PARIS
Les artistes femmes sont particulièrement présentes en art contemporain, moins en art moderne.
Paris. Se sont-elles donné le mot ? Ou faut-il y voir le résultat d’un rééquilibrage dans les représentations ? Cette deuxième édition de Paris+ par Art Basel semble placée, du côté des galeries françaises, sous le signe des artistes femmes, dont les œuvres ont souvent la vedette. Emblématique de cette nouvelle donne, sur le parvis de l’Institut de France, dans le cadre du programme Hors les murs de la foire, une installation de Sheila Hicks dialogue avec le collège des Quatre-Nations (Vers des horizons inconnus, 2023) : une colonne colorée en fibres durables, produite par la galerie Frank Elbaz, en association avec la galleria Massimo Minini (Brescia, Italie) et Meyer Riegger (Berlin). Sur son stand, Frank Elbaz propose une autre œuvre de l’artiste américaine : un très grand tableau textile sur bois et aluminium (Kauai, 2023), au prix de 450 000 dollars [423 000 €].
Dance First Think Later (2023) proclame la sculpture lumineuse de Marinella Senatore sur le stand de la galerie Michel Rein, que l’artiste vient tout juste d’intégrer (entre 80 000 et 100 000 €). À côté d’un focus sur des œuvres mécaniques (de Gary Hill, de Lars Fredrikson et de Vivien Roubaud), une ample forme multicolore de Marina de Caro flotte sur le stand de la galerie In Situ-Fabienne Leclerc, qui consacre au même moment un solo show à l’artiste argentine. Trois générations de peintres, Amélie Bertrand (née en 1985, voir ill.), Françoise Petrovitch (née en 1964) et Philomena Williamson (née en 1951) se côtoient sur les cimaises de la galerie Semiose (prix de 20 000 à 37 000 €), tandis que Jeanne Vicerial, la cadette des artistes sélectionnés par la galerie Templon (née en 1991), montre une sculpture en cordes, fils et fleurs séchées (Mue (1/2) n°7, 2022, prix entre 15 000 et 25 000 €), parmi des peintures signées Omar Ba et Philippe Cognée, et des bronzes de Jim Dine.
Nuit arctique d’Anna-Eva Bergman (1969) sert de point de départ à la galerie Poggi. « La Fondation Hartung-Bergman nous a confié ce tableau exceptionnel, proposé à 700 000 euros HT », explique le galeriste. Sa subtile lumière nordique rayonne sur le stand, où l’on voit également des œuvres de Kapwani Kiwanga, Djamel Tatah et du duo Ittah Yoda. Sur l’espace de la galerie Allen, Jacqueline de Jong, avec un tableau récent, dialogue avec d’autres artistes de la galerie (Tarek Lakhrissi, Daniel Turner, Maurice Blaussyld…) qui ont tous une actualité institutionnelle à l’étranger.
Christian Berst, l’une des deux galeries d’art brut retenue par Paris+, a rassemblé « un ensemble muséal de dessins d’Anna Zemánková, des grands pastels emblématiques des années 1960 et 1970 aux travaux plus sophistiqués comportant des collages textiles, des gaufrages ou des ciselures de papier ». Révélé par la Biennale de Venise en 2013, l’œuvre d’Anna Zemánková a rejoint depuis les collections du Centre Pompidou et du Museum of Fine Arts de Boston (entre 5 000 et 45 000 €).
Les œuvres d’artistes femmes se bousculent aussi sur le stand de Georges-Philippe et Nathalie Vallois : une nouvelle tapisserie de Zhenya Machneva, une épreuve chromogène de Pilar Albarracín [voir ill.], un tableau d’Evelyn Axell (La Sous-Préfète aux champs, 1967). Le Ganesh (peinture à l’huile, feuille d’or et moteurs électriques) de la série des « Tableaux éclatés » de Niki de Saint Phalle illumine le stand de ses teintes vives, entre les compressions de César et la composition mécanique de Jean Tinguely (prix de 250 000 à 900 000 dollars HT).
Ce mouvement de balance en faveur des femmes que l’on observe dans les galeries d’art contemporain est moins évident à opérer pour des raisons historiques, par les spécialistes d’art moderne. Toutefois, on remarquera sur le stand de la galerie 1900-2000 une petite gouache et encre sur papier de Suzanne Duchamp, en provenance d’une collection privée (Fabrique de joie, 1920, entre 150 000 et 200 000 €). Plus classiquement, c’est un collage de papiers gouachés représentant un taureau de Le Corbusier (entre 150 000 et 200 000 €) qui est la pièce maîtresse de la galerie Zlotowski.
Applicat Prazan célèbre son 30e anniversaire avec la réunion de sept tableaux de Jean Hélion, un tour de force préparé de longue date. « C’est la plus ambitieuse de toutes les expositions que nous ayons faites, estime Franck Prazan. Celle de nos trente ans ! »La Belle Étrusque ou le porteur de citrouille (1948), une toile qui fait l’objet d’une demande de prêt par le Musée d’art moderne de Paris en vue de la rétrospective consacrée à l’artiste en mars 2024, est mise en vente au prix de 1,2 million d’euros.
La foire est le bon moment pour souffler ses bougies, et pour toutes sortes d’effets d’annonce. Perrotin rend public par exemple sa nouvelle collaboration avec l’artiste Julian Charrière, connu pour sa démarche témoignant des problématiques environnementales, et dont est exposée une héliogravure de plus de 4 mètres de long (100 000-120 000€). C’est aussi une caisse de résonance parfaite de la riche actualité d’un artiste, tel Pablo Tomek, peintre-sculpteur dont paraît une nouvelle monographie, qui prend part à une exposition de groupe au Palais de Tokyo (« La morsure des Termites II »), ainsi qu’à l’hommage rendu au designer Virgil Abloh par Kreo, et qui est mis en avant sur le stand de la galerie Christophe Gaillard. De même, la galerie Lœvenbruck montre un triptyque de Gilles Aillaud (sa rétrospective au Centre Pompidou débute le 4 octobre) et une œuvre d’Ashley Hans Scheirl et Jakob Lena Knebl, duo à l’affiche cet automne du Palais de Tokyo. Quant à la toile libre Rouge de Michel Parmentier dont « une variation est à Pompidou, une autre au MoMA à New York, une dans la Collection Pinault, une dans la Fondation des Billarant au Silo, est sans doute la dernière disponible parmi les dix en collection privée », assure Hervé Lœwenbruck qui a prévu un sol vinyle blanc et des murs blancs, pour faire ressortir cette peinture sur toile libre, aux bandes horizontales rouge coquelicot.
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Galeries françaises : coup de projecteur sur les artistes femmes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°618 du 6 octobre 2023, avec le titre suivant : Galeries françaises : coup de projecteur sur les artistes femmes