PARIS
Dans une grande liberté d’esprit, l’artiste redécouverte dans les années 2000 amalgame dans ses œuvres, exposées à la Galerie LGDR, surréalisme et Arte povera.
Paris. Présentée au printemps 2015 au Musée d’art moderne de la Ville de Paris (sous la houlette de Fabrice Hergott, le directeur des lieux, et d’Anne Dressen, la commissaire), la rétrospective consacrée à Carol Rama était la première dans une institution en France. « La Passion selon Carol Rama » correspondait alors à la redécouverte de cette artiste (née en 1918 à Turin et décédée le 25 septembre 2015, à 96 ans, peu de temps après la fin de l’événement) restée longtemps méconnue.
L’actuelle exposition à la galerie LGDR (née de la fusion récente de la galerie Lévy Gorvy avec les galeristes Amalia Dayan et Jeanne Greenberg Rohatyn), qui travaille avec l’estate de l’artiste depuis 2017, est, quant à elle, la première importante à se tenir dans une galerie française – Anne de Villepoix avait montré certaines pièces de l’artiste en 2003. Composé d’une petite quarantaine d’œuvres, dont certaines jamais montrées, l’ensemble est indéniablement de niveau muséal, à plus petite échelle s’entend.
Le commissariat en a été confié à Mark Godfrey, ancien conservateur à la Tate Modern de Londres qui, pour l’occasion, a sensiblement modifié l’espace de la galerie afin de créer quatre moments distincts : le premier est consacré aux « Bricolages » des années 1960 ; le second aux spray paintings, les peintures à l’aérosol de 1969-1970 ; le troisième à la décennie 1970 et ses tableaux avec des chambres à air et morceaux de caoutchouc ; enfin la dernière salle est entièrement recouverte d’un papier peint imprimé d’après une photo de sa maison-atelier à Turin. Il faut le regarder attentivement pour s’imprégner de l’univers de celle qui obtint le Lion d’or à la Biennale de Venise en 2003 et côtoya aussi bien Warhol (dont elle possédait une petite toile évoquant un Mao bleu accrochée près de son lit) que Man Ray. Dans une vitrine figure d’ailleurs une reproduction du poème manuscrit que ce dernier rédigea pour l’artiste : « Carolrama Coralarma Claromara Arolcarma Coralroma Ormalacra Carmarola… », une belle série d’anagrammes qui donne son titre à l’exposition.
Sur les murs de la fameuse « Casa-Rama », sa maison-atelier, on découvre ses meubles, commode, table, bureau… mais surtout ses nombreux objets fétiches, majoritairement liés au corps, entrevus dans les œuvres des salles précédentes et qui nous incitent à revenir au début du parcours. Et notamment ces griffes d’animaux et ces yeux de poupée, très présents et collés en relief dans des papiers où se mêlent, dans des télescopages surréalistes, des fils métalliques, ressorts et seringues. Le corps toujours et le corps meurtri. Ce corps qui structure avec ses formes noires les compositions de la série exécutée à l’aérosol correspondant à une période de transition, courte, entre les « Bricolages » et les œuvres des années 1970. Celles-ci, nettement plus abstraites et radicales – sans pour autant délaisser complètement l’idée du corps, car l’une d’elles, Guerra alla guerra (1972, [voir ill.]), évoque une paire d’yeux avec leurs pupilles – mettent en avant et même quelquefois en relief les bandes de caoutchouc collées ou accrochées directement sur le tableau, comme des lambeaux de peau. Ces bandes permettent de dessiner les formes, de jouer avec les couleurs, noirs, marrons, orangés, et de mettre en avant l’importance accordée au matériau dans un esprit Arte povera et même « povera queer », ainsi que sa démarche fut qualifiée. Elles révèlent aussi une magnifique facette de Carol Rama, cette « Femme de sept visages vue par Man Ray », selon les derniers mots du poème précité.
Établis entre 80 000 euros pour les plus petits collages et 380 000 pour les plus grands tableaux, les prix paraissent élevés. La galerie précise toutefois qu’ils n’ont pas augmenté depuis cinq ans. Ils peuvent aussi se justifier par la très longue carrière (près de soixante-dix ans !) de l’artiste, qui a bénéficié d’importantes expositions dans de grandes institutions ayant donné un coup de fouet et de projecteur à son œuvre.
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L’extravagante Carol Rama
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°587 du 15 avril 2022, avec le titre suivant : L’extravagante Carol Rama