Comment avez-vous réagi à votre éviction cette année de la Foire internationale d’art contemporain (FIAC), ce après treize ans de participation ?
Intuitivement, je sentais que je ne serais pas pris, qu’il n’y avait guère de place pour une galerie comme la mienne qui défend un point de vue singulier. Disons que j’ai été triste pendant vingt-quatre heures. En effet, j’ai soutenu la FIAC à des moments où elle était fragile et très attaquée. J’avais comme projet une exposition baptisée « Les galeries ont une histoire ». Mais la mémoire d’une entreprise ne pèse pas lourd face à des actionnaires. La FIAC veut ressembler à toutes les autres manifestations. En oubliant son identité, elle veut devenir une foire standardisée, certes internationale, mais qui restera malgré tout à l’échelle planétaire une foire de province.
Que proposez-vous aujourd’hui ?
J’ai immédiatement senti l’opportunité à saisir pour montrer qu’il existe un « altergalerisme » : avec Magda Danysz, Vanessa Quang, Christine Ollier et Patricia Houg, je vais monter une foire off qui s’appellera « Show off Paris » et se tiendra aux mêmes dates que la FIAC, à l’Espace Cardin, en face des jardins de l’Élysée (lire p. 28). Nous allons proposer des stands à un prix abordable, autour de 4 000 euros. Notre ambition est d’avoir vingt-cinq exposants, pour les deux tiers, on l’espère, internationaux. Notre attitude est réactive, elle ne s’oppose pas à la FIAC. Les idées « contre » sont des idées mortes : nous imaginons juste une alternative. Nous nous adressons aux collectionneurs français et étrangers afin qu’ils découvrent des artistes avant qu’ils ne soient trop « hots ». Grâce à nous, la FIAC va peut-être se hisser au rang des foires qu’elle ambitionne d’imiter en possédant, enfin, sa foire off !
Vous avez écrit en 2002 un essai intitulé La Foire du Trône, analysant l’évolution de l’art contemporain vers la société du spectacle. Comment une galerie discrète comme la vôtre parvient-elle à faire son trou dans un monde plutôt enclin à la branchitude ?
Dans un monde spectaculaire, beaucoup ne voient pas au-delà des paillettes. Mais si quelques-uns s’obstinent à regarder, à comprendre et à aimer, alors ce sera profitable aux artistes. Je travaille avec des collectionneurs qui ne sont pas tous éblouis par le show-biz ou les podiums. J’ai surtout de plus en plus de collectionneurs étrangers, lesquels représentent au moins 50 % de mon chiffre d’affaires. Je suis convaincu que, plus les gens s’intéressent à l’art contemporain, mieux les artistes pourront vivre de leur travail. Mais actuellement, une cinquantaine d’artistes captent 70 % du marché. J’essaye de remédier à cette injustice, c’est pourquoi mon image prend plus de temps à se dessiner. Force est de constater qu’il est préférable aujourd’hui d’affirmer ses choix d’une manière « obscène » si l’on veut qu’ils se voient rapidement. On ne peut pas me demander de faire mon travail comme d’autres le font, c’est une question d’éthique. Je demeure toutefois convaincu qu’en dépit de la globalisation une galerie authentique se construit dans la durée. Avec Didier Mencoboni, j’ai lancé en mai dernier et jusqu’en avril 2007, une exposition intitulée « Un an ». Dans la vitrine de mon nouvel espace situé à côté de ma galerie, pendant une année, chaque mardi, un tableau récent de l’artiste viendra en chasser un autre. Ensemble, nous inventons une nouvelle manière de montrer de l’art sous une forme qui se dilate dans le temps.
À partir du 9 septembre, vous présentez Damien Cabanes. Son marché a connu des hauts et des bas. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Damien a été soutenu par le marché au début des années 1990. Il faisait de la laque sur toile et sur bois, des œuvres jubilatoires et colorées. Il a ensuite réalisé de très grands damiers qui, à l’époque, ont rencontré un grand succès. Il a pratiquement tout vendu et, en 1994, a transformé son atelier pour produire des sculptures. Je le suis dans cette voie depuis bientôt treize ans, même si ce n’est pas facile d’imposer ses grandes sculptures au public. Les galeries allemandes Eigen Art et Ulrich Gebauer, qui s’intéressaient de près à son parcours, ne l’ont pas pris, car les sculptures ne rentraient littéralement pas par leurs portes. En revanche, de très nombreux collectionneurs ont répondu dès le début à son travail. En décembre, lors d’une exposition collective chez Mike Weiss à New York, les cinq œuvres présentées ont été cédées à des Américains en moins de deux heures. Je vends en moyenne une œuvre de Cabanes par semaine. Connaissez-vous beaucoup d’artistes français desquels on pourrait dire la même chose ?
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Eric Dupont, galeriste d’art contemporain
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°241 du 7 juillet 2006, avec le titre suivant : Eric Dupont, galeriste d’art contemporain