Le Salon du livre ancien a fait peau neuve au Grand Palais. Les résultats commerciaux
apparaissent toutefois plombés par un calendrier peu porteur.
PARIS - En s’implantant au Grand Palais du 27 au 29 avril, le Salon du livre ancien a pris un sérieux coup de fouet, mieux, un coup de jeune. Délaissant la bibliophilie « à la papa », le quarteron central a privilégié des stands très visuels, ainsi les planches de bandes dessinées chez Pierre Passebon (Paris) ou les lithographies et livres illustrés de Joan Miró à la Bouquinerie de l’Institut (Paris). La palme revenait à l’intrigant cabinet de curiosités conçu par Serge Plantureux (Paris), ponctué de raretés comme l’Équation de la nécessité intérieure par Wassily Kandinsky. Nonobstant la grogne des vieux briscards de la profession, c’est au prix de cette ouverture d’esprit que les marchands pourront renouveler leur clientèle et leur donner le goût de la chine. Il y avait d’ailleurs de quoi butiner avec le petit livre rouge de Mao chez Lardanchet (Paris) ou une planche d’anatomie de 1539 dotée d’une partie volante par Giovanni Nicolini Da Sabbio chez Martayan (Narberth, Pennsylvanie, États-Unis). Chez Frédéric Castaing (Paris), on s’attardait sur la lettre d’un Lawrence d’Arabie ayant perdu de sa superbe, réduit à « une créature âgée et petite dans un uniforme bleu ardoise avec des boutons en laiton : comme un scout de la RAC ou un conducteur de train, peut-être, seulement plus petit et plus miteux ». Ceux qui avaient le courage d’arpenter les cinq enfilades de stands minuscules pouvaient découvrir chez Pascal de Sadeleer (Bruxelles) un étonnant certificat de bonne vie et de bonnes mœurs dépeignant le Marquis de Sade comme un « sincère patriote et excellent républicain » !
Effet élections
Bien que l’événement ait effectué un vrai bond en avant, il n’a pas bénéficié d’un « effet Grand Palais » sur le plan commercial. Certes les collectionneurs, qui avaient autrefois déserté la Mutualité, étaient pour la plupart de retour. Certains marchands ont même très bien tiré leur épingle du jeu, comme Jean-Baptiste de Proyart (Paris) qui a cédé près de la moitié de son catalogue. Le pouls des transactions n’a toutefois rien eu d’euphorique, le salon coïncidant avec l’entre-deux-tours des élections présidentielles. Le pont du 1er mai n’a pas arrangé les choses, les Parisiens ayant profité du beau temps pour quitter la capitale. « Beaucoup de gros clients n’ont pas été là à cause du timing, confiait William Wyer, codirecteur d’Ursus Rare Books (New York). Nous avons fait quelques affaires, mais les Français s’orientent lentement vers la nouveauté. » Pour que la mercuriale soit plus dynamique, encore faut-il que les administrateurs du Grand Palais offrent l’an prochain au salon des dates plus porteuses. « La question, c’est “quelle place souhaite-t-on donner au patrimoine écrit ?”, observe Frédéric Castaing. Nous avons fait un pas décisif en occupant le terrain. Nous ne pouvons pas retourner en arrière. Cette fois, c’était un peu la surprise, il faut que désormais le salon devienne un rendez-vous. »
Tout comme le Salon du livre, celui de l’estampe a pâti d’un calendrier peu propice aux affaires. « C’est positif, mais pas fabuleux, observait-on chez Tanakaya (Paris). Mais ce qui est essentiel, c’est qu’il y ait tous les ans un salon de l’estampe, pour que les gens comprennent que ce n’est pas un art mineur. » Les réserves hexagonales font en effet toute la différence avec la London Original Print Fair, qui se tenait simultanément outre-Manche. « À Paris, ceux qui ont acheté connaissaient déjà, alors qu’à Londres les gens peuvent céder au coup de cœur ou au coup d’œil », remarquait Didier Martinez (Paris). En dépit des bonnes volontés, les ligatures prennent aussi du temps à se faire. De fait, les collectionneurs de livres n’ont pas toujours prolongé leurs visites du côté des gravures. « J’ai vu mes clients et les gens du livre ont vu les leurs », a indiqué Angela Candillier (Paris). Celle-ci aurait pu harponner les bibliophiles avec la couverture non pliée de L’Exemple de Ninon de Lenclos amoureuse, dotée d’une lithographie originale de Toulouse-Lautrec. Le socle ancien du salon recelait d’ailleurs de belles propositions, comme le Bon Samaritain foisonnant de détails de Robert Bresdin, aussitôt vendu par Terrades (Paris), ou les Trois Croix de Rembrandt, réservé par un musée chez Helmut H. Rumbler (Francfort-sur-le-Main). En revanche, le XXe siècle, d’une médiocrité confondante, reste le talon d’Achille de la foire.
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Deux salons et un pont
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°259 du 11 mai 2007, avec le titre suivant : Deux salons et un pont