Armelle Malvoisin : Que devenez-vous ?
Guy Loudmer : Je joue au VRP. Début décembre, j’ai cédé les parts que je détenais en tant qu’associé d’Enchères Rive Gauche, en partie à cause du nouvel engagement de Pierre Amrouche (avec qui j’ai collaboré durant vingt-huit ans) chez Christie’s. À présent, je suis libre. J’ai choisi d’être apporteur d’affaires pour plusieurs confrères dont Rémy Le Fur (SVV AuctionArt) et David Nordmann (SVV Ader), avec un flux d’affaires continu.
A.M : Votre nom n’apparaît pas sur les catalogues de vente de ces deux sociétés…
G.L : Pas pour l’instant. Mais, pour répondre à l’amicale pression de ma clientèle, il est possible que mon nom soit prochainement visible, sous la mention « avec la collaboration de ». En outre, je reste présent à chaque vente. J’endosse le rôle de la mouche du coche ou du preneur d’enchères.
A.M : Avez-vous renoncé à tenir le marteau ?
G.L : Non, j’espère bien officier quelquefois. Christopher Burge (qui a quarante ans de carrière) vient bien orchestrer les grandes ventes de prestige de Christie’s à New York. J’y mets aussi un point d’honneur vis-à-vis des puissances de l’ombre qui m’ont empêché de le faire : j’avais fait ma demande d’agrément (qui m’a été refusée) auprès du Conseil des ventes volontaires en 2006, alors que j’avais purgé ma peine. Je suis actuellement dans un pourvoi en Cassation pour cette affaire. En supprimant l’agrément, la nouvelle loi en préparation sur les ventes publiques françaises me permettra de reprendre le marteau.
A.M : Êtes-vous favorable aux évolutions proposées par la future nouvelle loi en France ?
G.L : Je suis contre les systèmes de garantie et d’achat pour la revente, où que ce soit dans le monde. Dans les catalogues de ventes de New York, apparaissent des signes cabalistiques indiquant que des œuvres sont garanties par une maison de ventes, par un tiers, ou que l’auctioneer y a un intérêt personnel. Tout cela participe d’un système de manipulation du marché qui ressemble à ce qu’ont fait les banquiers avec les subprimes. Les « pigeons » qui vont acheter ces œuvres au plus haut prix, pensent que demain ils vont peut-être gagner 10 % à la revente. Tout cela tient à une dynamique de performance et entraîne toute une nébuleuse (galeries, foires, salons…). Les résultats n’ont aucun rapport avec la réalité du marché. Quant aux ventes de gré à gré, ce n’est pas la peine de les institutionnaliser en France si c’est uniquement pour satisfaire le souhait de Christie’s et Sotheby’s. Car franchement, quelle société de ventes est capable d’en faire autant à Drouot ?
A.M : Selon vous, l’arrivée de Christie’s et Sotheby’s en France est-elle positive ?
G.L : Ce sont des acteurs importants pour le marché parisien. Les chiffres le prouvent. Mais les ventes aux enchères ne sont qu’un miroir aux alouettes. Les chiffres d’affaires à l’export de ces maisons anglo-saxonnes installées à Paris font facilement le triple de ce qu’elles vendent en France. Il faut refaire des ventes de prestige à Paris. Cela ne se fera pas en un jour. Il faut réunir des talents à Drouot ou à l’extérieur de Drouot.
A.M : N’est-ce pas ce que cherche à faire une maison comme Artcurial ?
Pourquoi pas Artcurial ? Demeure le problème du recrutement humain, c’est-à-dire de trouver des talents d’envergure qui savent vendre.
A.M : Que pensez-vous de l’organisation de l’hôtel Drouot ?
G.L : Un des problèmes de Drouot est que les professionnels ne peuvent pas se réunir autant qu’ils le voudraient. Même pour louer une salle, il n’y a pas de logique d’entreprise. Pour une vente programmée six mois à l’avance, les conditions financières de réservation d’une salle à l’hôtel Drouot sont désavantageuses par rapport à une société de ventes qui louera une salle un mois avant sa vente. Or on ne peut pas réunir des objets pour faire une vente de qualité si peu de temps à l’avance ! À moins que Drouot ne vise qu’une qualité de marchandise très moyenne… Il n’existe pas de cohérence dans le système de gestion de l’hôtel Drouot. Il est édifiant de constater que La Gazette de l’hôtel Drouot est la vache à lait de ce système et que, sans cette publication extrêmement rentable, l’hôtel des ventes serait déficitaire. En réalité, sans sa filiale, Drouot est en faillite. Je note encore que les conditions d’accès à Drouot sont illogiques. Par exemple, pourquoi les commissaires-priseurs de province qui font régulièrement de la publicité dans La Gazette n’auraient-ils pas accès à l’hôtel des ventes ?
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Entretien : Guy Loudmer, commissaire-priseur à Paris
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°337 du 16 décembre 2010, avec le titre suivant : Entretien : Guy Loudmer, commissaire-priseur à Paris