Interencheres, qui se veut un acteur « éco-tech », a annoncé de très bons résultats pour 2023. Le président du directoire explique pourquoi et commente l’évolution du marché.
Ingénieur de formation, Frédéric Lapeyre (54 ans) a déroulé une grande partie de sa carrière dans des groupes de médias, en charge de leur système d’information. Le numérique est précisément au cœur du modèle d’Interencheres, la plateforme de ventes aux enchères en ligne détenue par 319 commissaires-priseurs
Ce montant correspond au produit d’adjudications (frais inclus) des ventes live et/ou online only qui a été réalisé par nos adhérents. Il est constitué des adjudications en « Art et collection », qui ont totalisé 237 millions d’euros, soit un résultat identique à l’exercice précédent, ainsi que des adjudications de produits industriels et de véhicules
Les ventes d’art en France sont en baisse, mais la part d’adjudications en ligne poursuit sa progression, et les chiffres d’Interencheres en sont le reflet : en 2019, la part des ventes électroniques ne représentait que 39 % du volume total adjugé, et elle est désormais majoritaire, avec près de 60 % des lots qui trouvent preneur en ligne.
Uniquement sur le segment « Art » , puisque nous avons totalisé 678 millions d’euros d’adjudications en ligne toutes catégories confondues, en progression de 21 %. Interencheres se distingue par la grande diversité de son offre. Nous sommes leader au niveau des volumes, nous vendons plus de lots y compris dans la catégorie « Art ». De grandes maisons, comme Tajan, Artcurial et Piasa, nous ont d’ailleurs rejoints récemment et, à l’exception de Christie’s et Sotheby’s, nous avons aujourd’hui 8 des 10 plus grandes maisons de ventes en France. Je regrette néanmoins que les adjudications réalisées dans l’enceinte de l’hôtel Drouot échappent aux autres plateformes, puisqu’à l’exception de Drouot.com, aucune autre retransmission en ligne n’y est autorisée.
Oui, ce taux est très élevé si on le compare au taux de 15 % du e-commerce par rapport au commerce global. En 2019, 20 % des ventes d’Interencheres étaient retransmises en live, et aujourd’hui ce taux est passé à plus de 70 %. Ce mouvement a été porté par la montée en puissance des sites de e-commerce comme Amazon, et s’est accéléré avec le Covid. Pendant les confinements, les collectionneurs se sont distraits en chinant en ligne tandis que les professionnels se sont rendu compte qu’il était pratique de suivre sur son ordinateur plusieurs ventes en même temps. Le live a d’ailleurs permis à certaines études de passer le cap difficile du Covid. On craignait cependant que l’adjudication en ligne reflue à la sortie de la pandémie, d’autant que les commissaires-priseurs nous ont dit que les acheteurs revenaient en salle, mais elle s’est maintenue. Le rebond de + 21 % que l’on a observé en 2023 sur Interencheres témoigne du virage durable du secteur
Le bénéfice de la praticité et du confort dépasse le risque de déception sur l’objet livré. En revanche, les acheteurs demandent maintenant beaucoup plus d’informations aux études avant la vente : des vidéos, des rapports de condition. De sorte que, d’un côté, les études font plus de chiffre d’affaires parce qu’ils ont plus d’enchérisseurs mais, de l’autre, les ventes live nécessitent plus de ressources qu’une vente en salle : les échanges avec les acheteurs, la gestion des livraisons… Les commissaires-priseurs doivent aussi apprendre à jongler avec la salle, le téléphone, le ou les plateformes (certains travaillent avec trois opérateurs live), tout en maîtrisant leur image sur les écrans.
On ne communique pas ce chiffre car il reste encore naissant, bien qu’en forte progression, mais 150 maisons de ventes l’ont déjà essayé. Mon sentiment est qu’il va fortement croître. Même si le online only ne remplacera jamais l’adrénaline du live, il s’adapte particulièrement bien à certaines typologies de lots et, pour les commissaires-priseurs, c’est un gain de temps considérable et un levier d’acquisition pour attirer de nouveaux acheteurs rompus aux codes du e-commerce.
Oui, car la démocratisation des enchères a permis d’attirer de nouveaux acheteurs, mais également des vendeurs qui autrefois n’osaient pas ou n’avaient pas le réflexe de solliciter un commissaire-priseur. La demande progresse dès lors en même temps que l’offre se renouvelle, et celle-ci reste très accessible. Notre base de 1,5 million de clients s’est enrichie en 2023 de 175 000 nouveaux adeptes et on commence à voir arriver des jeunes, qui voient dans l’achat d’un objet d’occasion une démarche éco- responsable. Je rappelle aussi que, contrairement à des plateformes de courtage, nos ventes sont régulées et que les adjudicataires bénéficient de la garantie de cinq ans.
Interencheres – et c’est une de ses grandes forces – appartient à 319 actionnaires commissaires-priseurs. Le site a été créé en 1999 par trois commissaires-priseurs. Les actionnaires désignent un conseil de surveillance qui nomme un directoire. Les recettes de l’entreprise sont constituées de la cotisation des membres, de frais de fonctionnement du live et d’une commission sur les adjudications qui va de 1 à 3 %, ou 40 euros pour les véhicules. Ces recettes nous permettent de financer la structure composée de 50 personnes et les investissements technologiques. Les bénéfices servent aux investissements, il n’y a pas de dividendes versés aux actionnaires.
Cela nous a permis de mettre un pied à l’international grâce aux clients historiques d’Auction.fr. Depuis le 1er janvier 2024 la marque Auction.fr désigne notre activité de commercialisation de résultats de ventes, en s’appuyant sur une base de plus de 10 millions d’adjudications depuis 1998. L’ouverture à l’international est l’une de nos priorités, que ce soit en termes d’acheteurs ou de maisons de ventes. Pendant longtemps Interencheres était franco-français. Aujourd’hui, 10 % de notre audience est étrangère et 19 % de nos adjudications live dans le segment « Art » émanaient en 2023 de l’étranger. Le marché international est plus disputé avec de gros acteurs anglo-saxons notamment, mais l’attractivité que connaît le marché français sur la scène internationale conforte notre volonté de fédérer l’ensemble des acteurs autour d’une plateforme qui a fait ses preuves sur le territoire français.
Ce n’est pas d’actualité.
Outre notre développement à l’international, notre deuxième enjeu est d’améliorer l’expérience de l’acheteur en lui proposant une offre toujours plus qualitative et des outils de personnalisation adaptés à ses usages et goûts. Avec notre base de 1,5 million de clients, nous sommes entrés dans l’ère de la data. Nos investissements en la matière sont très conséquents et nous allouons près de 10 % de notre budget à des actions marketing.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°630 du 29 mars 2024, avec le titre suivant : Frédéric Lapeyre, président du directoire d’Interencheres : « Interencheres a conquis 175 000 nouveaux clients en 2023 »