Des estimations hautes encouragées par les résultats des ventes de printemps, mais des catalogues de qualité légèrement décevante : c’est ainsi que le marché avait préalablement jugé les deux ventes d’art moderne et impressionniste organisées les 12 et 13 novembre en soirée, respectivement chez Sotheby’s et Christie’s New York. Cette opinion s’est vue confirmée par les résultats, car si les dispersions des deux ensembles phares se sont bien déroulées – chez Sotheby’s, la vente des cinq lots du Shelburne Museum, et chez Christie’s, celle des œuvres de la collection Jane et Charles Engelhard –, peu d’enchères et une attitude circonspecte à l’égard des lots en dessous du million de dollars ont caractérisé les vacations, chez SoÂtheby’s en particulier. James Roundell, l’une des personnalités les plus marquantes du marché de l’art moderne, commente ces résultats.
Vingt-trois des soixante-huit lots mis aux enchères le 12 décembre par Sotheby’s n’ont pas trouvé acheteur, reflétant la qualité médiocre des œuvres proposées dans les dernières pages du catalogue. Le total de la vente s’élève néanmoins à 92,59 millions de dollars (472 millions de francs). Les résultats de la vente Shelburne (deux pastels de Degas, deux de Manet et une sculpture de Degas) ainsi qu’un compte rendu élogieux de cette soirée dans le New York Times ont cependant rassuré le marché… et profité à Christie’s dont la vente venait en second. Davantage d’enchérisseurs ont su créer l’atmosphère, encouragé par la brillante performance de Christopher Burge qui a conduit la vente comme une représentation théâtrale, gagnant ainsi la confiance de la salle. Les résultats obtenus par Christie’s sont encourageants. Parmi les 66 lots mis en vente, 53 ont trouvé preneur, et la vente a totalisé 82,34 millions de dollars (420 millions de francs).
Alors qu’il travaillait pour Christie’s depuis vingt ans, James Roundell a démissionné de son poste de directeur du département des Peintures impressionnistes et modernes en 1995 pour rejoindre Simon Dickinson et David Ker, deux marchands britanniques spécialisés dans l’art ancien. Dès sa première année d’activité, il annonce un chiffre d’affaires de plus de 20 millions de dollars (plus de 100 millions de francs). Au nombre de ses acquisitions les plus importantes, Intérieur d’un restaurant de Van Gogh, acheté 9,4 millions de dollars (47 millions de francs) chez Christie’s New York il y a six mois.
Trois pastels de Degas d’une qualité exceptionnelle étaient proposés durant ces ventes : une Danseuse jaune (voir illustration p. 39) et une Danseuse à la barre chez Sotheby’s, tous deux de la collection du Shelburne Museum, ainsi que Après le bain, chez Christie’s. La lumineuse Danseuse jaune a atteint le prix le plus élevé jamais payé pour une œuvre sur papier de Degas : 7,9 millions de dollars (40,3 millions de francs). Mais la Danseuse à la barre, que j’ai achetée 5,5 millions de dollars (28 millions de francs) contre une estimation de 6 à 8 millions de dollars, offre l’image la plus poétique des trois. Le prix obtenu le lendemain chez Christie’s pour Après le bain, a sans doute bénéficié de ces très bons résultats puisqu’il a été adjugé 6,8 millions de dollars (34,7 millions de francs), contre une estimation de 4 à 6 millions de dollars.
Paul Cézanne, La côte du galet à Pontoise, Sotheby’s, 12 novembre, 10 millions de dollars (51 millions de francs), Est. non publiée 10 millions de dollars
Ce tableau important, à la provenance parfaitement établie, constituait un véritable test pour le marché. Achetée 9,24 millions de dollars par un marchand japonais en 1988, dans ces mêmes salles, l’œuvre a été enlevée par un enchérisseur au téléphone à un prix encore supérieur.
Pieter Mondrian, Composition, Sotheby’s, 12 novembre, 5 millions de dollars (25,5 millions de francs), Est. 5-7 millions de dollars
La récente rétrospective de l’œuvre de Mondrian organisée par le Museum of Modern Art de New York a été bien accueillie et a éveillé un certain intérêt pour les œuvres tardives de Mondrian, comme c’est le cas ici. Un acheteur, enchérissant par téléphone, l’a acquise contre le prix de réserve.
Pablo Picasso, Igor Stravinski, Sotheby’s, 12 novembre, 350 000 dollars (1,8 million de francs), Est. 300 000-400 000 dollars
La précision du trait et les grandes mains du compositeur qui attirent le regard font de ce dessin une œuvre d’exception. Cinq enchérisseurs étaient en compétition. Son prix reflète le très grand intérêt porté désormais aux dessins les plus remarquables des maîtres impressionnistes et modernes.
Claude Monet, Nymphéas, vers 1905, Christie’s, 13 novembre, 12 millions de dollars (61,2 millions de francs), Est. non publiée 8-10 millions de dollars
L’acheteur de ces Nymphéas l’a emporté contre six enchérisseurs, établissant du même coup un nouveau record pour une œuvre tirée de la plus célèbre des séries de l’artiste. L’heureux acquéreur, Michael Findlay, a également acheté le Jardin de l’artiste à Vétheuil, toujours de Monet, au cours de la même vente. Ces deux œuvres faisaient parie de la collection Engelhard. Le prix atteint la veille chez Sotheby’s pour une version moins remarquable des Nymphéas, 4,6 millions de dollars (23,5 millions de francs) contre une estimation de 4 à 8 millions de dollars, laissait présager un tel succès.
Vassily Kandinsky, Herbstlandschaft mit Booten, 1908, Christie’s, 13 novembre, 3,5 millions de dollars (17,8 millions de francs), Est. 2-3 millions de dollars
Ce paysage, peint dans un style très proche de la manière fauve, a posé quelques problèmes aux amateurs de Kandinsky. Peut-il être considéré comme caractéristique de l’évolution du peintre, de l’Expressionnisme allemand aux abstractions symphoniques des années vingt ? Le tableau a été acquis pour le compte d’un collectionneur suisse par Maria Reinzhagen.
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Les valeurs sûres de New York
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°31 du 1 décembre 1996, avec le titre suivant : Les valeurs sûres de New York