La lumineuse poésie des Leisgen

Elle était peintre, il était sculpteur et, en 1970, ils ont décidé d’un commun accord d’abandonner leur pratique respective pour accomplir un travail à quatre mains en matière de photographie. Exemplaire d’une capacité à transgresser tous les cloisonnements, la démarche de Barbara et Michael Leisgen l’est notamment d’une génération qui visait à privilégier le conceptuel sur le visuel. Mais bien plus que pour cette raison-là, le recours à la photographie trouve sa justification chez eux pour ce qu’elle est, étymologiquement, un moyen d’expression qui permet d’« écrire avec la lumière ». Intéressés à créer des images qui fassent écho aux mythes fondateurs d’une culture universelle, les Leisgen ont élaboré tout un langage plastique en référence à la nature pour s’interroger ensuite sur le sens de l’art. Comme s’il s’agissait de donner à voir quelque chose d’indicible, voire d’innommable, leur art joue de silences, d’éblouissements et de tremblements infimes, d’effractions lumineuses, de mots frappés et de murmures du vent. Un trait de lumière trouble tracé dans le ciel, les deux mains séparées en diptyque d’un chef d’orchestre battant la mesure, le pistil érotique d’une fleur saisi sur un fond noir pour dire « the beauty of the mind » : épurées le plus souvent à l’extrême, les photos des Leisgen révèlent un absolu qu’une écriture, un simple mot, un geste, une fleur suffisent à signifier.
La cinquantaine d’œuvres que l’on peut voir chez Axel Vervoordt offrent un parcours rétrospectif et initiatique que conforte la puissante singularité de ses locaux, d’anciens bâtiments industriels portuaires très simplement réaménagés.