Nouvelle star des pays émergents, l’Iranien Farhad Moshiri s’attache au malaise des exilés.
BRUXELLES - Les comparaisons ne sont pas toujours flatteuses. Celle fréquente entre Farhad Moshiri et Jeff Koons, tous deux fascinés par l’esthétique de la classe moyenne, n’est pas des plus engageantes. Les quelques pièces très hétérogènes entrevues au gré des foires ne jouent pas non plus en faveur de l’artiste iranien. L’enchère de 1,04 million de dollars (765 000 euros) décrochée en mars chez Bonhams à Dubaï par un tableau incrusté de cristaux Swarovski, alors que Moshiri n’a pas encore brillé dans des événements muséaux, peut enfin rendre suspicieux. Aussi l’exposition organisée à la galerie Rodolphe Janssen, à Bruxelles, vient-elle à point nommé donner une meilleure lisibilité à un travail qui en manquait furieusement.
Disney en Iran
L’ensemble des œuvres explorent le tiraillement des exilés, oscillant entre l’Est et l’Ouest sans vraiment trouver d’équilibre d’un côté ou de l’autre. Les difficultés d’adaptation sont perceptibles dans ce tapis de 35 m2, ornement basique de tout intérieur iranien, transformé par la force des choses en une simple moquette dont les découpes reprennent le tracé de la cuisine ou des toilettes. Cette pièce directement autobiographique fait référence aux treize années que Moshiri a passées aux États-Unis avant de retourner en Iran. « Vous vous sentez complètement seul, vous vous forcez à vous adapter en vous demandant tout le temps : suis-je heureux ? Los Angeles ne me donnait pas l’épaisseur historique que j’attendais d’une grande ville », confie l’artiste. Ce mal-être transparaît dans cette pièce très frontale, Home, Sweet Home, napperon coloré percé de couteaux dont la silhouette forme cette expression empreinte de nostalgie. Le tableau criard d’un intérieur très « américain moyen » souligne aussi le déclassement des émigrés, conduits à épouser un certain kitsch banlieusard. Un autre tableau montre un double canapé, l’un recouvert d’un tissu Native American [artisanat des Indiens d’Amérique], l’autre d’un plaid oriental. Dans les deux cas, se dégage un sentiment trouble, à la fois d’inconfort et de réconfort. Cette ambivalence entre rêve et précarité pointe aussi dans une toile représentant un canapé transformé en lit flottant au milieu d’un ciel étoilé. « Les Iraniens cherchent leur identité. Selon l’humeur du moment, ils vont vers l’est ou l’ouest. Ils veulent être à 100 % iraniens, mais ils sont bombardés de produits de l’Ouest », observe l’artiste.
Puisant ses références aussi bien dans la féerie Disney que dans les miniatures persanes, Moshiri a-
t-il résolu cette dualité ? « Certains artistes font semblant de ne pas être iraniens pour être pris au sérieux, c’est une stratégie pour ne pas être “ethnicisé”, explique l’artiste. Tout créateur veut que son art soit global, mais je n’ai jamais intentionnellement essayé de rendre mon travail non iranien. Il s’avère que mon art plaît aux curateurs étrangers, mais ce n’est pas de ma faute. » En dépit de son succès grandissant auprès des collectionneurs occidentaux, notamment du Britannique Frank Cohen, Moshiri n’imagine pas déserter sa source d’inspiration première, l’Iran. « C’est là que se trouve mon imagerie, dit-il. Je me sens asséché quand je quitte le pays.
Jusqu’au 31 octobre, galerie Rodolphe Janssen, 35, rue de Livourne, Bruxelles, www.galerierodolphejanssen.com
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
La maison de mon ami
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°289 du 17 octobre 2008, avec le titre suivant : La maison de mon ami