Malgré un style épuré privilégiant l’équilibre des formes et la simplicité, l’emploi peu banal du contreplaqué et le développement de la technique brevetée du « cloutage » pour habiller ses créations de pin d’Oregon, André Sornay est longtemps resté dans l’ombre. Il attire désormais un public dépassant le cadre des spécialistes. Les galeristes Jacques de Vos et Michel Giraud présentent conjointement une quarantaine de ses meubles.
PARIS - Disparu en 2000, André Sornay restera de son vivant un “provincial” de l’Art déco. Présentés aux Expositions internationales de Paris en 1925 et 1937, ses meubles séduisent par leurs innovations, sans parvenir à s’imposer au même titre que les grands noms de la capitale, Leleu ou Ruhlmann. Ses créations furent-elles diluées dans la production lyonnaise, qualifiées d’un modernisme trop sage ? L’homme tient pourtant une place à part : remarqué et soutenu dès ses débuts par Pierre Chareau et Francis Jourdain, le “plus audacieux des ébénistes lyonnais”, selon la presse de l’époque, revient à présent sur le devant de la scène. On a enregistré notamment une première adjudication record fin 2001 pour un bureau en placage d’acajou, aux montants réalisés dans un échantillonnage de bois exotiques. Il fut arraché pour 102 000 euros, soit plus du triple de son estimation. C’est une reconnaissance à laquelle ne s’attendaient pas Jacques de Vos et Michel Giraud. Depuis cinq ans, ils achètent Sornay, “même si à l’époque, c’était une gageure”, rappelle le premier. C’est son confrère qui l’a convaincu. “D’origine Lyonnaise, je possédais déjà un meuble extraordinaire de Sornay évoquant le désormais fameux bar à ski de Dupré-Lafon, une merveille. On est parti à Lyon voir d’autres pièces. Jacques est tombé sous le charme”, se souvient Michel Giraud.
“L’Âge d’or, ce sont les années 1930, précise Jacques de Vos. Sornay décide alors d’utiliser du contreplaqué, c’était économique et cela autorisait un jeu entre le rainurage de ce support et le traitement du placage. Enfin, ce dernier n’était plus collé sur le corps du meuble, mais clouté en laiton apparent. C’était vraiment nouveau tant du point de vue technique qu’esthétique. C’est devenu sa marque de fabrique, au même titre que la pureté de ses lignes et l’équilibre de ses volumes.”
Des quarante pièces acquises et présentées en commun par Jacques de Vos et Michel Giraud, on pourra notamment retenir une unique table de salon en palissandre clouté en bordure de plateau. Rectangulaire, elle repose sur un piétement fait de deux cercles en lames de bois, réunis par une entretoise à triangles dont le traitement évoque le métal. Remarquons aussi une table basse en pin d’Oregon brossé, au piétement en “U” inversé souligné d’un cloutage. Le tout est surélevé de deux cubes en bois noirci supportant une dalle de verre. Fauteuils, bahuts, table à fumeur, la liste n’est pas exhaustive, et gageons que chacun pourra y trouver son bonheur, au moins celui de la découverte. “Rien à moins de 45 000 euros”, assène Jacques de Vos, et “le haut de la fourchette est à 150 000 euros.” Les galeristes se défendent pourtant d’avoir voulu réaliser un coup : “On voulait étonner les gens, mais, quand on a commencé à acheter, quelques-uns ont suivi, et les prix ont grimpé très vite.” Trop vite peut-être, “mais il reste peu d’ébénistes intéressants à découvrir”, concède Jacques de Vos avant d’ajouter que, quelques semaines auparavant, à l’Armory Show de New York, ils étaient déjà cinq marchands à présenter des pièces signées Sornay. “Et j’ai vendu un meuble à un grand amateur en ajout à sa collection de Ruhlmann, Dunand et Franck...” On l’aura compris, il faudra désormais compter avec le retour d’André Sornay dans la capitale
Jusqu’au 21 décembre, galerie Jacques de Vos, 7 rue Bonaparte, 75006 Paris, tél. 01 43 29 88 94, www.galeriedevos.com ; galerie Michel Giraud, 35/37 rue de Seine, 75006 Paris, tél. 01 43 25 11 01, www.art-deco1930.com - À lire : Thierry Roche, André Sornay, éditions beau fixe, 160 pages, 53 euros, ISBN 2-910616-06-1
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André Sornay monte à Paris
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°158 du 8 novembre 2002, avec le titre suivant : André Sornay monte à Paris