La quatrième édition de la foire d’art contemporain taïwanaise qui vient de fermer ses portes continue d’imprimer sa marque tout en poursuivant son intégration insulaire.
Taipei (Taïwan). Depuis son lancement en 2019, la foire Taipei Dangdai n’a cessé de se développer malgré la pandémie et les tensions géopolitiques en cours. Cet ancrage est d’abord marketing. Ciblant en priorité les collectionneurs taïwanais, l’identité de marque s’en ressent : « dangdai » signifie « contemporain » en chinois mandarin. Écrit en caractères traditionnels (當代) sur son logo, il est en subtil décalage avec les caractères simplifiés de la Chine continentale. Celle-ci ne compte d’ailleurs que six galeries présentes à la foire, un chiffre en deçà des galeries hongkongaises (10), taïwanaises (16), japonaises (22) et européennes (18). Il faut noter qu’il est désormais très difficile pour un citoyen chinois (hors Hongkong) d’obtenir un visa pour Taïwan. Les galeries sud-coréennes se limitent, elles, à cinq exposants alors que la foire Art Busan était organisée le week-end précédent.
Cette foire made in Taïwan n’en est pas pour autant une version au rabais de ses concurrentes internationales Art Basel et Frieze. Sur les quatre-vingt-dix exposants, les méga-galeries Gagosian, Continua, David Zwirner, Lehmann Maupin et Ben Brown exposent aux côtés de galeries plus régionales ou émergentes comme les parisiennes Sabine Vazieux et Liusa Wang, ou le Français Hadrien de Montferrand (Pékin et Londres). Le prix des stands reflète ce positionnement relativement haut de gamme : de 16 000 à 71 500 euros pour un espace de 30 m2 (minimum) à 120 m2 (maximum), auxquels s’ajoutent la TVA de 5 % et la taxe à l’importation de l’ordre de 5 % pour les ventes de peintures et de sculptures.
Au fil des allées, on constate une nette domination de la peinture sur les autres genres, comme sur le stand de Gagosian qui présente des toiles de Zeng Fanzhi, Takashi Murakami, Yayoi Kusama, Mark Grotjahn et Sterling Ruby, accompagnés d’une seule photographie de Nan Goldin. Cette sélection reflète l’ouverture des collectionneurs taïwanais aux artistes internationaux ainsi que leur appétence plus marquée pour les œuvres picturales, sur toile et papier.
Plusieurs galeries ont pour vocation de défricher l’art contemporain dans la région. Conçu par Takashi Murakami à partir d’une sélection de dix-sept artistes (Mr., Aya Takano, Otani Workshop, entre autres), le stand de Kaikai Kiki (Tokyo) en est un exemple abouti. Présent lors du vernissage, l’artiste et fondateur de la galerie y fut d’ailleurs plébiscité par les visiteurs. Les accrochages thématiques de la galerie Kwai Fung Hin (Hongkong) qui montrait les œuvres des artistes Lalan et Xue Song, la galerie Shibunkaku (Kyoto), celles de Morita Shiryu et Tsuji Kako et la galerie Hanart de Hongkong (avec Yeh Shih-Chiang et Yeh Wei-Li) s’inscrit dans la même veine de pionnier, tout comme la plupart des expositions monographiques des vingt-sept galeries des sections « Edge » et « Engage ».
On constate la présence de quelques artistes présents également à la Biennale de Gwangju, en Corée du Sud, encore en cours (jusqu’au 9 juillet) : le Cambodgien Sopheap Pich (Tina Keng Gallery de Séoul) et le Péruvien David Zink Yi (König Gallery à Berlin et Séoul) en particulier. En revanche, Yuma Taru et Charwei Tsai, les deux seules artistes taïwanaises de la biennale sud-coréenne, n’étaient pas représentées, signe d’un surprenant retard du marché par rapport aux artistes aborigènes et taïwanais consacrés institutionnellement.
Les ventes sont souvent proportionnelles à l’investissement en temps que les galeries ont consacré au marché taïwanais. Elles aboutissent plus lentement pour les nouveaux participants, alors que les transactions s’échelonnent jusqu’au dernier jour de la foire. Présente depuis la première édition de Taipei Dangdai en 2019, la galerie Vacancy (Shanghaï) a vendu l’intégralité de son stand dès le vernissage : des toiles de l’artiste belge Laurens Legiers (né en 1994) à des prix compris entre 20 000 et 40 000 euros selon son fondateur, le Taïwanais Lucien Y. Tso. La galerie TKG+ (Taipei) a vendu plusieurs œuvres du Thaïlandais Mit Jai Inn (né en 1960) à des prix comparables (entre 18 000 et 46 000 euros). Habituées de la foire, les galeries allemandes Eigen + Art (Berlin, Leipzig) et Sies + Höke (Düsseldorf) ont également réalisé de bonnes ventes auprès de collectionneurs taïwanais. La première confirme des transactions sur une large gamme de prix : une toile du Britannique Ryan Mosley (né en 1980) pour 33 000 euros, une installation d’Olaf Nicolai (né en 1962, en Allemagne) pour 140 000 euros, ainsi qu’une large toile de Neo Rauch (né en 1960, en Allemagne) pour 1,2 million d’euros. Quant à la galerie Sies + Höke, elle a communiqué la vente de deux toiles : l’une de Jonathan Meese (né en 1970, à Tokyo) vendue à une fondation pour 56 000 euros, l’autre de Federico Herrero (né en 1978, au Costa Rica) acquise à 60 000 euros par un collectionneur privé.
Les ventes de sculptures ne sont pas en reste. Asia Art Centre (Taipei, Pékin) a vendu plusieurs œuvres de Ju Ming (1938-2023) de sa série « Living World » à des prix compris entre 95 000 et 240 000 euros. Décédé en avril dernier, le sculpteur taïwanais dispose de son propre musée depuis 1999 au nord-est de l’île. Parmi les autres stars du marché, Ota Fine Arts (Shanghaï, Singapour et Tokyo) a vendu une sculpture de Yayoi Kusama (née en 1929, au Japon) de sa série « Pumpkin » (2021) pour environ 1,8 million d’euros et la galerie Continua (San Gimignano, Paris, Pékin, entre autres) un bronze de 2012 d’Antony Gormley (né en 1950, en Angleterre) pour environ 500 000 euros.
La prochaine étape du groupe The Art Assembly, propriétaire de Taipei Dangdai, est le lancement de Tokyo Gendai, le 6 juillet prochain avec près de quatre-vingts galeries, dont Almine Rech, Ceysson & Bénétière, Frank Elbaz et Perrotin pour la France.
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La foire Taipei Dangdai résiste aux incertitudes géopolitiques
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°612 du 26 mai 2023, avec le titre suivant : La foire Taipei Dangdai résiste aux incertitudes géopolitiques