L’artiste et enseignante afro-américaine exposée chez Semiose a marqué toute une génération de jeunes artistes.
Paris. En janvier de cette année, l’artiste Anthony Cudahy était commissaire de l’exposition collective « The Minotaur’s Daydream » chez Semiose. Parmi les dix artistes sélectionnés, toute l’équipe de la galerie, son directeur Benoît Porcher en tête, avait été particulièrement séduite par les œuvres de Philemona Williamson. Au point de décider de présenter la première exposition personnelle en France et en Europe de cette artiste afro-américaine, née en 1951 à New York dans un milieu pauvre (parents domestiques, la mère cuisinière et le père chauffeur dans une riche famille d’origine grecque accueillante), et dont l’enfance et l’adolescence lui sont restées en mémoire. Ce qui pourrait n’être qu’anecdotique ne l’est pas puisque ce sont ces souvenirs – d’où le titre de l’exposition « The Borders of Innocence » – qui nourrissent ses œuvres aux couleurs extrêmement toniques. Ce sont d’ailleurs ces tonalités très vives, jaune, rose, orange ou vert qui lui permettent de commencer ses toiles. Dans un second temps, elle figure, en les superposant ou les confrontant, les différents éléments qui structurent de façon très dense la composition soigneusement travaillée, complexe, imbriquée de chaque tableau.
Si l’artiste représente souvent des enfants-adolescents, des jouets, des poupées (dont la très symbolique Topsy-Turvy) et des paysages plus ou moins paradisiaques, ils ont cependant le goût amer d’images associées à la colonisation et l’esclavagisme : ici des pastèques, nature morte et vivante d’un racisme persistant, là une énorme bouée jaune comme un fardeau autour du cou d’un jeune homme ou d’une jeune fille (autoportrait de l’artiste enfant ?). Dans une autre toile, January March 2016, on voit d’abord une adolescente tenir (serrer ?) une oie par le cou, avant de découvrir tout autour une nuée de petits piafs noirs, en référence à l’investiture de Donald Trump et à ces mêmes oiseaux posés sur le Capitole. Ailleurs, c’est le meurtre de George Floyd qui est évoqué. Il y a ainsi toujours dans les œuvres engagées et mystérieuses de Philemona Williamson un élément qui crée un déplacement, un changement de registre, un grincement, un mélange des genres et des identités homme-femme, enfant-adulte… avec en arrière-plan des visages aux regards terribles.
Entre 9 500 euros pour les plus petits formats (30 x 40,5 cm) et 37 000 pour les plus grands (122 x 152,5 cm), les prix sont « intermédiaires ». Ils s’expliquent par le fait que Philemona Williamson a déjà une longue carrière derrière elle (presque quarante ans), commencée après des études d’art au Bennington College dans le Vermont en 1969 puis à l’université de New York. Professeure de peinture, notamment au Hunter Art College de New York pendant de nombreuses années, elle a marqué toute une génération de jeunes artistes (dont Anthony Cudahy, qui fut son assistant). Ceux-ci ont renoué avec la peinture et se sont beaucoup intéressés à son travail, très apprécié dans les milieux afro-américains. Un marché de niche, en somme, qui ne devrait pas tarder à s’agrandir.
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Le phénomène Philemona Williamson
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°623 du 15 décembre 2023, avec le titre suivant : Le phénomène Philemona Williamson