Ils font la Fiac des émergents

Toutes deux situées rue Jouye-Rouve, elles ont pris leurs quartiers à l’automne 2009 et participent de l’identité séduisante de ce coin de Belleville, aux côtés des galeries de Jocelyn Wolff, Balice Hertling, Gaudel de Stampa et Samy Abraham. Ils ont été drainés là par l’insolence du duo Bugada et Cargnel (ancienne Cosmic Galerie créée en 2002), installé à quelques centaines de mètres dans un sublime ancien garage des années 1930 d’environ 500 m2. Une exception dans cet univers de microstructures et de galeristes qui se voient autant producteurs et agents d’artistes que marchands.

Une affaire de flair, pas de génération
Lorsque Claudia Cargnel et Frédéric Bugada déménagent à Belleville, l’art contemporain est absent du quartier. Au même moment, Jocelyn Wolff investit une boîte à chaussures de la rue Rébeval, suivi par Balice Hertling. Mais le baromètre de Belleville est sans nul doute le binôme composé d’Isabelle Alfonsi et de Cécilia Becanovic, alias Marcelle Alix. Derrière ce nom suranné se cachent une ancienne collaboratrice de la Galerie Michel Rein et une commissaire indépendante passée par le Centre culturel suisse. Très féminine, voire féministe, leur programmation n’a rien de commercial. Preuve de ce flair et d’un travail constant et efficace en sous-texte, trois de « leurs » artistes se retrouvent dans la sélection du prix Ricard : Mathieu K. Abonnenc et le duo Louise Hervé et Chloé Maillet. Elles accompagnent une scène française cérébrale et pointue, d’Aurélien Froment à Marie Voignier, en passant par le tandem Cool et Balducci. Et si leurs expositions se voient souvent d’un seul coup d’œil compte tenu de l’exiguïté de leur espace, les travaux exigent bien davantage. Chez Marcelle Alix, la « couleur » de la galerie est à l’intellectualisme.

Tout aussi expérimentale est la programmation de leur voisine Crèvecœur, alias Axel Dibie et, depuis 2010, Alix Dionot-Morani (une ancienne du pavillon du Palais de Tokyo). Fondée en 2008 du côté d’Oberkampf, la galerie a réussi le pari de filer à Belleville un an plus tard. Les frères Quistrebert, découverts à Nantes puis au domaine de Chamarande, forment l’avant-scène de leur liste d’artistes aussi divers que les fantasques Espagnols Bestué-Vives, Mick Peter ou Jorge Pedro Núñez pour la partie internationale, et Xavier Antin – qu’ils présentent à Frieze avant la Fiac –, Lætitia Benat, Julien Carreyn ou encore Antoine Marquis pour les Français. Un parti pris qui aura sans doute séduit la Fiac.
Mais l’émergence n’appartient pas qu’à cette jeune génération et l’on doit souligner le travail prospectif de galeristes déjà installés, comme Françoise Paviot, indéfectible soutien des photographes Jürgen Nefzger et Aki Lumi. Celle-ci a tout récemment intégré Diana Thorneycroft, dont les mises en scène miniatures délectables apportaient beaucoup à « My Winnipeg » l’an dernier à la Maison rouge. Almine Rech affiche elle aussi la même volonté de chercher et d’accompagner de plus jeunes artistes que les poids lourds du marché qui forment l’identité de sa galerie. Elle avait lancé Bruno Rousseau et avait accompagné l’envol de Tatiana Trouvé. Dernièrement, ce sont les peintres Ida Tursic et Wilfried Mille (11e Prix Ricard) qui incarnent ce souci de l’émergence. Un artiste émergent est un atout indéniable et un pari sur l’avenir, parfois jusqu’au jackpot. Il faut donc les suivre...