Vous présentez le 13 décembre à Drouot chez Piasa un portrait peint par Jacques Louis David, estimé 3 à 3,5 millions d’euros. Pourquoi ce tableau est-il plus important que celui vendu 2,1 millions d’euros le 22 juin à Paris chez Christie’s ?
Le tableau de Christie’s était une peinture sur bois, support très rare chez l’artiste qui lui donnait un aspect de porcelaine magnifique. Mais il s’agissait d’un portrait de commande classique tandis que le nôtre s’inscrit dans une série de portraits de famille que David entreprend entre 1810 et 1812. Le modèle est le général Claude Marie Meunier, gendre de David. Peint en 1812, ce tableau, présenté sur sa toile et dans son cadre d’origine, a une liberté d’exécution et une force qui n’ont été rendus possibles que par l’intimité entre le modèle et le peintre. Ce qui a permis à David de nous donner cette magnifique image du fils d’un modeste officier devenu l’un des grands dignitaires de l’Empire à la faveur des troubles révolutionnaires.
D’où vient ce tableau ?
Il est resté jusqu’à ce jour dans la famille du peintre. Il a été exposé au Musée royal de Copenhague en 1914 avant de réintégrer les murs familiaux. Une réplique de ce tableau, conservée dans une collection privée américaine et qui fut exposée au Getty Museum de Los Angeles en 2005, a été prise pour la peinture originale jusqu’à la réapparition de notre portrait qui n’avait en fait jamais changé de mains. Aujourd’hui, sa vente se fait dans le cadre d’une sortie d’indivision familiale.
Vous avez soumis cette toile à une analyse scientifique. Est-ce la norme pour une pièce de cette importance ?
Même pour des œuvres majeures, nous n’utilisons pas systématiquement les analyses scientifiques. D’abord parce qu’elles sont coûteuses. Et parce qu’elles ne sont utiles que pour vérifier une hypothèse. Dans le cas de ce tableau, nous voulions vérifier que le fond ne comportait pas de repeints. Nous avons donc photographié la toile sous une lumière infrarouge. Non seulement l’absence de repeints a été confirmée, mais un repentir a été décelé au niveau de l’épaule droite, ce qui prouve clairement que l’on est bien en présence de la première version. La lumière infrarouge a également révélé la trace d’une signature invisible à l’œil nu.
En tant qu’expert indépendant, vous travaillez aussi bien avec la SVV Tajan que la maison Piasa. Pourquoi avoir choisi Piasa pour vendre cette œuvre ?
Il est vrai que nous sommes les experts des ventes spécialisées de tableaux anciens et du XIXe chez Tajan comme chez Piasa, deux maisons qui ont une vraie expérience dans ce domaine. Il se trouve que Piasa avait la plus belle vente de la saison en préparation. De plus, ce portrait de David sera montré du 7 au 12 novembre aux « Temps forts » de Drouot. Ce rendez-vous est un moment privilégié qui permet à de nombreux collectionneurs de découvrir l’ensemble des plus belles pièces qui seront vendues en fin d’année à Drouot. Je crois que c’est ce qui a décidé Olivier de Bouvet, commissaire-priseur de la SVV Parisud-Enchères à Sainte-Geneviève-des-Bois, en faveur de Piasa. Conseiller des descendants de David, il était très soucieux de donner à ce tableau majeur toutes ses chances.
À part le David, quelles autres œuvres intéressantes sont à découvrir dans la vente du 13 décembre chez Piasa ?
Nous présenterons une grande toile d’Adam Frans van der Meulen, L’arrivée de Louis XIV au camp devant Maastricht, estimée 200 000 à 250 000 euros. Elle fait partie de la série des quatorze toiles illustrant les conquêtes de Louis XIV. La vente comprend aussi un beau tableau de Pierre Subleyras, La Messe de saint Basile, estimé 100 000 à 150 000 euros.
Qui pourra se porter acquéreur du portrait de David ?
Tous les grands musées qui n’auraient pas encore de tableau du grand peintre de la Révolution.
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Éric Turquin, expert parisien en tableaux anciens et du XIXe siècle
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°244 du 6 octobre 2006, avec le titre suivant : Éric Turquin, expert parisien en tableaux anciens et du XIXe siècle