L’exposition sur les Fauves organisée jusqu’au 19 juillet à la Galerie du Post-Impressionnisme, à Paris, donne une vision plutôt tempérée de ce mouvement.
PARIS - Fauves timides, fauves prudents, fauves hésitants. C’est une ménagerie un brin apprivoisée que propose l’exposition « Les Fauves » à la Galerie du Post-Impressionnisme, à Paris. Monté à partir du fonds de la galerie, l’événement affiche certes quelques morceaux de choix comme un Matisse de la période de Collioure. Mais il s’attache surtout aux ressacs du fauvisme, quand la brève onde de choc de 1905-1906 n’est plus qu’un souvenir. Ainsi voit-on un net décalage entre les petites esquisses vibrantes, gorgées de soleil et de couleur, réalisées en 1905 par Henri Manguin, et son Divan bleu de 1907, plus modéré malgré la présence de vert dans les chairs. Peu d’orgie chromatique ou de dissonance sur les murs, hormis chez Matisse, Othon Friesz, ou encore, chez un fauve « accidentel », Albert Gleizes. Nous sommes loin de la définition que donnait l’historien de l’art Jean-Claude Lebensztejn dans le catalogue de l’exposition « Le Fauvisme ou l’épreuve du feu. Éruption de la modernité en Europe », qui s’est tenue en 1999 au Musée d’art Moderne de la Ville de Paris. « La simplification et l’accentuation des formes, l’autonomisation relative de la couleur, l’aplatissement de l’espace, l’apparence d’improvisation rapide, la texture brutalement visible, une immédiateté agressive », écrivait-il. Cette fougue tempérée s’explique en partie par le fait que la galerie s’est attachée pour une bonne part aux fauves de second rayon, comme Charles Camoin ou Manguin, qui n’ont pas toujours délesté la couleur de sa fonction descriptive.
Chez nombre d’artistes, on devine le combat pour se départir de la touche pointilliste. Cette lutte est patente dans Matin d’été, peint par Matisse lors de son premier séjour à Collioure en compagnie d’André Derain. Les petites touches fragmentées viennent tout droit du divisionnisme d’un Seurat. La perspective reste encore classique, mais l’artiste cherche visiblement à la mettre à bas. Il est dommage de ne pouvoir comparer cette toile avec un Derain de la même période. De ce peintre, le visiteur n’a droit qu’aux Champs-Élysées, une aquarelle de 1907-1908 aux teintes assagies. Celle-ci ne présente plus grand-chose de fauve, la pose hiératique des corps témoignant davantage du glissement « byzantin » qui s’opère chez l’artiste.
Exaltation modérée
Bien plus lyrique et puissante est cette vue du Port de l’Estaque (1907) d’Othon Friesz, où l’espace est déstructuré à coups de mauves, orange et jaunes. L’artiste aura mis du temps à se débarrasser des oripeaux de l’impressionnisme. Pendant longtemps, il s’empêtre dans des œuvres « fauvisantes » avant de trouver l’inspiration à La Ciotat et à l’Estaque en 1907. Mais pointent très vite chez Friesz les leçons de Cézanne. L’ordre sonne la fin de la récré comme dans un Paysage méditerranéen construit en volumes.
Une belle Promenade à Saint-Cloud, dominée par des bleus stridents et une certaine épaisseur dans la matière, témoigne de la brève incartade fauve d’Albert Gleizes. Plus difficile toutefois de justifier la présence de son Bouquet de fleurs plutôt gentillet. On peine tout autant à relier à ce mouvement fulgurant un Après-midi dans les bois d’Henri Lebasque, plus proche d’un postimpressionniste comme Henri Le Sidaner.
Que la galerie rende justice à Louis Valtat, artiste discret écarté des premiers cercles de l’histoire de l’art, est en soi louable. Néanmoins, en faire un précurseur des fauves, comme certains s’y sont attelés dans les années 1950, semble quelque peu hâtif. À l’inverse des peintres rugissants, Valtat n’utilise pas la couleur pour définir l’espace pictural. Le chromatisme audacieux qu’on lui connaît parfois se manifeste tout autant chez les Nabis. Sa Scène de rue de 1898 fait d’ailleurs penser davantage à Bonnard qu’à Matisse. Bien qu’il le considère comme un fourrier du fauvisme, Raymond Coignat semble lui-même mesurer les limites de cette hypothèse : « Il n’est pas fauve si l’on entend grouper sous cette étiquette les hommes qui exaltent ces sentiments jusqu’à l’excès pour en tirer le maximum de violence, quitte à revenir par la suite à des notions plus ordonnées. » Or le fauvisme, c’est bien l’excès, un sentiment volcanique qui n’habite pas tous les tableaux de l’accrochage.
Jusqu’au 19 juillet, Galerie du Post-Impressionnisme, 14, avenue Matignon, 75008 Paris, tél. 01 56 24 07 08, du lundi au samedi 11h-13h et 14h30-19h, www.postimpressionnisme.net
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Fauvisme prudent
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°285 du 4 juillet 2008, avec le titre suivant : Fauvisme prudent