PARIS
Habiller une statue d’un vêtement publicitaire est une contrefaçon de l’oeuvre d'art du sculpteur.
PARIS - Trônant sur l’avenue parisienne Winston Churchill, la statue de l’ancien Premier ministre britannique fut habillée en 2011 d’un maillot géant de l’équipe de France basket, afin de célébrer l’accession des Bleus en finale du championnat d’Europe et leur qualification aux Jeux Olympiques de Londres. Ce qui aurait pu n’être qu’un détournement plaisantin et éphémère s’avérait être, bien au contraire, le résultat d’une « opération commando » menée par une société d’événementiel au profit du sponsor officiel de l’équipe, dont le logo en virgule inversée de la société siégeait en majesté. Un vrai « coup médiatique » permettant à Nike de bénéficier d’une opération publicitaire sans en payer le prix, grâce à la diffusion d’une image du tee-shirt géant au journal de 20h de TF1, image reprise par différents médias en ligne.
L’auteur de la statue, financée par une souscription populaire et offerte à la Ville de Paris à l’occasion du 80e anniversaire de la signature de l’Armistice, vit lui aussi l’image, réalisée sans son autorisation et ne citant pas son nom. Dénonçant la dénaturation de son œuvre et l’atteinte à son droit à la paternité, Jean Cardot voit ses prétentions partiellement accueillies par le tribunal de grande instance de Paris. En effet, le 7 mai 2014, le tribunal a retenu que Jean Cardot ne peut arguer des deux atteintes, l’une étant exclusive de l’autre, et fait ainsi droit au seul respect dû à l’œuvre. Or, « l’œuvre véhicule un message d’un hommage officiel et solennel à l’égard de l’homme d’État britannique qui, en temps de guerre, a aidé la France à restaurer la démocratie », selon la décision. « Ainsi, l’esprit de l’œuvre est-il violé quand la statue de Churchill est transformée en “homme-sandwich” portant un tee-shirt Nike aux fins d’assurer la publicité de cette marque ».
Bien qu’éphémère, la dénaturation est sanctionnée au titre de l’atteinte au droit moral par l’octroi de 8 000 euros de dommages-intérêts, en raison de sa répercussion médiatique. Quant au préjudice patrimonial, le calcul réalisé s’appuie sur le montant qu’aurait dû débourser la marque sportive pour s’offrir pareil spot publicitaire et sur les honoraires de la société d’événementiel, soit plus de 97 000 euros. En effet, pour fixer le montant des dommages-intérêts, les juridictions prennent en considération les éventuelles conséquences économiques négatives subies par la partie lésée, notamment le manque à gagner et les bénéfices réalisés par le responsable de l’attente aux droits. Les coups de génie publicitaires ont un prix : le respect des droits de l’auteur dont l’œuvre est utilisée à des fins commerciales. Et face à une atteinte de leur œuvre, les artistes pourront faire leur la célèbre phrase de Churchill gravée au pied de la statue : « We shall never surrender »(*).
(*) Traduction : "Nous ne nous rendrons jamais"
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Churchill n’est pas un « homme-sandwich »
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Jean Cardot, Winston Churchill, 1998, bronze, 317 cm - Photo Dierk Schaefer - 2006 - Licence CC BY 2.0
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°416 du 20 juin 2014, avec le titre suivant : Churchill n’est pas un « homme-sandwich »