Georges Noël presque inédit chez Berthet-Aittouarès

Paris. À la fin des années 1980, Michèle Aittouarès est lasse des tendances artistiques alors à la mode et se tourne vers le travail d’artistes singuliers comme Baya, Anselme Boix-Vives, Gaston Chaissac… C’est dans cet état d’esprit qu’elle rencontre Georges Noël (1924-2010) et qu’elle lui consacre, dès 1990, une exposition personnelle dans sa galerie du 29, rue de Seine où elle s’est installée en 1986, avant de s’agrandir en 2014 au numéro 14 de la même rue. C’est à cette adresse qu’elle expose aujourd’hui, avec sa fille Odile, treize des toiles montrées à l’époque, dont la quasi-totalité n’est jamais sortie sur le marché, gardées dans la collection de la galerie ou chez des collectionneurs privés.

À l’exemple d’une superbe toile L’Éléphant (1965), exposée en vitrine, dont la texture évoque de façon troublante la peau de l’animal, cette sélection rappelle à quel point Georges Noël a, toute sa vie durant, fait du travail de la surface l’un de ses axes principaux. La preuve en est d’ailleurs donnée ici avec des œuvres qui, très variées puisqu’elles s’étalent sur presque trente ans, déclinent les différents aspects de cette dominante.

Dans Civilisation engloutie II (1961, voir ill.), la technique mixte utilisée mêle du sable aux pigments et avec lui de minuscules morceaux de silice qui donnent à la toile une impression de brillance venant faire scintiller les signes qui semblent gravés dans la matière. Le caractère pariétal se retrouve dans d’autres œuvres, notamment dans Petites Bandes de ciel bleu (1961), avec ses alignements de motifs et de traits nerveux.

L’aspect palimpseste récurrent dans toute l’œuvre de Georges Noël domine cette sélection comme en témoigne un très beau et inattendu papier marouflé sur toile, Sans titre (1986), rose orangé, qui tranche avec les tons sourds des autres œuvres. Elles rappellent toutes à quel point le geste, l’écriture (qui peut quelquefois rappeler celle d’un Cy Twombly), l’écriture du geste, grattée en profondeur dans la matière ou juste éraflée en surface, et souvent proche d’un graffiti, est l’un des fils conducteurs de l’artiste, habité par les principes de stratification, d’effacement et d’apparition de ses signes qu’il classait en séries.

Entre 12 000 et 39 000 euros pour ces moyens formats, les prix sont très raisonnables pour un artiste qui fut une figure importante de l’abstraction et qui eut ses heures de gloire avec une réelle reconnaissance internationale dès le milieu des années 1960. Mais comme le précise Michèle Aittouarès, « il n’était pas facile ». À partir du début des années 2000, il va connaître une relative traversée du désert duquel il ressort depuis que sa veuve, Margit Rowell – autrice de plusieurs ouvrages et qui fut notamment conservatrice au Centre Pompidou et au MoMA de New York –, s’occupe de sa succession.