PARIS
La galerie Mitterrand, ancienne JGM, qui prépare l’ouverture en 2015 d’un parc de sculptures monumentales au Muy tout en agrandissant son espace parisien, poursuit une tendance générale engagée dans les années 2000.
Pour résister au sein d’un secteur concurrentiel (grandes foires et manifestations internationales, maisons de ventes aux enchères…), la tendance pour les galeries qui ont financièrement les reins solides est non seulement d’ouvrir des succursales à l’étranger, mais aussi d’agrandir considérablement leur surface. C’est le cas récemment pour deux enseignes : les galeries Mitterrand et Valérie Bach. La première – qui abandonne au passage son ancien nom JGM (Jean-Gabriel Mitterrand) – double son espace dans le Marais, passant ainsi de 200 à 400 m². Elle ouvre par ailleurs un parc de sculptures monumentales dans la commune du Muy, dans le Var – décidément the place to be, avec l’ouverture cet été de la Fondation Bernar Venet –, qui sera accessible au public dès le printemps 2015. Elle y montrera, dans un domaine de dix hectares, des œuvres de grand format de Mark Handforth, des frères Chapuisat, de Gary Webb et de Yayoi Kusama. L’idée est d’offrir aux visiteurs, selon Jean-Gabriel Mitterrand, « un lieu unique où les artistes réinventent le lien entre l’art contemporain et la nature ». De son côté, la galerie Valérie Bach, qui bénéficie déjà à Bruxelles d’une belle surface, s’apprête à tripler son espace d’exposition en annexant la Patinoire Royale mitoyenne, avec une superficie de 2 800 m² ; en mars 2015, la dynamique galeriste, avec l’appui de son époux Philippe Austruy et de son codirecteur Constantin Chariot, inaugurera donc ce nouveau lieu, à dimension muséale, avec une exposition patrimoniale consacrée à la Figuration narrative.
Cette tendance au gigantisme et à « la folie des grandeurs » n’est cependant pas nouvelle. À l’automne 2012, deux galeries puissantes choisissaient d’ouvrir des locaux immenses en Seine-Saint-Denis : Larry Gagosian, qui dispose désormais au Bourget d’une galerie d’art de plus de 1 650 m² sur deux niveaux, et Thaddaeus Ropac, qui ouvrait un nouveau lieu à Pantin de près de 4 700 m² de superficie. Toutes deux faisaient suite à la pionnière, en France, Galerie RX qui ouvrait, en 2010, le Générateur RX à Ivry-sur-Seine, soit un lieu de 14 mètres de hauteur sous plafond étendu sur 1500 m². L’ambitieux Emmanuel Perrotin vient d’ajouter quant à lui à sa galerie mère du Marais, qui affiche déjà une surface de 1 300 m² sur trois niveaux, une annexe, toujours rue de Turenne, de 700 m². Une ancienne salle de bal, située dans l’hôtel d’Ecquevilly, qui accueille jusqu’à fin juin « Girl », une expo glamour et spectaculaire, ayant pour commissaire Pharrell Williams et réunissant quelques stars du marché, comme Murakami, Sherman, Warhol…
L’écart se creuse
Comment expliquer ce goût du colossal partagé par certains galeristes ? Il est évident que, depuis quelques années, les métiers de galeriste et d’artiste ont notablement évolué. Pour exister, se faire voir, il faut de plus en plus être dans la surenchère de l’art mondialisé. L’artiste entrepreneur, à la Veilhan, est amené à produire des pièces monumentales, mobilisant souvent des techniques et des matériaux toujours plus sophistiqués. Le galeriste se fait producteur. De grosses enseignes, pour affronter des dépenses de plus en plus lourdes (pression fiscale étouffante, transport d’œuvres, production, montage, installation, assurance…), en viennent à développer des stratégies commerciales axées sur l’événementiel et la course aux records (de taille, d’argent, de label, etc.). Et, à l’image de la société française qui voit hélas les classes moyennes disparaître au profit d’une accentuation des grands écarts entre riches et pauvres, on peut dire que le milieu des galeristes connaît ce même tropisme : les galeries moyennes sont de plus en plus fragiles et font de la résistance face à des structures plus légères et aux mégagaleries qui ne cessent d’agrandir leurs locaux.
Dans l’ensemble, force est de constater que ces grosses galeries, loin d’être atteintes de soudaine mégalomanie, voient grand tout en prenant du recul et en faisant preuve de sagesse. Mitterrand, comme le précise Christophe Langlitz, le directeur associé de la galerie, montre des (grandes) sculptures, car c’est dans son ADN depuis son ouverture en 1988 ; son souhait d’agrandissement est donc tout à fait justifié. Chez Valérie Bach, Constantin Chariot note avec pertinence : « Il ne s’agit pas d’écraser la concurrence. Et on ne cherche pas du tout à enrichir notre propos par une grandeur de façade. Loin de nous l’idée d’occuper l’espace en montrant du vide. Le XXL n’est pas un gage de qualité.
Prenez la galerie Templon, voisine de la nôtre. Elle est de taille moyenne, ce qui n’empêche pas Daniel Templon d’être un très bon galeriste, exposant depuis cinquante ans les plus grands. »
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Des galeries XXL
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°670 du 1 juillet 2014, avec le titre suivant : Des galeries XXL