Galerie

Les quartiers de Galeries à Paris : Saint-Germain des-Prés

Par Vincent Delaury · L'ŒIL

Le 13 avril 2011 - 1112 mots

Saint-Germain-des-Prés a gardé un charme indiscutable. Son aspect « village » le rend très attractif. Au sein d’un triangle formé par les rues Bonaparte, Saint-Sulpice et le quai des Grands-Augustins, il comprend la plus grande densité au monde de galeries.

Des programmes artistiques proposés toute l’année (le Parcours des Mondes en septembre, le Photo Saint-Germain-des-Prés en novembre, l’Art Saint-Germain-des-Prés en mai) sont, pour le public, comme autant de foires in situ ayant pour but de créer des ponts entre l’art et la vie.

Par ailleurs, de grosses locomotives institutionnelles (École nationale supérieure des beaux-arts, musées de Cluny, du Luxembourg), de nombreux cafés (la Palette, la Charrette, les Deux Magots, le Flore) ainsi qu’une pléiade de librairies (la Hune, Mazarine, Taschen, Visions) font que la rive gauche est très fréquentée, la semaine comme le week-end.

On y croise salariés, lycéens, artistes, célébrités, amateurs d’art, touristes, badauds et oiseaux de nuit : cette diversité des publics fait de ce quartier un endroit vivant qu’on prend plaisir à arpenter régulièrement. En un après-midi, il est possible de faire le tour des galeries. En tenant compte de la diversité de l’offre (art primitif, déco, design, art moderne et art contemporain), on compte environ cent-soixante-dix galeries ! Ne pas oublier au passage de se rendre un peu plus loin, métro Rue-du-Bac, où se trouvent de très bonnes galeries, telles que l’historique Denise René, spécialisée dans l’art optique, la galerie Maeght et la galerie Jean Fournier à la programmation des plus exigeantes : des pointures du marché (Degottex, Hantaï, Viallat) cohabitent avec de plus jeunes pousses (Peter Soriano, Claude Tétot).

Un quartier classique revigoré par le design et l’art contemporain
L’histoire de la rive gauche est très associée aux marchands d’art. Pour le galeriste Franck Prazan, « c’est l’esprit du Quartier latin qui règne ici. Autour des Beaux-Arts, il y avait le fameux rendez-vous de la Palette. Depuis la fin de la guerre, les étudiants, éditeurs et artistes, issus entre autres de l’École de Paris, fréquentaient le quartier. C’est le cœur historique du monde de l’art, c’est là que ça se passait. » Et son confrère Georges-Philippe Vallois de poursuivre : « C’est un quartier de galeries. Les marchands de gravures y sont depuis plus d’un siècle. Pourquoi ? Notamment parce que les quais rive gauche sont orientés au nord, il n’y a pas de soleil, ce qui est très favorable à la bonne conservation du papier. » Avec une forte concentration de galeries dites de second marché (Applicat-Prazan, Patrice Trigano, Pascal Lansberg, le Minotaure, galerie Zlotowski, les Yeux Fertiles, Vallois Sculptures Modernes), l’art moderne se porte bien à Saint-Germain-des-Prés. Cela n’empêche pas d’ailleurs les galeries précitées d’exposer de plus jeunes talents. Se joignent aux galeries modernes des galeries de design de très bonne tenue, telles que Kreo, Downtown, L’Arc en Seine, Vallois, Giraud et autre Jousse Entreprise.

« Avant, quand on parlait de Saint-Germain à l’étranger, personne ne l’associait à l’art contemporain. Depuis dix ans, quelques galeries, dont la nôtre, mettent l’avant-garde au premier plan », précise Hervé Loevenbruck. En effet, ce quartier ne montre pas que du mobilier des années 1950 et des valeurs sûres du xxe siècle. Depuis 2000, la donne a changé. L’art contemporain, grâce à une poignée de têtes chercheuses (Aline Vidal, Di Meo, In Situ/Fabienne Leclerc, Lara Vincy, Laurent Strouk, les Vallois, Loevenbruck, Mennour), est plus prospectif. Au 47, rue Saint-André-des-Arts, le grand espace aux cimaises immaculées du self made man Kamel Mennour en fait rêver plus d’un. Depuis l’extension de sa galerie en 2007, d’impressionnantes expositions de prestige s’y déroulent (Buren/Giacometti, Morellet/Malevitch) et, tout récemment, Mennour a intégré dans son écurie l’artiste Anish Kapoor. Juste à côté, le restaurant chic l’Alcazar et son dancefloor le Wagg mêlent très habilement l’art à la fête et à la nuit parisienne : sa fameuse mezzanine offre en permanence ses cimaises aux collections de ce galeriste français d’origine algérienne.

Un autre jeune galeriste, Hervé Loevenbruck, a lui aussi agrandi son espace. Son nouvel écrin ouvert depuis peu rue Jacques-Callot, tout en verre sérigraphié et en inox poli, est superbe et son équipe d’artistes internationaux (Werner Reiterer, Philippe Mayaux, Jean Dupuy, Alina Szapocznikow) attire indéniablement les regards.

Pour une bonne ambiance, notamment au cours de vernissages agrémentés de quelques bulles de champagne, il ne faut pas hésiter à aller du côté de la galerie Lara Vincy (le décalé Ben vaut à lui seul le déplacement !) et chez Georges-Philippe et Nathalie Vallois, juste en face (rue de Seine). Avec ce duo branché, on prend plaisir à revoir les Nouveaux Réalistes, à se laisser séduire par la scène californienne dernier cri et à consulter les documents variés sur les plasticiens qui se trouvent sur un vaste comptoir. À ne pas confondre avec la galerie d’Art déco de Cheska Vallois (la mère de Georges-Philippe) ou avec la galerie Vallois Sculptures Modernes (Bob, le père de famille) qui s’autorise quelques « sorties de route » plus actuelles. Un peu plus loin, il ne faut pas hésiter non plus à entrer chez les Di Meo, rue des Beaux-Arts. Cette galerie offre une perspective historique des plus pertinentes sur la scène italienne.

Du shopping à l’art ?
Toujours rue des Beaux-Arts, il est fort appréciable de passer dans la galerie Claude Bernard (ouverte depuis 1957). Sa programmation, même si elle se consacre à des valeurs établies (Peter Blake, Zoran Music, Robert Doisneau, etc.), n’en oublie pas pour autant de promouvoir des peintres contemporains comme Denis Laget et Ronan Barrot. Pour ce « vieux seigneur » du marché, ce quartier où il est né n’a pas vraiment changé. Il a gardé son côté intellectuel et artiste. C’est d’ailleurs le sentiment partagé par la plupart des galeristes croisés sur notre route (Lélia Mordoch, Odile Aittouarès, Jean-François Jaeger de chez Jeanne-Bucher, Anne de la Roussière de la galerie Arcturus). À l’exception d’Aline Vidal qui est plus réservée : « Même si le quartier n’a rien perdu de sa vitalité, on peut juste regretter le nombre croissant de boutiques de couture qui débordent un peu trop et prennent la place de certains lieux de culture mais, d’un autre côté, les boutiques de couture apportent aussi un nouveau public, qui n’avait pas l’habitude d’entrer dans une galerie et qui passe en faisant son shopping. »

Heureusement, l’augmentation des boutiques de mode n’empêche pas Saint-Germain-des-Prés de rester culturellement culte. La preuve en est l’installation toute récente rue Guénégaud de la galerie de design danois Maria Wettergren et de la galerie d’art contemporain nippon Da-End.

Art Saint-Germain- des-Prés

Week-end portes ouvertes à Saint-Germain. Du jeudi 19 mai au dimanche 22 mai, la plupart des galeries changent leur accrochage et se plient en quatre pour renseigner curieux et collectionneurs.

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°635 du 1 mai 2011, avec le titre suivant : Les quartiers de Galeries à Paris : Saint-Germain des-Prés

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque