PARIS
La galerie de la Présidence expose ses premières œuvres peintes durant les années 1920, lorsque Fautrier se servait de la matière pour révéler la lumière.
Paris. L’actualité est chargée autour du peintre Jean Fautrier (1898-1964). Attendu depuis longtemps, son catalogue raisonné rédigé par Marie-José Lefort vient de paraître, avec le soutien de Christie’s France, qui a saisi l’occasion pour exposer des toiles de toutes les périodes dans ses salons (en ventes privées). Françoise et Florence Chibret-Plaussu, co-fondatrices de la galerie de la Présidence, en ont ainsi profité pour montrer près de trente œuvres du peintre. L’accrochage se concentre uniquement sur les années 1920, dites « période noire » – en raison des tonalités foncées des toiles –, quand Fautrier pratiquait encore l’art figuratif. « Cela nous a pris plus de trente ans pour réunir cet ensemble, confie Françoise Chibret-Plaussu, alors quand nous avons su que ce catalogue raisonné sortait, nous nous sommes dit que c’était le moment ou jamais. »
L’exposition est structurée autour des œuvres sur toiles et celles sur papier. Les 8 œuvres sur toiles (affichées autour de 150 000 €) proviennent pour la plupart de la galerie Jeanne Castel – principale galeriste à avoir soutenu l’artiste – ou de la collection Jeanne Castel et Paul Guillaume. « C’est la plus belle provenance qui soit pour Fautrier », considère la galeriste. Les huiles, très en pâte, semblent sombres au premier regard, « mais on se rend vite compte, au cours d’une 2e ou 3e lecture, que tout est sublimé par la lumière. Fautrier fait parler la matière et est un capteur de lumière », souligne le directeur Éric Antoine-Noirel. Dans Le Bouquet blanc (1929), « la lumière devrait venir des fleurs mais, en fait, elle vient de toutes parts ».
Les œuvres sur papier, plus nombreuses (elles débutent à 10 000 €), comprennent un ensemble de 5 rares sanguines de grand format – des nus féminins, comme cuivrés, au modelé vigoureux (prix jusqu’à 70 000 € environ). Certaines d’entre elles proviennent de la collection Marc-André Stalter – grand spécialiste de l’œuvre de Fautrier. Parmi ces feuilles figure Nu de dos (Andrée Pierson), vers 1923, « un dos conçu comme une ronde-bosse. Ici, le corps n’est qu’un support de la lumière », commente Éric Antoine-Noirel.
Fautrier reste rare sur le marché et les travaux de ces années-là le sont encore plus : d’une part parce que s’il a beaucoup produit, il a aussi beaucoup détruit ; et d’autre part, cette période est plus confidentielle, moins connue du grand public que la période suivante, qui débute en 1930 avec le mouvement informel dont il est le précurseur. « Si son marché est soutenu pour la seconde période, la première est “soutenue en devenir” », estime le directeur. Son record est d’ailleurs détenu par Pièges, peint en 1946, adjugé 5,2 millions d’euros en 2021 chez Christie’s Londres, et issue de la série « Otages », l’une des plus valorisées sur le marché.
Ses acheteurs étaient essentiellement européens, car il a longtemps été méconnu aux États-Unis. Mais depuis, les Américains l’ont découvert grâce aux marchands français. Des musées commencent même à acheter des œuvres de la « période noire » : en décembre 2022, l’Art Institute de Chicago a acquis Chrysanthèmes sur une table (1927) auprès du marchand Franck Prazan.
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La « période noire » de Jean Fautrier
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°618 du 6 octobre 2023, avec le titre suivant : La « période noire » de Jean Fautrier