Le marchand d’art et richissime collectionneur (sa fortune est estimée à 1,6 milliard d’euros selon le magazine Forbes) David Nahmad prête actuellement un Picasso au Musée d’Orsay et pas moins de 16 œuvres de Miró au Grand Palais.
C’est une toile que je rêvais d’avoir ! Quand elle est passée en vente, j’ai eu du mal à le croire. Plus qu’un tableau de la période bleue ou rose, c’est une œuvre d’une grande modernité, qui annonce Giacometti, Balthus et, dans la vie de Picasso, le retour à la joie, après le deuil de son ami Carlos Casagemas.
C’était quelqu’un de réservé, comme la plupart des artistes que j’ai connus et appréciés, et surtout fidèle. On m’a raconté que Miró avait précieusement gardé les œuvres que lui avait commandées Pierre Loeb, son représentant européen, avant la guerre. Ruiné par le conflit, celui-ci ne pouvait les acheter. Il aura fallu qu’il y renonce définitivement, un an plus tard, pour que l’artiste se tourne, par l’intermédiaire de Tristan Tzara, vers les Maeght, chez qui je l’ai d’ailleurs rencontré. Aimé savait à quel point j’aimais Miró, peut-être plus que Picasso. C’est pourquoi il m’a offert une de ses sculptures à mon mariage.
Il s’agit de La course de taureaux. Pierre Matisse m’avait dit : « David, tu es en train d’acheter des tableaux dont personne ne veut. » Raison de plus, pensai-je ! Pourtant, tous les peintres américains se pressaient devant sa porte en Espagne. Après la guerre, c’est au contraire Miró qui s’est rendu aux États-Unis pour se renouveler. C’est pour cette raison que j’ai suggéré, à un moment, qu’on intitule l’exposition du Grand Palais « Miró miroir ». Le musée ne m’a emprunté que seize œuvres, parce qu’il n’avait pas les moyens d’en assurer davantage.
Je prête actuellement à une dizaine de musées en France. Je ne vois pas l’intérêt d’acheter une œuvre, si c’est pour la conserver chez soi. L’art est fait pour être montré. Et je ne prête pas à n’importe qui. Je sais rester prudent, quoique j’aie le goût du risque. Je préfère regretter une action déraisonnable que me mordre les doigts par excès de passivité. Je m’en serais voulu, par exemple, de laisser passer la Fillette à la corbeille fleurie. Et puis, en prêtant, j’enlève ainsi certains chefs-d’œuvre du marché. Je prends cela pour une partie de cache-cache !
À Munich, en 1975. Des ouvriers sont tombés sur mon Couple étroitement enlacé devant un mur de feu de Max Ernst (1927). La toile déchirée a été restaurée. Un jour, un de mes Monet aussi a été endommagé lors d’un trajet en avion. Les responsables du musée japonais qui me l’empruntait me l’ont racheté, avant de proposer, quelques années plus tard, de me le revendre. Je dois les voir prochainement.
Je n’ai rien à ajouter. Tout a été dit à ce propos. Je serai ravi de restituer l’Homme assis (1918), s’il est prouvé que le tableau a bien appartenu à Oscar Stettiner et a été volé durant la guerre. D’ailleurs, étant donné mes origines, je ne tiens pas à posséder un tableau spolié par les nazis, vous vous en doutez.
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David Nahmad : « Je ne vois pas l’intérêt d’acheter une œuvre, si c’est pour la conserver chez soi »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°508 du 5 octobre 2018, avec le titre suivant : David Nahmad, Marchand d’art : « Je ne vois pas l’intérêt d’acheter une œuvre, si c’est pour la conserver chez soi »