Le prix des œuvres récentes de l’artiste allemand exposées à la galerie Jérôme de Noirmont, à Paris, est relativement bas en regard de celui des œuvres historiques.
PARIS - Dans la deuxième moitié des années 1950, A.R. Penck, de son vrai nom Ralf Winkler (1), s’est vu refuser plusieurs fois l’entrée, comme enseignant, à l’École supérieure des beaux-arts de Dresde (en Allemagne de l’Est où il est né en 1939) et à l’École supérieure des arts de Berlin-Est. Pour pouvoir peindre, il est alors obligé d’enchaîner les petits boulots : conducteur de chaudières, facteur, liftier, gardien de nuit… Apparemment cela ne l’a pas aidé, par la suite, à passer d’une activité à une autre. La rumeur dit, en effet, que Penck déteste faire deux choses en même temps et ce serait la raison pour laquelle les toiles récentes de l’exposition organisée à la galerie parisienne Jérôme de Noirmont (la cinquième depuis quinze ans) sont datées de 2007 à 2009. Depuis deux ans, l’artiste aurait été accaparé par des activités d’ordre administratif et aurait donc peu produit.
De façon sans doute plus sérieuse, Penck aime proposer des expositions très construites et cohérentes autour d’un thème. On se souvient notamment de celle, fin 2000-début 2001, qui avait pris comme sujet la philosophie, et notamment Descartes. Une question de méthode, en somme. Les vingt-trois toiles actuellement regroupées sous le titre « Entre feu et glace » constituent donc, pour Penck, un ensemble homogène, qui ne saute pourtant pas aux yeux. On découvre en effet des toiles à dominante rouge, bleu ou noir puis d’autres polychromes. De même, si certaines sont figuratives, d’autres semblent plus abstraites et expressionnistes. Et puis, petit à petit, avec un peu d’attention, on comprend leurs traits d’union. À commencer par ce trait, justement, si caractéristique de Penck qui, depuis cinquante ans, lui a permis de mettre en place tous les éléments récurrents de son vocabulaire, lettres, chiffres, signes, symboles, figures, à l’exemple de son fameux « Standart », apparu dès 1964, véritable pictogramme qui évoque ce petit bonhomme en bâtons, stylisé, omniprésent dans son travail. Les éléments d’un langage plastique dont Penck a voulu (et réussi) à faire un système de communication simple et immédiatement compréhensible par tous.
Rencontre des contraires
On découvre aussi, comme l’indique le titre, cette constante rencontre des contraires qui, outre le jeu entre fond et surface, entre abstraction et figuration, confronte le chaud et le froid, l’évocation d’émotions et une réflexion plus dure, fruit d’une composition plus rigoureuse et radicale. Ou encore sous l’angle politique, le clivage Nord-Sud de notre monde moderne en écho à l’ancienne déchirure Ouest-Est qui a tant marqué Penck. Ou enfin le choc entre pouvoir et contre-pouvoir, chaos et espoir.
Les prix des œuvres de Penck oscillent ici entre 35 000 et 85 000 euros, une fourchette plutôt raisonnable compte tenu de l’importance et de la renommée de l’artiste. Mais, avec lui, il en est toujours ainsi. Ses toiles récentes ne sont jamais très chères en regard des plus anciennes qui atteignent des sommes nettement plus importantes. Ainsi celles des années 1960-1970, plus historiques, et même celles allant jusqu’au tout début des années 1980, peuvent-elles atteindre un prix cinq fois supérieur. Majoritairement achetées par des grandes collections allemandes ou américaines, elles sont toutes dans des musées ou en mains privées et, quand il en passe en ventes publiques, elles peuvent atteindre 400 000 ou 500 000 euros selon le format.
À la foire de Bâle, en juin dernier, le galeriste Michael Werner (qui le rencontre en 1965 et organise sa première exposition personnelle en 1968) demandait ainsi 550 000 euros pour un très grand tableau en noir et blanc daté de 1981. « Quand je lui ai demandé pourquoi cette somme était aussi importante, Michael Werner m’a répondu : «Penck est un artiste majeur et c’est un prix normal par rapport aux autres artistes allemands de sa génération» », précise Jérôme de Noirmont. Ce qui est effectivement logique. Il suffit, par exemple, de se rappeler qu’en février 1981, juste six mois après avoir quitté à pied l’Allemagne de l’Est pour passer à l’Ouest, A.R. Penck participait à l’exposition collective « Art Allemagne aujourd’hui » présentée dans les salles de l’ARC/Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Autour de grandes figures telles que Joseph Beuys, la manifestation regroupait des artistes plus jeunes comme Polke, Richter, Baselitz, qui constituaient alors la nouvelle scène artistique outre-Rhin et qui occupent aujourd’hui le devant de la scène internationale.
Nombre d’œuvres : 23
Prix : entre 35 000 et 85 000€
Jusqu’au 7 janvier 2012, galerie Jérôme de Noirmont, 38, avenue Matignon, 75008 Paris, tél. 01 42 89 89 00, www.denoirmont.com, tlj sauf dimanche 11h-19h, fermé du 24 décembre au 1er janvier
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La Penck attitude
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Abonnez-vous dès 1 €(1) En 1965, il prend le nom d’A.R. Penck en référence à Albrecht Penck, un géologue dresdois du XIXe siècle, spécialiste de l’époque glaciaire.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°358 du 2 décembre 2011, avec le titre suivant : La Penck attitude