Pourquoi avez-vous choisi, voilà trente-cinq ans, d’ouvrir dans un lieu de villégiature, à Saint-Paul-de-Vence (1) ?
J’ai fait mes études d’art à Paris, suivies d’un stage chez [le galeriste] Jean Fournier. Aimé Maeght m’a ensuite demandé d’être sa secrétaire en 1974. Je l’accompagnais lorsqu’il se rendait à sa fondation à Saint-Paul. Je suis née dans ce village, dont mon père a été maire pendant cinquante ans. Je me suis dit que je pouvais ouvrir dans des locaux familiaux, un peu comme un test. Finalement je suis restée ici. J’ai pensé pouvoir y raconter une histoire plus originale qu’à Paris. J’en tire un bilan positif ; Saint-Paul est un endroit étonnant, un petit village médiéval et touristique, mais qui jouit d’un passage international. L’hôtel La Colombe d’or attire une belle clientèle et beaucoup de collectionneurs possèdent leur maison secondaire dans la région. Si j’avais été à Nice ou ailleurs, je n’aurais pas bénéficié de cette plateforme internationale. Je suis dans un îlot privilégié.
Votre clientèle est-elle saisonnière ?
Non. Bizarrement, je travaille presque mieux l’hiver, même si, l’été, je rencontre tout le monde. Je suis dans une région de passage, je compose avec des oiseaux migrateurs.
Comment peut-on fidéliser une clientèle de passage ?
Les uns et les autres viennent deux à trois fois par an dans leur maison secondaire et font les mêmes circuits, ce qui les fidélise automatiquement.
Mais ne vous sentez-vous pas isolée dans un contexte aussi jacobin que la France ?
Ma programmation serait dix fois mieux récompensée à Paris. Le principal inconvénient est la relation distendue avec les institutions nationales et la presse qui est centralisée. Mais ce positionnement ne m’a jamais empêchée de convaincre les artistes. John Armleder ne m’a jamais dit non. Avec Olivier Mosset, nous reprenons des projets. Christo m’a dit oui, tout comme Gasiorowski. J’affiche certes des limites économiques au niveau de la production. Une fois qu’on a les artistes, il faut les garder. J’ai réussi parce que les résultats sont positifs ; j’ai tissé des liens et une complicité forte avec les institutions locales. En 1997, l’exposition « La Côte d’Azur et la modernité, 1918-1958 » a réuni 13 villes et 28 musées de la Côte. En 2011, nous allons recommencer sous le titre « La Côte d’Azur et la contemporanéité ». Nous avons créé le réseau Botox(s) réunissant depuis trois ans des musées, la Villa Arson (Nice) et certaines galeries de la région pour promouvoir l’art contemporain. J’ai d’ailleurs été pendant des années au conseil d’administration de la Villa Arson. La collaboration avec les institutions locales est une question de solidarité. Quelque part, je suis aussi devenue une institution avec trente-cinq ans d’activités derrière moi. C’est une question de résistance au temps, de permanence, de programmation.
La Villa Arson (école et centre d’art, médiathèque et résidence d’artistes) semble être une pépinière dans laquelle vous puisez vos artistes les plus récents…
Quelques-uns de mes artistes, comme Karim Ghelloussi, Xavier Theunis ou Aïcha Hamu, en sont issus. J’ai créé une plateforme où j’expérimente des travaux d’étudiants. Je ne suis pas une femme du monde, j’offre un lieu atypique, un programme ouvert, et les jeunes créateurs se reconnaissent chez certains de mes artistes, comme Armleder ou Mosset.
Le sentiment envers la province a-t-il changé ?
Oui, quand même. Il n’y a pas assez de collectionneurs dans ma région, mais il y en a de plus en plus à Marseille. Autrefois, je vendais pour 80 % à l’étranger. Pendant longtemps, je n’ai survécu que grâce aux Suédois et aux Hollandais. Maintenant je vends pour moitié en France. À partir de l’ouverture des Fonds régionaux d’art contemporain, on a assisté à un certain développement de la collection privée.
À Paris, la galerie Valérie Cueto a organisé, en mai, une exposition autour de l’abstraction et de son prolongement chez les jeunes artistes. Emmanuel Perrotin orchestre lui aussi une exposition autour de l’abstraction en septembre, tandis que Suzanne Tarasiève a montré en juin Vasarely dans une exposition de groupe. Comment expliquez-vous ce sursaut pour l’abstraction, qui a toujours figuré dans votre programme ?
Intuitivement, j’ai l’impression qu’il s’agit d’un besoin esthétique de revenir à des mouvements antérieurs. Après le maniérisme baroque, après une esthétique du débris, on a besoin de retrouver quelque chose de plus cerné, structuré, solidifié. Avec Olivier Mosset par exemple, on sent autant d’intransigeance que de romantisme. Mais cela reste un marché de connaisseurs.
(1) Galerie Catherine Issert, 2, route des Serres, 06570 Saint-Paul, tél. 04 93 32 96 92, www.galerie-issert.com, tlj sauf dimanche et lundi 10h-13h et 15h-19h
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Catherine Issert, galeriste à Saint-Paul (Alpes-Maritimes)
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°329 du 9 juillet 2010, avec le titre suivant : Catherine Issert, galeriste à Saint-Paul (Alpes-Maritimes)