Ceux qui en attendaient des miracles ont sans doute été déçus. Les 44 vues d’Égypte de Gustave Le Gray, vendues le 19 mars à Drouot par l’étude Rieunier&Bailly-Pommery, ont dépassé de peu leur estimation haute. Les prix ont été soutenus mais sans commune mesure avec les précédentes enchères enregistrées par Le Gray.
PARIS - Un résultat satisfaisant mais sans réelle surprise : les 44 lots ont obtenu un produit total supérieur à 1,1 million de francs, ce qui dépasse de 190 000 francs l’estimation haute. Si l’on attendait tant de cette vente, c’est que Le Gray est une valeur emblématique sur le marché de la photographie ancienne. Il y un an, une de ses marines – lesquelles sont très prisées des collectionneurs – décrochait à Londres, chez Sotheby’s, le titre de photographie la plus chère jamais vendue aux enchères. La Grande Vague, Sète, un tirage albuminé de 1855 issu de la collection des libraires et bibliophiles André et Marie-Thérèse Jammes, s’envolait ce jour-là à 5,2 millions de francs. Le 15 décembre à Drouot, deux Vues de la Seine à Paris atteignaient des sommets : 1,1 et 2,2 millions de francs, deux records pour le marché français. Le succès remporté par ces deux vues tenait, selon Marc Pagneux, à l’attrait qu’elles ont suscité auprès des collectionneurs américains qui voyaient en elles de “véritables icônes”. Ces mêmes Américains sont restés plutôt circonspects lors de la vente du 19 mars. “Ils ont besoin de références”, explique Marc Pagneux.
Or il s’agissait d’une première : ces photographies de grand format (30 x 44 cm), signées et réalisées vers 1867, n’avaient jamais été montrées, et la plupart étaient inédites. Celles qui ne l’étaient pas, comme ces deux épreuves formant panorama représentant la façade sud du temple de Dendera, ont pourtant enregistré des résultats décevants. Pouvant prétendre à 30 000-40 000 francs, elles n’ont obtenu qu’une enchère de 28 000 francs, un prix très raisonnable... comparé aux 800 000 francs demandés pour ces mêmes tirages par une galerie américaine au dernier Salon Paris Photo.
Des enchères qui confortent la cote de l’artiste
A contrario, certaines estimations ont été largement dépassées – pour Végétation du Caire, particulièrement. Ce tirage d’après négatif verre, estimé entre 120 000 et 150 000 francs, a été adjugé 240 000 francs à un collectionneur allemand. Village arabe et palmiers Doum, qui visait une fourchette entre 80 000 et 120 000 francs, a, lui, obtenu 145 000 francs au marteau. Les pièces les plus modestes, solarisées ou abîmées, évaluées entre 10 000 et 15 000 francs, ont généralement dépassé de quelques milliers de francs leur estimation haute. Ces enchères qui peuvent paraître mesurées pour Le Gray confortent cependant la cote de l’artiste, si l’on écarte les prix exceptionnels réalisés par La Grande Vague et par les Vues de la Seine.
En 1993, une série d’images de sites archéologiques se vendait à Paris entre 5 000 et 200 000 francs. La répartition en 24 lots des tirages initialement réunis en un seul album était-elle, en revanche, un calcul judicieux ? La question mérite d’être posée si l’on sait qu’un collectionneur américain aurait exprimé ses regrets, après la vacation, de n’avoir pu enchérir pour l’intégralité des vues égyptiennes. L’exercice eût été, selon Marc Pagneux, trop risqué. “Il y avait trop d’inégalité entre les images pour qu’une vente en un seul lot eût été rentable, explique l’expert. La nouvelle génération de collectionneurs est très attentive à l’état des photos.”
Le propriétaire de ces vues d’Égypte, descendant de Félix Paponot, l’ingénieur qui réalisa la plupart des canaux secondaires du Nil, aurait été enchanté par le résultat de la vente. Il possède un deuxième album qui pourrait, sans aucun doute, intéresser le Metropolitan Museum de New York qui organise à la fin de l’année une exposition de photographies d’Égypte et la Bibliothèque nationale de France qui prévoit une rétrospective de l’œuvre de Le Gray pour le printemps 2002... Mais le mettra-t-il sur le marché ?
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Le Gray persiste et signe
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°124 du 30 mars 2001, avec le titre suivant : Le Gray persiste et signe