PARIS
Le salon, toujours en mouvement et renouvellement, se montre proactif quant à l’évolution des pratiques, bien qu’il hésite encore vis-à-vis de l’image animée.
Paris. Foire de printemps souvent soumise aux aléas du calendrier social, Drawing Now poursuit imperturbablement son exploration des pratiques contemporaines du dessin. Avec près de 18 000 visiteurs l’an dernier, sa fréquentation semble régulière. Voire assurée, car les arts graphiques conservent les faveurs du public : ils offrent une extrême variété de techniques (aquarelle, stylo-bille, crayon, gouache sur carton, pastel sec, fusain sur toile, fresque murale, encre sur pierre, impression sur textile…) avec, à la différence de la peinture, des options esthétiques très diverses et moins soumises aux effets de mode. Politique, cosmique, intimiste, onirique, minimaliste…, l’inspiration des artistes est peut-être même plus libre quand ils l’expriment à travers ce médium. Les prix du dessin demeurent par ailleurs nettement plus abordables que ceux de la peinture et de la sculpture, y compris quand on a affaire à des œuvres d’artistes confirmés ou historiques. Sur le salon, on pourra par exemple acquérir pour moins de 10 000 euros des aquarelles de Pierre Tal Coat (Berthet-Aittouarès, Paris), des improvisations récentes de Claude Viallat (Catherine Issert, Saint-Paul-de-Vence) ou des dessins au graphite de Massinissa Selmani, finaliste 2023 du prix Marcel Duchamp (galerie Anne-Sarah Benichou, Paris).
Afin d’éviter la lassitude des visiteurs – comme celle des marchands –, Drawing Now Art Fair n’hésite pas à renouveler significativement sa sélection d’une année sur l’autre. Cette édition, qui réunit 73 galeries de 14 nationalités différentes, accueille ainsi 40 % de nouveaux exposants. Des marchands comme Anne Barrault, Ciaccia Levi, Claire Gastaud, Houg ou encore Patrice Trigano sont ainsi absents de la foire. On y retrouve cependant nombre d’habitués, à l’image des galeries parisiennes Backslash, Maubert, Martel, Lelong & Co., Semiose ou encore Alain Gutharc, qui présentait l’an dernier les aquarelles de Suzanne Husky, lauréate du prix Drawing Now 2023 (décerné le soir du vernissage, celui-ci est doté de 15 000 euros dont une partie est dévolue à la production d’une exposition au Drawing Lab l’année suivante). Parmi les nouveaux venus, ou les revenants, la foire accueille des structures encore jeunes telles que 22,48 m2 (Romainville), Parliament (Paris) et Double V (Marseille), mais aussi des adresses très établies comme Nathalie Obadia ou Georges-Philippe & Nathalie Vallois.
Drawing Now a établi pour le secteur général (qui réunit, au rez-de-chaussée, un peu plus des deux tiers des exposants) un principe d’accrochage assurant une meilleure lisibilité aux stands, puisque ceux-ci doivent comporter un artiste en focus. L’espace de Suzanne Tarasiève (Paris) sera ainsi centré sur des œuvres inédites de Romain Bernini, restitution d’une résidence à l’École française d’Extrême-Orient (Cambodge) où le peintre a travaillé avec des fusains et des pierres noires « sur des chiffons d’atelier ». Semiose ne manquera pas de présenter des œuvres de Françoise Pétrovitch, mais fera de la place aux aquarelles et collages des jumeaux Gert & Uwe Tobias, dont la pratique revisite des méthodes et des savoir-faire traditionnels de fabrication d’images. Éric Mouchet (Paris), qui avait passé son tour l’an dernier, revient avec des compositions telluriques de Noémie Sauve mêlant électrolyse de cuivre, laque d’argent, oxydations et pastel sec sur papier.
Dans un registre plus urbain, Isabelle Gounod (Paris) met en avant le travail fascinant de Lenny Rébéré, graveur de formation, qui compile toutes sortes d’images sources – captations de caméras de surveillance, visuels publicitaires, photographies et diapositives anonymes… – auxquelles ses interventions confèrent une autre vie, une dimension mystérieuse.
Au sous-sol, les galeries des secteurs « Insight » et « Process » ont pour mission de promouvoir l’émergence, mais aussi les techniques qui enrichissent et font évoluer la pratique du dessin, à l’exemple de la vidéo. Présent au cœur de l’exposition intitulée « Animation : mécanique de l’esprit » et curatée par Joana P. R. Neves, la directrice artistique de Drawing Now (en partenariat avec le Frac Picardie), le dessin en mouvement reste cependant quasi absent de la foire. On ne verra pas ou peu d’écrans sur les stands, ni de casques de réalité virtuelle et encore moins de cabines de visionnage. L’appétence des artistes pour l’animation, à mi-chemin entre le dessin et le cinéma, est pourtant avérée, selon Emmanuel-Alain Raynal, fondateur de Miyu Productions et de la galerie parisienne du même nom. La galerie Miyu ne figure pas non plus sur la foire, mais deux de ses artistes (Sébastien Laudenbach et Yoriko Mizushiri) ont en revanche été conviés à participer à l’exposition thématique. Ce paradoxe traduit sans doute la frilosité des collectionneurs pour des œuvres animées qui ne bénéficient pas encore de la reconnaissance institutionnelle. Mais si la production continue à évoluer et que le marché suit, même lentement, Drawing Now, fort de son expertise passée et actuelle, a de belles perspectives d’avenir.
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Drawing Now trace le futur du dessin
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°629 du 15 mars 2024, avec le titre suivant : Drawing Now trace le futur du dessin