La Suisse et la Chine se dotent d’un traité pour lutter contre le commerce illégal des objets archéologiques

Par Marion Le Bec · lejournaldesarts.fr

Le 5 février 2014 - 700 mots

GENEVE (SUISSE) [05.02.14] – L’entrée en vigueur d’un nouvel accord bilatéral sur les biens culturels entre la Suisse et la Chine marque une volonté continue d’entretenir des relations commerciales transparentes dans ce domaine, mais porte également contribution à la sauvegarde des objets visés.

L’accord bilatéral sur les biens culturels liant la Suisse et la Chine avait été conclu en août 2013. Sa récente entrée en vigueur vient pallier les carences de la législation suisse en matière de protection du patrimoine, cela malgré sa place stratégique au sein du marché de l’art.

La Suisse n’est pas adhérente à l’Union Européenne. Dans le cadre de la circulation des biens culturels sur le continent européen, elle ne peut donc pas mettre en œuvre les instruments juridiques que sont la directive de 1993 afférente à la restitution des biens culturels, ou encore les restrictions aux frontières mises en place avec le marché unique en 1992.

Si un accord bilatéral de libre-échange a été conclu en 1972 (entrée en vigueur en 1973) entre la Suisse et la CEE, celui-ci ne comportait que la mention d’une absence « d’obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation, d'exportation ou de transit justifiées » pour des raisons, entre autres « de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique » (article 20 de l’accord).

Pour protéger les biens culturels au sein des flux commerciaux entre pays de l’Union notamment, la Suisse doit adhérer aux traités internationaux en la matière pour ensuite promouvoir de nouveaux outils de protection.

En 2003, la Suisse devenait ainsi Etat partie à la Convention de l'UNESCO du 14 novembre 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels (convention de l'UNESCO de 1970). De ce fait, elle créa un nouvel instrument juridique, en interne, avec la loi fédérale sur le transfert international des biens culturels du 20 juin 2003 (LTBC, entrée en vigueur en 2005). Cette loi comporte, dans son article 7, la possibilité pour le Conseil fédéral de conclure des accords avec des Etats tiers « afin de sauvegarder les intérêts relevant de la politique culturelle et de la politique extérieure et d'assurer la protection du patrimoine culturel ». L’opportunité de mettre en place de tels traités internationaux est conditionnée à « l’importance significative » du bien pour le patrimoine culturel de l'Etat concerné, à des dispositions de protection du patrimoine dans le cadre des exportations et enfin, à une obligation de réciprocité.

La limite de cette réciprocité tient donc aux droits des deux Etats parties. Il ne pourra y avoir situation d’illégalité que dans la situation d’une double infraction dans les deux Etats signataires.

Sur cette base, la Suisse a décidé d’un accord bilatéral avec l’Italie en 2006, puis avec le Pérou la même année, la Colombie et l’Egypte en 2010 et Chypre en 2013.

En janvier 2014 est entré en vigueur l’accord bilatéral entre la Suisse et la Chine. Ce dernier doit contribuer à la conservation, à la sauvegarde et aux échanges du patrimoine culturel des Etats parties. Il vise également à empêcher le commerce illicite des biens culturels. La protection du patrimoine culturel est néanmoins limitée puisque les biens concernés doivent être antérieurs à 1 500 ap. J.-C. Les objets archéologiques, principales cibles des pillages, sont donc essentiellement visés par les accords bilatéraux.

Concrètement, cet accord instaure de nouvelles règles en matière d’importation des biens culturels. L’autorisation douanière de la Chine sera en effet contrôlée au moment de son entrée en Suisse. La procédure de restitution est par ailleurs simplifiée dans le cas où des biens seraient importés illégalement.

L’ambition de donner plus de transparence aux activités de transferts de biens culturels avait déjà été soulignée en 2009 avec l’obligation pour les ports francs helvétiques de fournir un inventaire particulièrement détaillé pour les marchandises dites sensibles.

Il semble également opportun pour la Suisse de conclure un tel accord depuis l’établissement d’une zone franche à Pékin, et d’un port franc à Singapour. Les pressions internationales réclamant plus de régularité dans les contrôles de provenance des objets entreposés tendent à pousser la Suisse à se doter d’instruments juridiques afin de rester dans la compétition mondiale du marché de l’art.

Légende photo

Drapeaux de la Chine et de la Suisse - source Wikimedia

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