Dans un contexte marqué par les affaires et la volonté de se réinventer, la foire d’antiquaires devenue annuelle a réussi son examen de passage, malgré un nombre limité de pièces d’exception.
PARIS - L’ouverture de la Biennale s’est déroulée en tenue de gala avec le dîner préparé par Guy Savoy le jeudi 8 septembre, marquant le début de neuf jours d’exposition. Sous la coupole du Grand Palais savamment éclairée, les convives ont pris place aux tables disposées devant chaque stand. « J’étais un peu angoissé juste avant l’arrivée des invités mais quand j’ai vu les gens s’extasier, j’ai tout de suite été rassuré », confiait Dominique Chevalier, président du Syndicat national des antiquaires, organisateur de l’événement.
La scénographie signée Nathalie Crinière a été unanimement appréciée. « Epurée », « élégante », « très contemporaine », « sobre », « discrète », ces adjectifs qui qualifient désormais le répertoire décoratif des foires d’art à l’image de Tefaf de Maastricht fusaient de toutes parts. « Ce décor, universel, permet précisément aux visiteurs de l’oublier et de se concentrer sur le contenu », commentait Guillaume Léage.
Circulation plus fluide
Les jeux de reflets des miroirs posés de biais au centre de la rotonde qui réfléchissent la magnifique coupole centrale de la verrière firent sensation. Le plan au sol a été redéfini, permettant une plus grande égalité entre les stands et une circulation plus fluide. Et puis, sans les grands joailliers qui occupaient des espaces démesurés dans la Biennale précédente, les antiquaires reprennent la main. En contrepartie, le dîner de gala comptait moins de personnes qu’il y a deux ans (environ 1050 personnes) sans la multitude de gros clients internationaux qu’ils drainaient. On parlait donc surtout français, mais aussi italien et un peu américain dans les allées, tandis que quelques Asiatiques et Russes déambulaient dans les stands. Le salon d’honneur à l’étage, reste cependant toujours à l’écart. « Je suis un peu déçu d’être en haut, mais ça va. Le souci, c’est que depuis le rez-de-chaussée, aucune indication n’informe que l’exposition se poursuit à l’étage », se désole Charly Bailly, d’autant plus que l’escalier est caché par le décor. « Cela devrait être amélioré », a indiqué Dominique Chevalier. Puisque le décor ou une partie de celui-ci devrait être réutilisé l’année prochaine – la manifestation devenant annuelle –, la vue d’ensemble depuis la balustrade du salon d’honneur sera révisée. Il faut noter un soin particulier apporté à la décoration de cet étage qui accueille l’exposition de 34 pièces exceptionnelles du XVIIIe siècle issues du Musée de l’Ermitage (voir visuel), tel le brûle-parfum en argent, de Pierre Filacier. En écho à cette scénographie habilement orchestrée, de nombreux marchands ont soigné leur décoration. La galerie Delalande imite ainsi l’intérieur d’un navire, tandis que les boiseries de style pompéien dans la première pièce de la galerie Léage sont une merveille, comme celles de la galerie Steinitz, ou le plafond du stand de la galerie Röbbig à l’imitation de celui du Panthéon à Rome ou encore le stand d’Antoine Barrère, mis en musique par François-Joseph Graf représentant pour moitié un temple asiatique et pour l’autre une rue commerçante et ses lampions.
Une sélection exigeante
Mises à part quelques galeries de faible niveau, venues compléter les espaces vacants, les objets exposés sont de qualité, même s’il n’y a pas profusion de chef-d’œuvres. Parmi les pièces remarquables, on note une guanyin délicatement sculptée en marbre blanc dans son jus à plus d’un million d’euros présentée par Antoine Barrère ; Cité fantoche, de Dubuffet, 1963 (13,4 millions d’euros) est à acquérir chez Landau ; une commode de Pierre Macret en laque de Chine, XVIIIe, proposée à 800 000 euros chez Röbbig, un vase monumental de Denière chez Steinitz, une statue d’empereur romain en marbre, Ier-IIe siècle (affichée à 850 000 euros) sur le stand de la galerie Chenel. La galerie Léage montre une commode du début du XVIIIe en bois de placage, dont la construction a probablement été commencée par Joseph Poitou et terminée par Charles Cressent qui a repris son atelier à sa mort (entre 600 et 800 000 euros) ; le célèbre lampadaire Religieuse de Pierre Chareau exécutée en 1927 pour le Grand Hôtel de Tours ou encore des tables gigognes de Dunand laquées et recouvertes de coquille d’œuf (autour de 500 000 euros) sont à voir chez Marcilhac. Gabrielle Laroche, revenue à la Biennale présente un cabinet de boiserie du Val d’Aoste, fin XVe, qui a conservé sa polychromie d’origine (110 000 euros), tandis que le nouveau venu Daniel Templon expose une sculpture d’Yves Klein (en vente à 1,1 million d’euros), et que la galerie de la Béraudière met en vente pour 7,5 millions d’euros une Jeune fille à la frange, 1917, de Modigliani. François Laffanour montre, lui, une bibliothèque murale de Jean Prouvé, vers 1935, une pièce unique (400 000 euros)
Des ventes dès le dîner de gala
Dès l’ouverture, les exposants ont vendu quelques pièces, à l’instar de Franck Prazan avec une composition de Nicolas de Staël ; Gisèle Croes a cédé une pierre monumentale de lettré, dont on ignore l’époque (50 000 euros) et une hache cérémonielle en bronze avec traces de polychromie du XIVe siècle av. J.-C. (400 000 euros). « Nous avons très bien vendu et avons beaucoup de touches, dont un musée français qui a repéré plusieurs objets », annonçait fièrement Jean-Pierre Montesino (galerie Cybèle), qui a cédé un masque de momie d’époque gréco-romaine (autour de 50 000 euros) et une maternité en terre cuite, Nouvel Empire, XVIIIe dynastie, 1500 av. J.-C., achetée par un grand collectionneur suisse (aux alentours de 75 000 euros).
La manifestation se poursuit jusqu’au 18 septembre.
Dans un climat marqué par les affaires, des mesures plus sévères ont été appliquées lors du passage des commissions d’expertise dans les différentes spécialités, juste avant l’ouverture de la Biennale au public. Selon Dominique Chevalier, président du SNA, environ 5 500 objets ont été vus par les experts. Sur ce total, « 2,75 % des objets n’étaient pas de niveau Biennale et ont donc été recalés », a-t-il indiqué. Parmi ceux-ci, deux cabinets d’Étienne Levasseur (1721-1798) ont été retirés à titre conservatoire du stand de Sylvie Lhermite-King en attendant un supplément d’enquête. « Les commissions sont souveraines et il y a une clause de confidentialité. Aussi, en tant que président du SNA, j’ai un devoir de réserve en ce qui concerne les hypothétiques problèmes soulevés à l’encontre d’objets », explique Dominique Chevalier qui botte en touche.
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Lancement réussi pour la nouvelle Biennale
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°463 du 16 septembre 2016, avec le titre suivant : Lancement réussi pour la nouvelle Biennale