PARIS
Entre expression africaine décomplexée et œuvres classiques, revue de quelques points forts du salon.
PARIS - Très éclectique comme à l’accoutumée, Art Paris Art Fair a réservé quelques belles propositions, et c’est bien l’Afrique mise à l’honneur qui a fortement contribué à dynamiser cette nouvelle édition.
Par-delà sa diversité, la sélection effectuée par la commissaire Marie Ann Yemsi a évité l’écueil majeur de la folklorisation à outrance et de la couleur jusqu’à plus soif, qui trop souvent caractérise ce genre de focus réservé au continent noir, surtout dans des rendez-vous commerciaux.
Bien entendu, grains de folie et détournements étaient présents, mais sans masquer des considérations sociales et politiques. Ce fut le cas sur le stand d’André Magnin (Paris) avec la très belle installation de Romuald Hazoumè, explicitement intitulée Elf rien à foutre (2005), qui laissait s’empiler sur la carcasse d’une vieille bagnole des bidons en plastique devenus anthropomorphes. Chez Afrovona (Johannesburg), c’est une posture féministe qui était de mise avec les tapisseries en soie composées à la manière de collages très contrastés par Billie Zangewa, originaire du Malawi, témoignant de la liberté d’une femme africaine moderne et émancipée, avec ce qu’il faut de doute entretenu entre réel et imagination. Sur le stand d’El Marsa (Tunis, Dubaï), étaient également remarquables les travaux du Palestinien Hazem Harb, composés de photographies anciennes taguées à la manière des images circulant sur les réseaux sociaux et partiellement recouvertes par des collages de papiers géométriques ; une manière subtile d’évoquer la perte, la disparition, le déplacement, le vide et la mémoire.
Des œuvres qui racontent le continent
Autre enseigne tunisienne, AGorgi Contemporary Art (Sidi Bou Saïd) présentait une installation d’Aïcha Snoussi intitulée Le livre des anomalies, soit une série de cahiers d’écoliers emplis de dessins à la plume précis évoquant autant le corps que le système ou la machine, avec la sensation d’une mutation ou d’un dérèglement : une belle « encyclopédie d’anti-savoir », pour reprendre une expression de l’artiste.
D’autres avaient pris la tangente afin d’évoquer le thème de l’année sans modifier leur programme en invitant un artiste africain. Ce fut le cas de Françoise Paviot (Paris), avec une belle série de clichés de Dieter Appelt (1985) figurant des objets et sculptures africains de la collection personnelle de Georg Baselitz. La même exposait en outre un tirage noir et blanc de 1947 de Raymond Hains, de ces motifs photographiés à travers des verres cannelés qui les rendent hypnotiques ; ainsi qu’un remarquable petit cliché d’Adrien Majewski (ca. 1890) figurant un gros plan sur la paume d’une main dont la « topographie » et une luminescence artificielle entraînaient vers un territoire inconnu.
L’une des forces d’Art Paris Art Fair a toujours été de proposer une offre de classiques abstraits d’assez belle qualité. Sur le stand très réussi d’Alexandre Skinas (Athènes, Paris) il était ainsi possible de dénicher un beau tableau de Hans Hartung de format moyen, daté de 1975 ; certainement l’un des plus aboutis sur le salon, où l’artiste était relativement bien représenté, de par l’équilibre de sa composition, la précision du geste et la justesse chromatique. Au même endroit captivait l’œil également un Magnetic Wall (1999) de Takis des plus tapageurs, pour lequel deux spirales en métal étaient maintenues sur le tableau grâce à des aimants insérés derrière une toile d’un jaune pétaradant. Geer Van Velde était aussi bien représenté, en particulier avec des tableaux des années 1948 et 1949 sur les stands de Frans Jacobs (Amsterdam) et Fleury (Paris).
Écriture et lettrisme
Chez Alvaro Alcazar (Madrid), Eduardo Arroyo démontrait, avec des œuvres de 2016, qu’à l’âge de 80 ans il est toujours très en forme et capable de produire des compositions enlevées, dont certaines évoquaient ce qu’il sait faire de mieux : peindre !
Écriture, poésie et lettrisme faisaient également l’objet d’une belle attention, en particulier avec des poèmes de Brion Gysin chez Véronique Smagghe (Paris) ou deux amusants tableaux de Maurice Lemaître chez Patrice Trigano (Paris). Natalie Seroussi (Paris) avait, elle, consacré son stand aux magnifiques écritures découpées et recomposées de Gil Joseph Wolman et au projet cartographique et sonore imaginé en 1974 par Bernard Heidsieck, consistant à recenser toutes les ethnies présentes à Vaduz, au Liechtenstein.
L’un des stands les plus réussis dans sa globalité était celui de Thessa Herold (Paris) qui l’avait entièrement voué à l’Amérique latine. Si Cuba semblait devoir s’imposer avec deux paysages de Joaquin Ferrer (datés de 1976) devenus très géométrisés, une Figure de Wifredo Lam de 1963 ou encore un tableau de Jorge Camacho, l’Argentine était représentée par Antonio Seguí et le Chili par Roberto Matta, entre autres… et encore d’autres horizons.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
De l’Afrique à la poésie, morceaux choisis
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°477 du 14 avril 2017, avec le titre suivant : De l’Afrique à la poésie, morceaux choisis