PARIS
Jusqu’au dernier moment, on aura douté de sa tenue début septembre au Grand Palais. La première foire post-confinement est un test pour les professionnels.
Paris. C’est une édition d’Art Paris réduite d’un tiers qui se tient en septembre. Entre crise sanitaire et contentieux lié aux conditions de remboursement de l’édition initiale – qui aurait dû se tenir début avril – trente-huit galeries manquent en effet à l’appel. Parmi elles, on regrette particulièrement la Galerie ETC, qui devait exposer les dégradés de couleur de Claire Chesnier ; mais aussi la galerie Sator qui aurait permis de découvrir les expériences sensibles de Gabriel Leger, ou encore la galerie Éric Mouchet, qui se proposait de montrer les dessins de Kubra Kadhemi vus l’automne dernier, parmi les travaux des nominés de la Bourse Révélations Emerige 2019. Quant à l’absence de la galerie Thomas Bernard, elle prive le salon des sculptures d’Anita Molinero.
En version allégée donc, la foire qui cette année a la particularité d’être la première à se tenir en Europe depuis le début de la pandémie, a cependant de véritables atouts à faire valoir, auprès du public le plus large possible : un nombre significatif d’œuvres affichant des prix en dessous de 5 000 euros.
Art Paris compte quelques enseignes fidèles et établies, au nombre desquelles Nathalie Obadia, Daniel Templon, les galeries Lahumière et Paris-Beijing. Mais aussi, cette année, de nouvelles venues qui redorent le blason de cette édition, telles que la galerie Perrotin. Pour sa première participation à la foire, Perrotin consacre, comme l’an dernier à la Fiac, une partie de son espace aux céramiques de l’artiste suédoise Klara Kristalova. En regard d’un large éventail d’œuvres peintes de Bernard Frize, Laurent Grasso, Hans Hartung, Thilo Heinzmann, John Henderson, Georges Mathieu et Jean-Philippe Delhomme, le stand présente un choix de sculptures (signées Daniel Arsham, Johan Creten, Jean-Michel Othoniel, Xavier Veilhan, Josh Sperling). Sans oublier une œuvre photographique réalisée par JR pendant le confinement. Les prix ? De 5 000 à plus de 100 000 euros.
Quelques jeunes galeries méritent certainement l’attention. C’est le cas de la galerie Pauline Pavec, qui promeut des artistes émergents (Mathilde Denize, Quentin Derouet, Adam Bogey…) aux côtés d’artistes historiques un peu délaissés, tels que Robert Malaval, avec une paillette sur papier inédite, période « Kamikaze Rock », ainsi qu’une gouache sur papier, Été pourri, peinture fraîche (1973), présentée en 1981, lors de sa rétrospective au Musée d’art moderne de la ville de Paris. Les œuvres accrochées sur le stand, qui comporte également un mur d’Éphémérides de Jacques Prévert, sont proposées entre 2 800 et 55 000 euros. La galerie Eva Hober, pour sa part, défend, entre autres, les toiles intenses de Jennyfer Grassi (de moins de 5 000 à 20 000 euros), artiste retenue dans le cadre du regard que propose la foire sur la scène française. Ce parcours éditorialisé, sous le titre « Histoires communes et peu communes », invite à découvrir une sélection, opérée par le commissaire et critique Gaël Charbau, d’une vingtaine de plasticiens mis en avant sur les espaces marchands. Il s’agit majoritairement d’artistes en début de carrière, à l’exception de Sophie Calle, d’Hervé Télémaque, d’Anne et Patrick Poirier, ou encore de Roland Flexner.
Chez Paris-Beijing, on voit par exemple les troublants dessins sur feutre de Léa Belooussovitch (moins de 5 000 euros). La galerie La Forest Divonne présente plusieurs tirages de différentes séries du duo remarqué Elsa & Johanna, finalistes en 2016 du Prix HSBC pour la photographie (moins de 5 000 euros). Artiste en milieu de carrière, connu pour ses dessins à l’encre noire, Abdelkader Benchamma est à l’honneur de la Galerie Templon, avec un grand diptyque sur papier marouflé. Sur le stand de la galerie Dilecta, spécialisée dans les éditions, sont présentés aussi bien les « calices en savon de Marseille » d’Edgar Sarin, que des œuvres sur papier d’Anne et Patrick Poirier. On pourra essayer de lire l’avenir du marché de l’art dans le marc de café des collages d’Hervé Télémaque (Galerie Rabouan Moussion) et examiner chez Nathalie Obadia Untitled, LGY 64 (2012), un graphite liquide sur papier de Roland Flexner : ce dernier n’utilise les pinceaux qu’une fois évidés, pour y souffler vers la toile des bulles d’encre et de savon.
Parmi les enseignes ibériques attendues pour un focus spécial, la madrilène Freijo Gallery entend faire redécouvrir l’œuvre peinte et photographique de l’artiste espagnol Darío Villalba (1939-2018). Mais c’est surtout sur le stand de la parisienne Jeanne Bucher Jaeger que l’on aura envie de s’attarder autour des toiles de Vieira da Silva et de Fermín Aguayo, ou des très belles gouaches sur papier de Rui Moreira. Chez Jeanne Bucher Jaeger, toujours, compter moins de 5 000 euros pour une édition format de poche d’une biche en bronze et patine dorée (Untitled (Diana), 2016) de Miguel Branco, et jusqu’à 100 000 euros pour l’original en bronze (Black Deer, 2016). C’est une œuvre monumentale géométrique et colorée, Lost Future de Marisa Ferreira, la première dans l’espace public parisien de cette artiste portugaise, qui aurait dû accueillir les visiteurs sur le parvis du Grand Palais, mais la foire a dû renoncer à son installation.
Quelques galeries enfin ont opté pour des solo shows, parti pris qui, sans surprise, fait une place à la nouvelle figuration libre, au risque d’une impression de déjà-vu (Robert Combas sur le stand de la Galerie Perahia ; Hervé Di Rosa sur celui de Art to Be Gallery). Plus surprenant, le show consacré par les enseignes Karsten Greve et Caroline Smulders à l’univers inquiétant du photographe américain Roger Ballen. Des tirages récents, en couleur, sont présentés dans une installation in situ (pour des prix entre 15 000 et 20 000 euros). À la limite de l’art brut, les images « psychiques » de ce New-Yorkais installé en Afrique du Sud ont intégré plusieurs importantes collections d’art contemporain, telles que celles de la Tate Britain, du Victoria and Albert Museum à Londres et de la Maison européenne de la photographie à Paris.
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Art Paris ouvre aujourd’hui aux professionnels, un test pour le marché
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°550 du 4 septembre 2020, avec le titre suivant : Art Paris, un rendez-vous très attendu par le marché