Andreas Lange et Julia Schleicher ont ouvert la galerie Schleicher Lange à Paris en 2004. Entretien avec Andreas Lange.
On prétend qu’en temps de crise, les enseignes plus établies peuvent mieux s’en sortir que les jeunes galeries. Qu’en pensez-vous ?
Il n’y a pas de réponse tranchée. Il est vrai que des galeries plus établies ont plus de trésorerie. Une jeune galerie repose sur une structure économique difficile, mais en même temps, elle est plus flexible et réactive. Nous n’avons pas quarante salariés et trois dépendances, ce qui nous donne plus de souplesse opérationnelle. Je ne suis pas sûr de perdre plus le sommeil que Larry Gagosian ! Crise ou pas crise, nous avions déjà dû trouver des solutions. Nous faisons des économies, en collaborant par exemple avec d’autres galeries. Nous partageons ainsi un stockage à Reims avec Jocelyn Wolff [galeriste à Paris].
Votre stratégie en 2009 sera-t-elle celle de la survie ou de la conquête ?
Nous sommes plutôt dans une stratégie de conquête. Chaque crise porte en elle des opportunités. On ne va pas attendre que le train passe simplement. Comme beaucoup de galeries vont faire le dos rond, nous aurons plus de visibilité si nous-mêmes ne le faisons pas. Nous allons plus travailler les bases, commencer à publier des catalogues, ce que nous ne faisions pas jusqu’à présent. C’est aussi le moment d’ouvrir la programmation, de trouver de nouveaux artistes. Nous nous sommes donnés un budget plus important pour les voyages, pour visiter des ateliers et faire du networking [constituer des réseaux].
Comptez-vous garder le même rythme pour la production d’œuvres ?
Jusqu’à présent nous avons produit autant que possible. Les artistes sont conscients que la situation est compliquée. Il est difficile pour l’instant de dire si notre capacité est plus limitée qu’avant. La crise est là, des ventes ont été annulées ou n’ont pas été finalisées, mais nous avons aussi des choses importantes en cours. Franchement, notre situation aujourd’hui n’est pas différente de celle d’il y a un an, elle serait même meilleure car nous sommes dans une phase de croissance. Normalement, nous aurions dû embaucher une personne supplémentaire, mais nous ne le ferons pas dans l’immédiat car cela nous semble trop risqué. Le problème, c’est qu’à l’heure actuelle personne ne connaît l’ampleur ni la durée de la crise. Les gens ne savent pas combien ils ont réellement perdu.
Pensez-vous que la récession soit porteuse, voire salvatrice, sur le plan purement artistique ?
Non, je ne crois pas qu’une crise puisse produire des œuvres importantes. Mais les bonnes pièces seront plus visibles, moins diluées. La qualité était déjà là, mais noyée. Par ailleurs, les bons artistes peuvent aussi produire des œuvres inégales. On a vécu un moment où toute la production d’un créateur apparaissait sur le marché, sans aucun tri. Cette tendance va s’arrêter. Il y aura plus de sélectivité aussi bien de la part des artistes que de leurs galeries. Ces dernières ne feront pas de forcing pour avoir coûte que coûte une pièce pour une foire, quelle que soit la qualité de celle-ci. De bons artistes ont été grillés par des galeries trop cupides.
Vous et votre associée, Julia Schleicher, êtes tous deux allemands. Pourquoi avez-vous ouvert votre galerie à Paris plutôt qu’à Berlin ? Les clichés sur le manque de dynamisme de la scène française vous semblent-ils encore valides ?
Notre choix n’a pas été de quitter Berlin pour nous installer à Paris. Nous sommes arrivés après un détour par Londres. En 2004, le choix évident pour ouvrir une galerie semblait être Berlin, mais il faut se méfier des options évidentes. J’avais le sentiment que les choses commençaient à bouger à Paris. Il y avait un manque de dynamisme, mais en même temps un changement générationnel s’opérait. Pour une jeune structure, il est plus intéressant d’être là au moment où les choses se construisent. Nous n’aurions pas pu faire à Berlin ce que nous avons fait en quatre ans à Paris. À Berlin, les galeries sont moins solidaires ou plutôt très fragmentées. Ici, les collectionneurs et les institutions peuvent encore acheter, ce qui n’est pas le cas en Allemagne où le réseau institutionnel rend les artistes visibles mais ne les achète pas. La situation est plus facile pour les galeries parisiennes que berlinoises, qui ne bénéficient pas d’un support local. Cela n’était pas nécessaire jusqu’à présent car la capitale allemande était un carrefour international. Mais comme les gens vont moins voyager, on sera de plus en plus dépendants du marché local. Et pour survivre en ce moment, il vaut mieux être à Paris qu’ailleurs.
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Andreas Lange, galeriste
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°295 du 23 janvier 2009, avec le titre suivant : Andreas Lange, galeriste