Quatre galeries parisiennes exposent des photographes dont l’œuvre, même la plus contemplative, est agitée en sourdine par des questions existentielles et politiques .
PARIS - En ouverture de l’Année France-Corée du Sud (2015-2016), Bae Bien-U dévoilera en septembre au château de Chambord, à l’issue de son année de résidence, son travail sur la forêt environnante. Cette nouvelle série s’inscrit dans la monographie que prépare l’institution, la première en France. En attendant, la Galerie RX (Ivry) propose quatorze photographies noir et blanc, la plupart inédites, issues pour les deux tiers de sa série emblématique « Sonamu » réalisée dans la forêt sacrée de pins au sud de la Corée. À côté figurent des paysages intérieurs, de collines ou de mer, tout autant imprégnés de spiritualité. L’occasion d’un regard élargi sur une œuvre encore largement méconnue en France, excepté d’une poignée de collectionneurs privés et de curateurs et critiques d’art.
Adulé dans son pays, Bae Bien-U (né en 1950), bien que reconnu internationalement, demeure encore à découvrir en France. La cote stable de ses photographies ne diffère cependant pas d’un continent à l’autre. Le prix de ses éditions de cinq s’établit selon le numéro de 32 000 à 60 000 euros pour un grand format de 1,30 m x 2,60 m. « Bae Bien-U a le potentiel d’Hiroshi Sugimoto », estime Éric Dereumaux, cofondateur de la galerie RX, qui représente Bae Bien-U en France depuis la disparition à Paris de la galerie Gana-Beaubourg.
Grande figure de la scène artistique sud-américaine, Marie Orensanz (1936) demeure elle aussi « encore largement sous-cotée », relève Olivier Castaing, qui lui consacre pour la troisième fois une exposition personnelle depuis la création de sa galerie, School Gallery, il y a sept ans. Couvrant quarante années de création, la sélection de photographies (de 6 000 à 12 000 €), de dessins (de 15 000 à 20 000 €) et de morceaux de marbre de Carrare (de 10 000 à 50 000 €) concentrent quelques-unes des pièces maîtresses de l’artiste argentine installée en France depuis 1975, telles que le triptyque photographique Tocar fondo (« Toucher le fond », 2005) ou les quatre dernières planches de la série « Fleurs vénéneuses » (1976-1977). On retrouve ici les questions existentielles et politiques qui traversent une œuvre indissociable de l’écrit, du langage et des symboles.
« Nous avons grandi ensemble », explique Romain Degoul, le cofondateur avec sa femme Flore de Paris-Beijing à propos de l’artiste chinois Liu Bolin (1973). Inconnu en 2006, l’« homme caméléon », comme est surnommé ce pourfendeur du chaos urbanistique et environnemental qui prévaut en Chine, est devenu en quelques années avec Ai Weiwei l’une des figures emblématiques de la création contestataire du pays. L’artiste, qui se confond avec les décors selon les thèmes de ses dénonciations (censure, pollution, OGM…), présente ici ses dernières pièces, qui mobilisent de plus en plus de figurants. Ses prix, de 1500 à 2500 euros il y a moins de dix ans, sont affichés de 10 000 à 24 000 euros aujourd’hui, selon le numéro d’édition, au nombre de huit, et le format ; ils s’accordent à la popularité d’une création objet d’une monographie parue récemment aux Éditions de La Martinière.
La galerie Leica, enfin, expose le travail au long cours de Bertrand Meunier (1965) sur la déshumanisation de l’urbanisme, à l’initiative de Gaëlle Gouinguené, en charge de la programmation : un éclairage particulièrement réussi de ce travail documentaire non représenté par une galerie et aux prix encore modestes, allant de 900 à 1 500 euros. Grands ensembles urbains, cité pavillonnaire en cours de construction ou foule immobilisée, le regard absorbé : flotte ici aussi la menace d’une catastrophe, redoutable dans l’uniformatisation de son expression auquel le photographe du collectif Tendance Floue ne donne aucun repère géographique.
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Le trouble des images
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Abonnez-vous dès 1 €Bae, Bien-U, galerie RX
Jusqu’à fin juin , 36, rue Ampère, 94200 Ivry-Sur-Seine, du mardi au samedi, 10h30-17h30, tél. 01 45 63 18 78, www.galerierx.com
Marie Orensanz, 40 ans de rÉflexion, School Gallery
Jusqu’au 30 mai, 322, rue Saint-Martin, 75003 Paris, du mardi au samedi 14h-19h, tél. 01 42 71 78 20, www.schoolgallery.fr
Liu Bolin, Recent Works, galerie Paris-Beijing
Jusqu’au 23 mai, 62, rue de Turbigo, 75003 Paris, du mardi au samedi 11h-19h, tél. 01 42 74 32 36, www.galerieparisbeijing.com
Bertrand Meunier, Suburbia, Leica Store
Jusqu’au 13 juin, 105-109, rue du Faubourg-Saint-Honoré, 75008 Paris, du lundi au samedi 10h-19h, www.leica-stores.fr
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°435 du 8 mai 2015, avec le titre suivant : Le trouble des images