LONDRES / ROYAUME-UNI
Les grandes ventes d’art impressionniste et moderne du mois de juin à Londres ont su faire oublier leur fadeur grâce au record obtenu par le chatoyant Paysage de Krumau d’Egon Schiele, tableau récemment restitué. Mais un franc succès a également été remporté par le surréalisme et l’expressionnisme allemand, et surtout par la collection Tériade, témoignage sans égal de la vie d’un éditeur d’art passionné, dont chacun des trente lots a trouvé preneur.
LONDRES - C’est l’histoire d’un tableau d’Egon Schiele, Paysage de Krumau, ville et rivière (1916), dérobé à ses propriétaires juifs par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Depuis cinquante ans dans les collections de la Neue Galerie à Linz, en Autriche, le tableau a récemment été restitué aux héritiers de Wilhelm et Daisy Hellmann. Mis en vente chez Sotheby’s à Londres le 23 juin, le tableau a attisé la convoitise : adjugé 12,6 millions de livres sterling (17,94 millions d’euros), c’est un record mondial pour une œuvre d’art restituée et un nouveau record pour l’artiste autrichien. Le tableau de Schiele représente à lui seul le quart du produit de la vente de Sotheby’s, qui s’élève à 37,3 millions de livres (53,08 millions d’euros), et dont 11 des 35 lots sont restés invendus. 68,57 % des lots ont été vendus, pour un résultat de 80,42 % en valeur.
La soirée fut plutôt douloureuse pour les responsables de la maison, les enchères étant rares voire inexistantes sur certains lots : “C’était une soirée digne des montagnes russes, a déclaré le galeriste James Roundell, mais les œuvres de qualité ont obtenu de bons résultats.”
Enchérissant contre le marchand new-yorkais William Acquavella, Roundell a décroché L’Acte de foi de René Magritte (1960) pour 1 909 600 livres (2 718 531 euros, est. 900 000 à 1,2 million de livres). Un enchérisseur au téléphone a bien voulu débourser 7,6 millions de livres (10,8 millions d’euros, est. 7 à 9 millions de livres) pour l’Incantation de Paul Gauguin (1902), une vue tahitienne qui a timidement atteint son estimation basse.
Le jour suivant, chez Christie’s, la collection de l’éditeur français Efstratios Eleftheriades, plus connu sous le nom de Tériade, ouvrait le bal. La vente des dessins de quelques maîtres du XXe siècle a rapporté plus de 4 millions de livres (5,7 millions d’euros, aucun lot invendu) et a fait la joie d’une foule d’acheteurs européens enthousiastes, qui ont enlevé six des dix premiers lots. Le Coq de Joan Miró et ses couleurs étincelantes (1940) s’est imposé comme l’œuvre la plus onéreuse de la vente, en atteignant 1,8 million de livres (2,56 millions d’euros, est. 250 000 à 350 000 livres).
Les enchères se sont poursuivies en toute confiance lors de la vente d’art impressionniste et moderne qui suivait la collection Tériade, et ce notamment grâce à la décision de Christie’s de démarrer avec l’art surréaliste et l’art expressionniste allemand, qui tiennent actuellement le haut du pavé. Les onze œuvres surréalistes se sont arrachées, la plupart au-dessus de leurs estimations relativement modérées, pour un total de plus de 5 millions de livres (7,12 millions d’euros), avec le premier prix adjugé au Nu et le mannequin de Paul Delvaux (1947) avec 1 685 250 livres (2 398 855 euros).
La salle de vente a gardé son enthousiasme et a soutenu les enchères malgré la qualité médiocre des œuvres proposées par la suite. Deux Van Gogh fraîchement arrivés du Japon – un portrait très atypique aux couleurs stridentes de 1888, Une Liseuse de romans, et une nature morte aux roses à la composition plutôt déséquilibrée – étaient les deux lots les plus importants, chacun partant à son estimation basse. Le portrait est allé à un enchérisseur au téléphone pour 3,3 millions de livres (4,7 millions d’euros), tandis que l’étude de fleurs s’est vendue à 4,2 millions de livres (près de 6 millions d’euros). Un joli dessin de Van Gogh, valorisé par une lettre à son frère Théo au verso, fut adjugé au téléphone pour 845 250 livres (1 203 184 euros), dans la fourchette d’estimation (est. 700 000 à 1 million de livres).
Cette soirée chez Christie’s a totalisé 25 780 300 livres (36 697 983 euros, vente de 83 % des lots et de 87 % en valeur), soit une baisse considérable par rapport à l’an dernier puisque le total – qui comprenait toutefois un Picasso de 16 millions de livres – s’était élevé à 40 millions de livres.
Avec 37,3 millions de livres, la vente de Sotheby’s obtient plus d’un million de livres de moins qu’en 2002. Ces résultats ne sauraient être considérés comme décevants si l’on prend en considération que ces ventes ont été montées pendant la guerre en Irak. Ils témoignent néanmoins d’un retrait du marché.
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La collection Tériade triomphe
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°175 du 29 août 2003, avec le titre suivant : Tériade triomphe