La « nouvelle » Biennale a été plutôt bien accueillie et a su créer une dynamique positive. Mais elle a reçu moins d’acheteurs et de visiteurs que les années précédentes et les transactions en ont été affectées.
PARIS - De l’avis général, la Biennale des antiquaires 2016, qui a fermé ses portes le 18 septembre au Grand Palais, a séduit les visiteurs avec sa scénographie signée Nathalie Crinière jugée au goût du jour, sobre, et la participation en plus grand nombre des antiquaires. « Une Biennale moins prétentieuse que par le passé », faisait remarquer un visiteur, mais manquant de faste pour certains marchands et collectionneurs qui ont connu les grandes heures de la manifestation il y a quelques décennies. Une Biennale appréciée, donc, en dépit de certains aspects à revoir. « Nous voulions redonner de la crédibilité à la Biennale même si nous savions que cela serait difficile. Cependant, nous pouvons nous améliorer sur certains aspects », a indiqué Dominique Chevalier, président du Syndicat national des antiquaires (SNA), organisateur de l’événement.
En parcourant les allées, plusieurs stands étaient un régal pour les yeux, parmi lesquels ceux d’Antoine Barrère, de Steinitz ou de la galerie bruxelloise Harmakhis, alors que d’autres étaient moins ambitieux. Même constat pour les objets. S’ils étaient pour la plupart de qualité, les chefs-d’œuvre étaient rares et avaient souvent été déjà présentés lors de précédentes foires internationales. « Il y a peu de marchands qui jouent le jeu en n’exposant que des objets qui n’ont jamais été montrés », a lancé le décorateur et architecte François-Joseph Graf.
Parmi les œuvres inédites et qu’il ne fallait pas manquer, se trouvaient une armure japonaise de Daimyô, vendue très vite par Jean-Christophe Charbonnier ; une Sainte Marie-Madeleine (1634) en terre cuite de l’Algarde affichée à 13 millions d’euros à la Galerie Malaquais ; Les Mariés, 1915, une toile de Modigliani chez Landau (25 millions d’euros) ; une suite de quatre appliques en bronze doré de la fin du XVIIIe siècle provenant de la salle à manger de l’impératrice Joséphine au palais des Tuileries (Steinitz) ou encore une Composition de Nicolas de Staël qu’Applicat-Prazan céda dès le premier soir.
Quant à la peinture ancienne, si elle était présente en force cette année grâce au ralliement du salon Paris Tableau, peu d’œuvres créaient la surprise. Chez Éric Coatalem, on pouvait tout de même admirer une nature morte du XVIIe de François Garnier et Louyse Moillon. « Il reste pourtant beaucoup de chefs-d’œuvre dans les collections françaises, mais à cause du climat économique, les gens attendent des jours meilleurs », soulignait Alexandre Lacroix, expert en sculptures anciennes.
Moins de visiteurs, moins de clients
Les clients n’étaient cependant pas tous au rendez-vous. « Nous n’avons vendu qu’à nos relations, nos décorateurs, amis et clientèle de toujours. Il n’y avait pas de clients ! », rapportait Yves Gastou. Et de poursuivre : « Pour moi, c’est à cause de la conjoncture : les attentats, la politique, l’économie… Les palaces ont un taux de remplissage de moins 40 %. Mais on ne peut pas incriminer notre syndicat qui a fait beaucoup d’efforts. » « Moins de fréquentation, moins de clients, moins d’Américains, c’est indéniable, mais je pense que ça n’a rien à voir avec la Biennale. Nous avons cumulé les événements extérieurs fâcheux », renchérissait Fabien Mathivet. Pour Didier Cramoisan (galerie Dragesco-Cramoisan), « l’absence de la clientèle américaine est le fait le plus marquant de cette Biennale ». Les compagnies d’assurances ne couvrent pas en effet le voyage de leurs clients en France, considéré comme « un pays en guerre ».
Au total, le nombre de visiteurs pour cette édition 2016 s’élève à 30 000, quand la Brafa, à Bruxelles, en affiche 60 000. « Nous avons fait le choix de donner les vrais chiffres au risque de se faire taper sur les doigts. Ceux des années passées étaient gonflés [chiffre communiqué en septembre 2014 : 90 000], a indiqué Dominique Chevalier. En réalité, nous accusons une baisse de 30 à 40 %. » Mais la Biennale n’est pas la seule à trinquer puisque les musées ont enregistré une baisse de 28 % de leur fréquentation. La faute aux attentats ? aux fortes chaleurs ? Les affaires liées au faux mobilier XVIIIe siècle ont-elles freiné le marché ou est-ce l’absence des grands joailliers de la place Vendôme, lesquels ont la réputation de drainer les clients internationaux, qui est responsable de cette baisse ? « Nous y sommes allés un peu fort sur la haute joaillerie. Il nous faudra trouver un juste équilibre pour les prochaines éditions », concédait le président du SNA.
Aussi, un certain nombre de marchands ont peu vendu, déplorant avoir envoyé plus de dossiers que conclu des ventes fermes. « Les gens ne sont pas à l’achat. Biennale ou pas, c’est partout pareil », confiait un exposant. À l’inverse, certains ont très bien travaillé, comme Jean-Christophe Charbonnier qui a vendu plus de 70 % de son stand ou Yann Ferrandin qui a négocié une douzaine de pièces d’art tribal. D’autres se sont dits satisfaits tel Jacques Leegenhoek qui a cédé plusieurs tableaux dont Philoctète à Lemnos (1787), de Jean-Germain Drouais.
Une sélection plus fine
Ainsi, si le travail accompli par le SNA depuis l’élection de Dominique Chevalier à sa tête en octobre 2014 est indéniable, il devra revoir quelques points pour la prochaine édition de septembre 2017 – la Biennale devenant annuelle. D’abord, le niveau devra être homogène. Combien de marchands ont réellement leur place ici sur les 125 rassemblés ? « Si on continue d’accepter dans un endroit comme la Biennale des stands moyens qui ne sont pas à la hauteur et si on ne montre plus aux clients de grands objets, ils vont perdre l’habitude et le sens de la qualité qui faisaient les Biennales d’autrefois », tempête François-Joseph Graf. « Améliorer la qualité des exposants, c’est le travail de la prochaine commission Biennale ! », a souligné Dominique Chevalier.
Pour l’heure, l’élection du nouveau conseil d’administration du SNA ainsi que de son président sont programmées pour la fin novembre. Les nouveaux membres disposeront alors de moins d’un an pour trancher, entre autres, la question de la présence des joailliers, et peut-être changer la date de la manifestation, jugée trop précoce dans le mois de septembre, même si le calendrier du Grand Palais est très serré. Quant à Dominique Chevalier, il se présente à nouveau à la présidence, « pour assumer les pertes ou plutôt les investissements sur l’avenir, se reprend-il, de l’ordre de 2 millions d’euros ».
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Biennale des antiquaires, de nombreux éloges mais moins de clients
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°464 du 30 septembre 2016, avec le titre suivant : Biennale des antiquaires, de nombreux éloges mais moins de clients