Peu répandue, l’assurance spécifique des objets d’art est pourtant simple et peu coûteuse. Elle permet de sauvegarder un patrimoine.
En l’absence de chiffres officiels, on estime aujourd’hui (grâce à des données fournies par la Belgique !) que seulement 10 ou 15 % des possesseurs d’objets d’art français sont assurés pour ces biens spécifiques. Il y a donc des places à prendre pour les assureurs dans un marché où le nombre d’intervenants reste très limité. En effet, l’assurance des objets d’art réclame un savoir-faire spécifique et rares sont les courtiers complètement spécialisés dans ce domaine. Traditionnellement, on explique le faible nombre d’assurés par la peur du fisc. En cause, une disposition légale prise dans la foulée de la création de l’impôt sur la fortune au début des années 1980. Le législateur ayant finalement exclu les objets d’art du calcul de cet impôt, il aurait néanmoins voulu contrôler ce marché en obligeant les assureurs à déclarer tous les contrats d’un montant supérieur à 100 000 francs, aujourd’hui 15 000 euros. Dans la réalité les courtiers avancent qu’il n’est pas sûr que plus de 15 % des collectionneurs aient été assurés avant 1982. En outre, la déclaration au fisc mentionne uniquement le nom du propriétaire, son prénom, son adresse et le numéro du contrat. Mais, soupçonneux, beaucoup de particuliers ne sont pas protégés. Pourtant l’assurance comporte des atouts non négligeables.
Comment se protéger
S’assurer c’est mieux connaître ses biens et les protéger contre les sinistres. Par son expérience en matière de prévention, contre laquelle les assurés pestent souvent, l’assureur, par l’intermédiaire du courtier ou de son agent, indique les meilleurs moyens d’éviter des sinistres et, en cas de vol, d’essayer de retrouver les objets. Serrurier ou plombier « maison », clôture provisoire ou gardien, la plupart des compagnies d’assurances ont prévu des dispositifs d’assistance et préconisent des protections mécaniques ou électroniques spécifiques. « Toutes les formules sont possibles même avec un petit budget », note Térence Burton, responsable des souscriptions Objets d’art et de collection chez Generali en France. « Un musée par exemple qui ne dispose pas de budgets importants peut assurer une partie des œuvres seulement. On peut également garantir une partie de la collection en “tous risques ” et certains objets autrement, toujours pour des questions budgétaires. Il est même possible d’assurer uniquement les frais de restauration. Bref du sur mesure en fonctions des souhaits, des besoins et des moyens du client. »
Les successions ne sont pas un obstacle
Obstacle à l’assurance des objets d’art, le problème des droits de succession. « De toute façon, note Térence Burton, à la suite d’un sinistre total, il n’y aura plus de problème de droits à régler, mais en cas d’absence d’assurance, le client aura tout perdu ! D’autre part, il arrive que pour régler les droits de succession les héritiers cherchent à vendre les objets d’art. En général ils vendent dans l’urgence donc mal. Faire un bilan patrimonial puis souscrire un contrat d’assurance de type “vie entière” ou “décès temporaire” permet aux héritiers d’obtenir une indémnité qui peut régler partiellement, voire totalement, le problème des droits de succession. »
Les risques de la multirisques habitation
Moins de contrats « tous risques objets de valeur » sont souscrits. Ils sont délaissés au profit des multirisques habitation. « Dans ces contrats, les œuvres d’art sont noyées dans la masse anonyme des autres biens assurés », note Guillaume Badelon de la société de Clarens. Néanmoins dans cette situation, s’il n’y a pas d’expertise, comment prouver l’authenticité et la valeur des objets au moment du sinistre ? Cela reste dangereux. En outre, la garantie est limitée alors qu’un contrat spécifique « objets d’art » peut couvrir tous les risques y compris le bouchon de champagne qui vient frapper un Picasso (ça s’est vu). Enfin, paradoxalement, le montant de la prime peut être plus élevé quand on assure des objets d’art par le biais d’une multirisques habitation plutôt que par un contrat spécifique.
Un domaine particulier : les expositions
Sont assurés le temporaire, des tableaux qui voyagent dix fois plus qu’un individu durant toute sa vie. Les grandes expositions sont souvent organisées conjointement par exemple entre Paris, Londres et New York. La difficulté tient au fait que certains tableaux iront à Londres mais pas à Paris, tandis que d’autres feront tout le circuit. Depuis plusieurs années c’est le domaine d’élection de la société de courtage Gras Savoye. « Nous assurons entre mille cinq cents et deux mille expositions par an, précise Jacques Lemoine, responsable du pôle Risques spéciaux et Fine Arts. Dans les faits, le régisseur de l’exposition, ou le directeur de l’administration, nous transmet la liste des objets à assurer, leur nature, s'ils sont fragiles ou non, les conditions des transports allers-retours prévus qui s’effectueront par air, par terre ou par mer. » On établit un certificat par tableau ou par prêteur et cette attestation suit l’œuvre dans tous ses mouvements. LDA est l’un des intervenants présents sur le marché des professionnels, assurant galeries et expositions. « Nous avons toujours été très discrets (peut-être trop) mais très présents sur le marché des professionnels et des expositions », nous explique Lucien-François Bernard, P.-D.G. de la société. Aujourd’hui ces courtiers souhaitent se tourner davantage vers les collectionneurs privés. « Ce sont souvent des personnes sous-équipées. Ils ont un devoir de transmission de leur patrimoine qu’un sinistre peut ruiner. Il faut faire un effort, d’autant que l’assurance est vraiment peu coûteuse. On peut payer 380 euros pour 150 000 euros de garantie. »
Les évolutions du métier
Pour ce qui concerne les expositions, les courtiers notent deux évolutions récentes. D’une part, les tarifs d’assurance sont désormais liés au marché financier de l’assurance : aujourd’hui, une grande exposition dont la valeur représente en moyenne plus de 300 millions d’euros nécessite des capitaux d’assurance étrangers. À une ou deux exceptions près, une compagnie ne peut pas assurer seule ce montant. Elle va acheter de la capacité d’assurance sur un marché à l’étranger à des taux qui varient. D’autre part, depuis les atentats du 11 septembre 2001, les réassureurs font payer beaucoup
plus cher aux assurances les garanties contre les dégâts dus au terrorisme. Ce surcoût peut
représenter entre 20 et 30 % de la prime en plus.
Les dommages les plus fréquents
Le vol est un sinistre bien moins répandu chez les particuliers et les professionnels que le dégât des eaux, bien plus fréquent dans les appartements parisiens. Chez Gras Savoye, on met aussi l’accent sur les accidents pendant la manipulation des œuvres, l’emballage, l’accrochage des tableaux. « C’est le colis qui tombe, note Jacques Lemoine, la caisse posée sur une aire de stockage d’aéroport dans laquelle vient buter un transpalette. Pour cette raison, on prévoit que lorsqu’un transporteur vient prendre en charge les objets, il effectue un constat des œuvres en signalant dès le départ s’il y a déjà des dommages, si la caisse est trop grande ou inadaptée au degré d’hygrométrie nécessaire. » Enfin Richard de la Baume constate actuellement une recrudescence des incendies qu’il met en relation avec la présence croissante de l’électronique dans nos habitations, beaucoup d’ordinateurs et d’appareils sous tension. Dans ces cas-là l’assureur peut demander des extincteurs supplémentaires.
Les courtiers interviewés ont cité leur sensibilité à ces objets précieux, la chance de pouvoir pénétrer dans des lieux étonnants, de rencontrer des collectionneurs passionnés. Richard de la Beaume est lui-même amateur d’art et a été sensibilisé au métier des assurances par son père. De son côté Guillaume Badelon, chez de Clarens note que « le métier implique la sensibilité, la discussion. Les clients sont heureux de parler de leur collection, ce sont des passionnés et l’assurance devient complètement anecdotique. Avec eux on ne parle pas d’argent, ça ne se fait pas. Un de nos plus beaux souvenirs : l’exposition sur les parures de têtes au musée Dapper ou encore ce client chez lequel nous avons découvert une collection composée à 80 % de tableaux et sculptures de Combas, un ensemble impressionnant mais harmonieux. »
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le point sur les assurances
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €- Richard de la Baume Assurances, 30 rue du Château, Neuilly-sur-Seine (92), tél. 01 41 43 20 40. - De Clarens, courtage d’assurances, 17 rue Washington, Paris (VIIIe), tél 01 44 13 13 00. - Gras Savoye, 2-8 rue Ancelle, Neuilly-sur-Seine (92), tél. 01 41 43 50 00. - Generali, 7 bd Haussmann, Paris (IXe), tél. 01 58 38 32 35. - LDA assurances, 47 rue Vivienne, Paris (IIe), tél. 01 44 88 27 27. - Morel & Cie SA, 2 rue de Penthièvre, Paris (VIIIe), tél. 01 44 51 02 16.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°555 du 1 février 2004, avec le titre suivant : Le point sur les assurances