Christie’s distance Sotheby’s dans les vacations d’art impressionniste et moderne. Les ventes auraient été meilleures avec des prix de réserve plus bas.
NEW YORK - Des résultats supérieurs à ceux de mai 2013, certes mais c’est l’arbre qui cache la forêt car les estimations restent encore trop fortes. Si Christie’s tire son épingle du jeu, notamment grâce à des œuvres issues de successions et collections lui ayant permis de faire passer en force certains lots estimés trop chers ; ça coince chez Sotheby’s, dont les œuvres étaient un peu plus disparates et les estimations vraiment trop élevées. Pour Thomas Seydoux, courtier et ancien directeur du département d’Art impressionniste et moderne de Christie’s France, « ces résultats reflètent la nécessité de devoir remplir des ventes à un rythme important et de ne pas avoir suffisamment de matériel pour nourrir les deux maisons à hauteur de leurs attentes. Or, si elles visent des ventes à plus de 250 millions de dollars, elles sont contraintes d’être agressives sur les estimations ».
Christie’s a engrangé 286 millions de dollars (1), dans la fourchette basse de son estimation initiale (241 à 361 millions de dollars). Sur les 53 lots proposés, 47 ont été vendus, dont les lots vedettes. Mais s’il s’agit d’un bon résultat, cette vacation n’a pas offert d’envolée spectaculaire, les deux lots majeurs n’ayant pas dépassé leurs estimations hautes. Nymphéas (1907), de Monet, issu de la collection Huguette Clark, fille du milliardaire américain W.A. Clark, estimé 25 à 35 millions de dollars, a été acquis pour 27 millions de dollars par un collectionneur privé asiatique. Quant à l’autre star de la soirée, Portrait de femme (Dora Maar), par Picasso (1942), provenant de la collection Langen, il a été adjugé 22,5 millions de dollars, en dessous de son estimation basse fixée à 25 millions. Une bonne affaire pour son acquéreur, le marchand américain Paul Gray.
Belle surprise cependant pour le tableau de Modigliani, Jeune homme roux assis (1919) qui a largement dépassé son estimation haute de 12 millions de dollars puisqu’il a atteint 17 millions de dollars (vendu en 2002 pour 10,7 millions de dollars en valeur réactualisée chez Sotheby’s New York). Une estimation attractive reste donc la clé du succès.
Sotheby’s à la traîne
La vente de Sotheby’s a moins bien marché, totalisant 219 millions de dollars frais compris, en dessous de son estimation basse établie à 220 millions, avec pas loin d’un tiers des tableaux restés invendus. Pourquoi une telle prise de risque, avec autant de lots pour une vente du soir et des estimations trop fortes ? Si Le Sauvetage de Picasso, très décoratif, estimé 14 à 18 millions de dollars, a été adjugé 31,5 millions (contre 14 en 2004), constituant le lot le plus cher de cette session new-yorkaise, Tête de Marie-Thérèse (est. 15 à 20 millions de dollars), toujours du même artiste, est resté invendu, estimé à hauteur d’un portrait typique de la jeune femme alors qu’il n’en était pas un. La Séance du matin d’Henri Matisse, estimé 20 à 30 millions de dollars, s’est vendu en dessous de son estimation basse, à 19,2 millions de dollars à un collectionneur asiatique. « La période niçoise de Matisse est boudée, sans doute parce qu’elle n’est pas assez moderne dans sa conception », note Thomas Seydoux. Pour la suite, les lots sont restés dans leurs estimations, à l’instar de l’œuvre de Monet, Le Pont japonais, acquis 15,8 millions de dollars (est. 12 à 18 millions de dollars) ou n’ont pas trouvé preneur car ils n’avaient pas leur place dans une vente du soir. Il est temps de réajuster les estimations pour qu’elles soient plus raisonnables. « Le marché a atteint sa maturité : moins d’œuvres de haut niveau, des estimations encore trop fortes plutôt dictées par l’envie de faire figurer l’œuvre dans sa vente que par la réalité du marché et peut-être un manque de diversité avec toujours les mêmes artistes (Picasso, Monet et Giacometti). Il faut redonner de l’élan à un marché qui s’essouffle un peu car il a atteint un niveau de prix très élevé », conclut Thomas Seydoux.
(1) Les adjudications sont indiquées frais compris, tandis que les estimations sont hors frais
Christie’s, le 6 mai
Estimation : 240,7 à 360,6 millions de dollars
Résultat : 285,9 millions de dollars (205,6 millions d’euros)
Nombre de lots vendus/invendus : 47/6
Lots vendus : 89 %
Sotheby’s, le 7 mai
Estimation : 220 à 321,7 millions de dollars
Résultat : 219 millions de dollars (157,5 millions d’euros)
Nombre de lots vendus/invendus : 50/21
Lots vendus : 70,4 %
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Art moderne : des estimations trop élevées
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°414 du 23 mai 2014, avec le titre suivant : Art moderne : des estimations trop élevées