Après l’intervention de l’Équateur, la vente de la collection Monheim de terres cuites péruviennes avait valeur de test. Les pays sources ne se sont pas manifestés.
PARIS - C’est dans une ambiance animée, bien qu’un peu tendue, qu’a débuté le 4 mars à Drouot la dispersion de la première partie de l’ensemble de terres cuites du Pérou de la collection de l’industriel allemand Hans Georg Monheim, la première vente d’art précolombien à Paris depuis la saisie de pièces équatoriennes sur le marché parisien fin 2003 (lire le JdA n° 188, 5 mars 2004). À la fois échaudé et échauffé par la mésaventure que lui a fait subir Son Excellence Juan Salazar Sancisi, « un ambassadeur équatorien trop zélé », l’expert Jacques Blazy avait au préalable invité son homologue péruvien, Javier Pérez de Cuéllar, à venir voir les pièces de la vacation. Le diplomate n’avait rien trouvé à redire, la collection Monheim ayant été constituée légalement entre 1952 et 1965, c’est-à-dire bien avant les lois de protection du patrimoine péruvien.
88 % des lots sont partis dans leur fourchette d’estimation ou au-dessus, pour un montant total de 190 000 euros, dépassant l’estimation basse globale de 150 000 euros. Les céramiques Nazca du sud du Pérou (100-700 ap. J.-C.) ont particulièrement séduit le public : une pièce Nazca à décor polychrome, représentant une homme-oiseau portant un masque de jaguar à longues moustaches, a décroché la meilleure enchère à 5 760 euros, le double de son estimation, devant un étonnant vase chauve-souris de culture Mochica du nord du Pérou (100 av. J.-C.-600 ap. J.-C.) parti à 4 800 euros, son estimation haute. Plusieurs autres pièces Nazca de formes rares ont fait de bons prix, ainsi : une coupe hémisphérique décorée d’une frise d’animaux peints, emportée 4 080 euros ; un vase anthropomorphe représentant une scène d’accouplement et un vase en forme de carrelet respectivement adjugés 4 020 euros et 3 960 euros. « Nous avons eu beaucoup d’achats étrangers », indique Jacques Blazy. Le Musée du quai Branly, désireux d’acquérir deux ou trois lots, n’a finalement pas préempté pour ne pas dépasser le budget qu’il s’était fixé. Enfin, nulle intervention diplomatique n’est venue troubler la dernière partie de la vente, que l’expert a volontairement enrichie d’une trentaine de pièces pré-hispaniques de diverses contrées latino-américaines, « histoire de voir s’il y avait des réactions des pays d’origine, sachant que, le cas échéant, l’on pouvait donner l’identité des vendeurs, lesquels ont été prévenus du problème rencontré avec l’Équateur. » Le test portait sur des pièces du Pérou (hors collection Monheim), du Costa Rica, du Mexique, du Guatemala, du Honduras et de Saint-Domingue. Les pays concernés, absents lors des enchères, ne se sont pas manifestés. « Non seulement nous ne sommes pas des pilleurs de tombes, mais nous veillons aussi à évincer les faux du marché », insiste Jacques Blazy qui a mis à l’épreuve de la question du faux la république Dominicaine à propos d’une hache Taino de Saint-Domingue parfaitement authentique (laquelle a été adjugée 8 400 euros), précisant que « la vigilance est de mise pour les objets de culture Taino, énormément copiés ». Aucune pièce équatorienne n’est venue alimenter cette fin de vacation. Sur ce dernier point, l’expert reste ferme : « Nous boycottons les objets de l’Équateur jusqu’au procès qui réglera le litige que nous avons avec ce pays. »
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
L’art pré-hispanique résiste
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°189 du 19 mars 2004, avec le titre suivant : L’art pré-hispanique résiste