slave, l’œuvre de Soutine, difficile et dérangeante, est réservée à un petit nombre. Peu d’amateurs, mais très motivés. C’est peut-être en train de changer. En France, on n’a pas vu de grand Soutine depuis 1990 et L’Homme au foulard rouge de la collection Bourdon, payé 1,9 million d’euros (Loudmer, le 25 mars). La crise ? Chapitre clos. « Lors des dernières ventes à Londres, dit Thomas Seydoux, nous avons vendu pour 100 millions de dollars de tableaux. Cela ne s’était pas produit depuis plus de dix ans ».
- Christie’s Londres, 4 février.
137 375 euros
Record mondial pour l’œuvre de Michaux, tous domaines confondus. Aucune œuvre, ni graphique ni littéraire, n’avait jamais atteint ces sommets. On s’est battu pour ces 15 pages d’écriture « mescaliennne », composées sous l’emprise d’un hallucinogène, la mescaline. En 1954, Michaux s’était livré à quatre expériences conduites sous l’œil d’un témoin et supervisées par un médecin. Au cours de la deuxième prise, il avait tenté d’écrire et exécuté « quelque chose » entre l’image et le mot. Ces pages, les plus stupéfiantes de la litttérature française, sont parties à l’étranger. Elles faisaient partie d’un ensemble de 64 ouvrages du peintre-poète réunis par l’industriel breton Gwenn-Aël Bolloré. Dans la même vente, on a donné 379 375 euros pour Les Chants de Maldoror de Lautréamont, illustrés par Dalí, l’un des plus beaux illustrés modernes. En revanche, le manuscrit de Céline, Nord, adjugé 401 375 euros, au ras de l’estimation basse, a un peu déçu. On était loin du prix obtenu par le manuscrit du Voyage au bout de la nuit, préempté pour 1,8 million d’euros le 15 mai dernier à Drouot-Montaigne (étude Piasa).
- Sotheby’s, galerie Charpentier,
Paris, 12 février.
101 903 euros
Estimation décuplée pour ce petit rectangle de bois fatimide, sculpté de palmettes, XIe-XIIe siècle. Certes, l’objet ne paye pas de mine, mais il constitue un précieux document historique. Résultat ? Plusieurs musées se sont battus pour l’avoir : une fondation italienne, la David Collection de Copenhague et le Musée du Qatar qui l’a finalement emporté. Ce panneau provenait de la collection Dikran et Angèle Kouymjian, un couple d’universitaires d’origine arménienne, ayant longtemps vécu au Caire. « Un ensemble très pointu, austère mais passionnant, selon l’expert Annie Kevorkian. Il aurait pu être difficile à vendre sans les musées ». Heureusement, ils étaient là et ont fait leur marché : fragments de papyrus, minuscules bouts de tissu, tessons de céramique sont partis sans problème. Pour sa part, le Louvre a préempté quatre lots, dont une statuette de personnage mythique, Asie occidentale, IIIe millénaire, payée 64 243 euros.
- Etude Boisgirard, Hôtel Drouot, Paris, 13-14 février.
107 460 euros
Le Pop est au top. Après Silver Liz, une peinture métallique de Warhol frôlant le million d’euros (13 octobre, étude Cornette de Saint Cyr), c’est un portrait de Judy Garland qui double l’estimation basse. Dans la foulée, les tenants de la Figuration narrative s’envolent. Ces artistes ont fait écho au Pop américain au début des années 60 ; leur cote, pourtant, restait modeste. Il semble que le vent tourne : 70 485 euros pour Le Prince de Hambourg de Fromanger, 52 575 euros pour Le Palace de Monory, acquis par un collectionneur contre un musée français et 43 908 euros pour Malcom X de Rancillac. Trois records du monde coup sur coup, fait remarquer l’expert Jean François Roudillon. Du jamais vu !
- Etudes Poulain-Le Fur et Robin-Fattori, Hôtel des Ventes du Palais, Paris, 4 février.
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l’œil de l’expert
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°535 du 1 avril 2002, avec le titre suivant : l’œil de l’expert