Dès la fin du XVIIIe siècle, l’art du paysage évolue et ses représentations deviennent plus spontanées. Mais c’est véritablement avec Corot que les artistes quittent leurs ateliers et peignent \" sur le motif \". Le paysage résume ainsi toute l’évolution de la peinture au XIXe siècle.
On connait la boutade : "Corot a peint 3 000 tableaux ; dix mille d’entre eux se trouvent aux États-Unis". Malgré son outrance, le "mot" n’est pas dénué de fondement : il existe de nombreux vrais Corot, et des faux plus nombreux encore. L’acheteur doit donc se comporter avec circonspection mais, ceci posé, il pourra assez aisément se rendre maître d’une œuvre réellement peinte par l’artiste, et dans une gamme de prix très large.
Corot apparaît en effet aussi difficile à situer d’un strict point de vue du marché que de celui de l’histoire de l’art. Plus cher que ses devanciers (tel A. E. Michallon, qui fut son professeur) et que ses contemporains de l’École de Barbizon, il n’a cependant jamais bénéficié des envolées qu’ont connues les impressionnistes. L’imminence de l’exposition qui lui est consacrée explique sans doute les 761 500 dollars déboursés en février pour Les vachères à la fontaine, une toile des années 1870 qui a, chez Christie’s, multiplié son estimation par 2,5. Si de tels phénomènes ne sont pas inhabituels à la veille des grandes rétrospectives, ils n’en demeurent pas moins ponctuels ; jamais, l’expérience le prouve, ces manifestations n’ont d’effet durable sur la cote des artistes concernés.
S’agissant des prix payés au cours des dernières années, la fourchette dans laquelle se situent les œuvres de Corot est extrêmement large : si l’on commence à trouver de petites toiles dès 100 000 francs, son record culmine aux 12 millions de francs obtenus pour une vue de Venise chez Christie’s en 1990. Le sujet de cette œuvre n’est pas indifférent, les amateurs appréciant particulièrement les toiles de l’époque italienne et également certains paysages et portraits plus tardifs : une "Jeune femme en rose", vers 1860, a ainsi été adjugée l’équivalent de 7 millions de francs par Christie’s en 1994. Beaucoup plus abondants, les paysages postérieurs à 1850 restent dans l’ensemble nettement plus accessibles et le sont même davantage qu’il y a quelques années.
Japonais absents
Les Japonais, grands acheteurs de Corot dans les années quatre-vingt, ne se manifestent plus avec autant de vigueur sur le marché depuis 1990, au grand soulagement des amateurs moins fortunés… Ainsi s’ouvrent beaucoup de possibilités, malgré des cours qui demeurent assez fermement soutenus par les Américains : il s’agit là d’une tradition, Mary Cassatt ayant beaucoup fait pour la promotion de l’artiste aux États-Unis. D’ailleurs, le fait que Christie’s ait élu New York pour y disperser en priorité les œuvres de Corot et celles de l’École de Barbizon, parallèlement à ses ventes de peintures du XIXe siècle, ne relève en rien du hasard.
En France, des toiles de Corot figurent régulièrement dans les ventes et recueillent des enchères proportionnelles à leurs mérites (époque, sujet, dimensions…), sans que l’on relève d’envolées spectaculaires à leur propos. Grâce au travail de "salubrité publique" mené par l’expert et spécialiste Martin Dieterle, les faux sont éliminés du marché, du moins de celui des ventes publiques et des galeries sérieuses ; ailleurs, on aura tout intérêt à faire preuve de la plus grande prudence.
S’il est difficile à classer, Corot n’en occupe pas moins une place centrale dans l’évolution picturale du XIXe siècle. Autour de lui, on peut bâtir des collections entières incluant les prédécesseurs qui l’ont influencé peu ou prou, en particulier les paysagistes "de plein air", encore injustement méconnus, ses contemporains de l’École de Barbizon, souvent accessibles dans un budget inférieur à 250 000 F, sans oublier bien sûr les impressionnistes qu’il a si fortement influencés. Des artistes tels que Pissarro, Degas, Boudin ou Jongkind doivent énormément à Corot. Et si les toiles importantes sont quelquefois d’un prix très élevé, les opportunités d’achats plus raisonnables ne sont malgré tout pas rares : la liste ci-dessous en donne quelques exemples relevés au cours des mois précédents.
Exposition Corot au Grand Palais, jusqu’au 27 mai.
Exposition " Néo-classique et en Plein Air, Paysages ", à la galerie de La Scala, jusqu’au 17 avril.
Exposition " Jongkind ", à la galerie Brame et Lorenceau, du 1er juin au 5 juillet.
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L’air du paysage
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°24 du 1 avril 1996, avec le titre suivant : L’air du paysage