NEW YORK / ETATS-UNIS
Le Wall Street Journal explique pourquoi ce dispositif attire désormais beaucoup de financiers peu intéressés par l’art.
A l’origine du système des garanties, il y a une promesse des maisons de ventes faites aux propriétaires d’œuvres d’art qui souhaitent s’en séparer ; « si votre œuvre ne se vend pas lors des enchères, la maison l’acquiert à un prix défini en amont » leur disent-elles. Avec le temps, la possibilité de placer cette enchère minimum s’est ouvert à des collectionneurs, puis en 2015, à des investisseurs privés.
Pour ces investisseurs, le bénéfice est assuré : le dispositif mis en place par les grandes maisons permet en effet de toucher une somme d’argent si l’œuvre est vendue au-dessus de cette ordre d’achat irrévocable. L’investisseur touchera alors un pourcentage convenu d’avance (entre 15 % et 30 %) sur la différence entre son ordre et le prix de vente final.
L’ordre d’achat irrévocable se situe généralement entre le prix de réserve décidé par le vendeur, et l’estimation basse de l’œuvre. Elle laisse donc imaginer une jolie rémunération si les enchères venaient à s’envoler lors de la vente. C’est en tout cas le raisonnement d’investisseurs de plus en plus nombreux, pour qui le but n’est pas d’acquérir une oeuvre, mais d’être sous enchérisseur afin d’encaisser cette compensation.
Le Wall Street Journal indique certains chiffres qui donnent la mesure de ce phénomène : Grégoire Billaut, chef du département art contemporain chez Sotheby’s, confie ainsi que le nombre de ces investisseurs est passé d’une petite dizaine à 90 en cinq ans. En 2018, ils ont placé un ordre d’achat irrévocable sur environ 300 pièces, réparties chez Christie’s, Sotheby’s et Phillips, pour une valeur totale d’1,3 milliard de dollars.
Comme pour tout pari, il existe un risque : celui de repartir avec une œuvre qui n’a pas trouvé d’enchérisseur, et qu’il sera impossible de remettre sur le marché avant un certain temps. Les investisseurs limitent leur risque en misant sur des artistes très demandés. Les œuvres de Basquiat, Warhol et Lichtenstein représentent plus d’un milliard de dollars de garantie sur les quatre dernières années, soit 29 % de la valeur des ventes garanties depuis 2015.
Avec le temps, le fait qu’un lot soit garanti est même devenu un signe de confiance pour le marché. Signalées par un petit astérisque dans les catalogues, les œuvres couvertes sont souvent adjugées. Pour limiter encore plus les risques, les investisseurs les mutualisent, en formant des groupements, ou en faisant appel à des firmes spécialisées comme Pie-eX.
Le dispositif s’adressait pourtant au départ à des collectionneurs plus classiques, et rassurait vendeurs comme acheteurs. « Si je gagne l’enchère, je ne suis pas coincé, parce qu’au moins je voulais l’œuvre. Ce n’est pas un investissement pour moi » confie Halit Cingillioglu au Wall Street Journal. Ce banquier turc basé à Monaco a garanti une douzaine d’œuvres en dix ans. Son fils, Kemal, regrette d’avoir un jour misé sur une œuvre qu’il n’aimait pas, et qui est aujourd’hui dans son bureau : « Je dis à ces nouveaux arrivants qu’ils doivent aimer ces œuvres qu’ils garantissent, mais ils ne veulent que les gains financiers. Ils ne savent pas ce qu’ils font. »
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Comment le système des garanties est devenu le terrain de jeu des spéculateurs
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