En dépit d’annulations en cascade, l’Armory Show, prévue du 5 au 8 mars à New York, bénéficie de la fidélité d’un grand nombre de marchands convaincus de la solidité du marché américain. Traditionnellement spécialisée en art contemporain, la foire fait un pari cette année en s’ouvrant à l’art moderne et à la photographie.
NEW YORK - La Grosse Pomme gardera-t-elle encore en mars les stigmates de la déroute financière américaine ? Les marchands ont dû le craindre car l’Armory Show a été confronté cette année à une avalanche d’annulations. Eva Presenhuber (Zurich), les New-Yorkais Friedrich Petzel et Lehman-Maupin, ou encore Blum & Poe (Los Angeles) ont ainsi déclaré forfait. Une stratégie que ne partage pas le galeriste parisien Emmanuel Perrotin : « Je pars du principe que je ne souhaite pas que les collectionneurs annulent leurs achats, donc je m’engage à faire les foires pour lesquelles je me suis inscrit. » À la décharge des marchands frileux, New York est actuellement dans l’œil du cyclone. Les fermetures de jeunes galeries, à l’instar de Guild & Greyshkul, Leslie Cohan et Roebling Hall, ont commencé. Même chez les poids lourds, les œuvres traînent sur les cimaises pendant des mois au point que Larry Gagosian a corrigé à la baisse les prix des photographies d’Hiroshi Sugimoto. Bien que séduits par le Yes we can de Barack Obama, les collectionneurs américains semblent pencher pour « l’ère du non » formulée par le publicitaire Maurice Lévy. Celui-ci confiait ainsi le 8 janvier 2009 au quotidien Le Monde : « Le système basé sur l’accumulation ne fonctionne plus, car les individus, les entreprises, les pouvoirs publics, la société en général n’en ont plus les moyens et doivent faire des choix. »
Certains professionnels gardent toutefois un esprit positif. « New York reste New York. Quand les choses repartiront, ce sera de là-bas. Beaucoup d’Européens qui ne sont pas forcément allés à Miami iront à l’Armory », insiste Nathalie Obadia (Paris), de retour cette année à la foire avec Martin Barré, Shirley Jaffe et Patrick Faigenbaum. De même, Fabienne Leclerc (Paris), qui a récemment vendu des pièces de Bruno Perramant et Damien Deroubaix à des Américains, revient pour renforcer ces contacts. Olivier Antoine (Art : Concept, Paris) entend lui aussi inscrire ses artistes comme Pierre-Olivier Arnaud et Anne-Lise Coste dans le réseau américain. La défection de nombreuses vedettes a d’ailleurs permis l’arrivée ou le retour de galeries parisiennes tels Laurent Godin et Hervé Loevenbruck. Le premier affiche notamment Aleksandra Mir et Claude Closky tandis que le second prévoit un face-à-face courageux entre Philippe Mayaux et Bruno Peinado. « Au-delà de la conjoncture, des mémoires se construisent, affirme Laurent Godin. Si une participation est réussie, elle laisse des traces. Si le résultat n’est pas là aujourd’hui, il le sera demain ou après-demain. Ce n’est pas en se recroquevillant que l’on va s’en sortir. »
Un dollar avantageux
Cette année, le salon s’élargit au second marché et à la photographie. Une façon de damer le pion à l’Art Dealer Association of America (ADAA) ? « Pas vraiment, déclare Katelijne De Backer, sa directrice. Lorsque l’Armory se tenait aux mêmes dates que l’ADAA, c’était profitable aux deux salons. Comme nous avions accès cette année à deux piers, il nous a semblé bon d’incorporer une programmation différente. Nous pouvons aussi inviter des marchands étrangers, ce que ne peut faire l’ADAA. » Plusieurs d’entre eux ont d’ailleurs répondu présent, au premier rang desquels les Parisiens Lahumière, Daniel Templon et Boulakia. « Le propriétaire de l’Armory est aussi celui de Chicago, et comme cette dernière est morte, il s’est dit qu’il fallait faire venir les galeries à New York. Ils ont sans doute raison de faire la grande foire qui n’existait pas encore là-bas », indique Daniel Templon (Paris), lequel fait son entrée avec Vasarely, Arman et Anthony Caro. Anne Lahumière, qui présentera notamment Marcelle Cahn, Jean Dewasne et Auguste Herbin, affirme quant à elle avoir« une carte à jouer car [ses] artistes restent dans des prix raisonnables. Le cours du dollar permet aussi de mettre un pied sur le sol américain sans se ruiner ».
L’ouverture de cette section plus classique n’est-elle pas une fausse bonne idée, sa liste n’étant pas comparable avec celle de Bâle ou de Miami ? Certes les clients se replient sur les valeurs sûres au détriment de l’art émergent. Mais l’Armory Show ne peut virer de bord à 180 degrés. « À New York, il y a deux mondes, rappelle Denis Gardarin, de la galerie Sean Kelly (New York). Les gens uptown ne viennent pas downtown. Les collectionneurs d’art moderne ne viennent traditionnellement pas sur la foire. Du coup, la section “second marché” incitera plus les acheteurs d’art contemporain au moderne que l’inverse. »
THE ARMORY SHOW, 5-8 mars, Piers 92 & 94, 12e Avenue 55e Rue, New York, www.thearmoryshow.com, les 5, 6, 7 mars 12h-20h, le 8 mars 12h-19h.
Armory Show
Directrice : Katelijne De Backer
Nombre d’exposants : 239
Tarif des stands : 9 700 à 57 500 dollars
Nombre de visiteurs en 2008 : 52 000
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
L'Armory Show table sur le moderne
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°297 du 20 février 2009, avec le titre suivant : L'Armory Show table sur le moderne