PARIS
L’artiste allemand inaugure la galerie Lévy Gorvy. L’occasion d’assister à son changement de registre pictural.
Paris. « Dominique Lévy, qui est d’origine suisse, a un attachement personnel à la France et elle a toujours eu le désir d’ouvrir une galerie à Paris. Elle attendait simplement une belle opportunité », indique Clara Touboul, la directrice de la nouvelle galerie Lévy Gorvy. Et Dominique Lévy a évidemment sauté sur l’occasion quand elle a pu reprendre l’ancien espace de Claude Berri pour inaugurer, en octobre dernier, les 400 mètres carrés dont 250 d’exposition du passage Sainte-Avoye (à deux pas du Centre Pompidou). C’est donc sa cinquième adresse, après l’ouverture de celles de New York en 2013, Londres en 2014, Zurich en 2017 et Hongkong en 2018. Entre-temps, en janvier 2017, elle s’est associée avec Brett Gorvy.
Pour ce lancement parisien, l’artiste Günther Uecker (né en 1930 en Allemagne de l’Est et installé depuis 1955 à Düsseldorf) ouvre le bal, lui qui fut, en 1961, l’un des piliers du Groupe Zéro, fondé quatre ans plus tôt par Heinz Mack et Otto Piene et qui fut aussi très proche de Lucio Fontana, Yves Klein, Bernard Aubertin, etc. Or, à l’exception de quelques participations à des manifestations collectives, il n’avait pas eu d’exposition en galerie à Paris depuis 1969, chez Denise René. Il n’a d’ailleurs eu sa première présentation monographique dans une institution française qu’à l’automne 2013 au Musée d’art moderne de Saint-Étienne Métropole.
Uecker a profité du premier confinement, au printemps dernier, pour changer de registre et proposer six grandes toiles accompagnées de 42 petites aquarelles, toutes nées d’un voyage au détroit d’Ormuz, lors de plusieurs expositions en Iran.
Si ces nouvelles réalisations paraissent visuellement très différentes de ses tableaux avec des clous qui ont fait son identité et sa réputation, elles n’en sont, dans le fond, pas si éloignées. On y retrouve d’une part le principe de répétition d’un même geste, certes ici de plus grande ampleur puisqu’il implique tout le corps, mais le concept est le même, proche de l’exercice méditatif d’un mantra (Uecker connaît bien le bouddhisme). Il témoigne en outre de l’engagement physique toujours revendiqué par l’artiste, qui le voit cette fois balayer la couleur avec un pinceau au long manche. D’autre part, ces œuvres, comme l’indique le titre de la série, « Lichtbogen – Arc de lumière » [voir ill.] rappellent que la lumière, ici comme une colonne vertébrale, a toujours été au centre du travail de Uecker, notamment avec son goût pour les structures optiques et les jeux d’ombres portées crées par les reliefs de ses toiles avec des clous. En fonction des moments de la journée et des éclairages, elles pouvaient rappeler le principe du cadran solaire.
Enfin ces toiles récentes, qui de par leur matière particulière (pigment et aquarelle), comme embruinée, font penser à une cascade, ne sont pas sorties ex-nihilo : elles sont en effet la prolongation, l’aboutissement d’une pratique que l’artiste exerce depuis toujours, celle de l’aquarelle. Günther Uecker qui a toujours aimé voyager, notamment à l’occasion de ses expositions dans le monde entier, a systématiquement profité de ses différents séjours pour saisir un moment, une ambiance, des lumières en peignant des aquarelles dans de petits carnets – comme des carnets de voyage, de mémoire, d’écriture d’une émotion directe – qui ont chaque fois donné lieu à des séries. Mais il ne les avait jusqu’alors jamais exposées.
Entre 450 000 euros pour l’ensemble des aquarelles (qui forment une seule œuvre) et environ 500 000 euros pour chaque grande toile, les prix sont raisonnables (et loin de la vente record à 3,2 millions de dollars chez Christie’s en 2017) pour un artiste moins connu et starifié que d’autres, mais indéniablement important.
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Günther Uecker sort des clous
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°558 du 8 janvier 2021, avec le titre suivant : Günther Uecker sort des clous