Galerie - Justice

Chu Teh-Chun contre Enrico Navarra : match nul

Par Hélène Brunel · Le Journal des Arts

Le 10 avril 2012 - 743 mots

Dans le double procès réciproque opposant l’artiste Chu Teh-Chun au galeriste parisien Enrico Navarra, les deux parties ont finalement été déboutées de leurs demandes. Le 30 mars, le tribunal de grande instance de Paris a, dans les deux cas, donné raison aux défendeurs.

PARIS - À l’audience du 17 février 2012, deux dossiers avaient été plaidés dans l’affaire Chu Teh-Chun contre Enrico Navarra. Dans le premier, l’artiste reprochait au galeriste la rupture d’un contrat d’édition de céramiques. Dans le second, le galeriste reprochait à l’artiste la conduite d’une campagne de dénigrement à son encontre. Le 30 mars, la troisième chambre du tribunal de grande instance de Paris a rendu son jugement : dans les deux cas, la décision des juges est favorable aux défendeurs.

« Dénigrement »
Se prétendant victime de divers manquements de ses cocontractants à leurs obligations, l’artiste Chu Teh-Chun avait assigné la Galerie Enrico Navarra et l’éditeur Francis Delille afin d’obtenir la résiliation judiciaire du contrat d’édition de céramiques aux torts exclusifs de la galerie, ainsi que la condamnation des deux défendeurs à lui payer la somme de 250 000 euros en réparation de ses préjudices. Selon l’artiste, la galerie n’avait respecté son obligation de paiement qu’avec un important retard et s’était dispensée d’une reddition des comptes. Mais le tribunal a considéré que, si le premier grief était irrecevable, « dès lors que ce retard, au demeurant peu significatif, […] trouvait principalement sa cause dans la remise tardive par l’artiste de ses originaux », le deuxième devait également être écarté, aucune vente n’ayant été effectuée par la galerie. D’autant plus « qu’en émettant des réserves sur l’authenticité des céramiques, notamment lors de la vente aux enchères de douze d’entre elles chez Christie’s à Hongkong ou encore lors de la publication d’un communiqué dans Le Journal des Arts, l’artiste s’était lui-même opposé à leur vente ». Après avoir motivé la première décision du tribunal, déboutant Chu Teh-Chun de ses demandes, l’intervention de l’artiste auprès de la maison de ventes et le communiqué paru dans la presse allaient aussi permettre aux juges de rejeter les prétentions d’Enrico Navarra. Ce dernier avait assigné Chu Teh-Chun afin de le voir condamné pour avoir mené à son encontre une campagne de dénigrement, mettant en cause la régularité et l’authenticité de l’édition des céramiques. Cependant, s’agissant du communiqué, le tribunal relève que le demandeur, qui avait déjà intenté une action pour diffamation, n’était plus fondé à agir en dénigrement. S’agissant ensuite du courrier adressé à Christie’s, les juges considèrent celui-ci comme étant « rédigé en des termes neutres et mesurés ». Aussi, selon eux, l’existence d’une campagne de dénigrement n’était-elle nullement démontrée.

« Je me réjouis du jugement qui blanchit intégralement la Galerie Navarra et M. Navarra de tous les reproches qu’on leur a faits depuis cinq ans de procédure et qui ont nourri tant d’accusations publiques à leur encontre », nous a confié Me Jean-Philippe Hugot, leur avocat. « Cette action judiciaire engagée par l’artiste a toujours été sans fondement, elle a servi d’autres objectifs et notamment celui d’empêcher la Galerie Navarra de commercialiser ses céramiques, au moment où l’artiste en produisait d’autres avec la Malbourough Gallery [NewYork]. Il convient maintenant de demander des comptes aux responsables de cette mascarade. » À propos du second dossier, Me Hugot poursuit : « Nous allons faire appel, car il est un peu contradictoire d’avoir reconnu l’absence de toute faute de la galerie et de considérer que les courriers de l’artiste et son conseil prétendant que les céramiques ne sont pas authentiques sont modérés… » « La diffamation permanente a été un axe de défense qui a fini par porter ses fruits, c’est regrettable », conclut-il.

Le conseil de l’artiste, Me William Bourdon, a pour sa part déclaré : « La Galerie Enrico Navarra avait mis en place une stratégie médiatico-judiciaire de victimisation. Or celle-ci échoue complètement puisque, dans le cadre des deux procédures, elle est déboutée de toutes ses demandes qui se chiffraient à plusieurs centaines de milliers d’euros. Si l’artiste est débouté de sa demande de résiliation, cette procédure aura eu le grand mérite de contraindre la galerie a exécuter ses obligations, ce qu’elle n’avait pas fait auparavant. Donc, du côté de la Galerie Enrico Navarra, beaucoup de bruit pour rien. » Outre les dépens, le tribunal a seulement condamné l’artiste et le galeriste à se verser l’un à l’autre la somme de 5 000 euros, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Légende photo

Honoré Daumier (1808-1879) - "Les deux confrères (Avocats)" (c. 1865/1870) - Collection Brooklyn Museum - Wikimedia

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°367 du 13 avril 2012, avec le titre suivant : Chu Teh-Chun contre Enrico Navarra : match nul

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