Attachant point d’accès à l’art latino-américain, le Museo del Barrio a rouvert ses portes après une importante campagne de restauration.
NEW YORK - Dans la géographie muséale de l’Upper East Side new-yorkais, certes bien fournie, il est une étape par trop souvent méconnue ou délaissée qui nécessite de s’aventurer sur la 5e Avenue, quelques blocs plus au nord, après le Guggenheim Museum.
À la lisière de Spanish Harlem, quartier progressivement façonné dès les années 1930-1940 par des mouvements migratoires en provenance initialement de Porto Rico, puis du reste de l’Amérique latine, s’est installé en 1969 le « Museo del Barrio », littéralement le « Musée du quartier ».
Fondé par la communauté portoricaine tel un outil de préservation et de diffusion aux États-Unis de la culture et de l’art latino-américains et caribéens (alors largement ignorés), son seul nom traduit à merveille une proximité voulue et entretenue avec la population locale. Nichés dans une ancienne école, ses espaces fatigués étaient au fil du temps devenus malaisés et nécessitaient une sérieuse rénovation.
C’est chose faite depuis le mois d’octobre 2009, où le quarantième anniversaire de l’institution a été fêté par sa réouverture, après une campagne de restauration d’un coût global de 44 millions de dollars [32,2 millions d’euros] (dont 35 pour la seule architecture) menée par le cabinet Gruzen Samton Architects, installé à New York.
Espace de proximité
Nantis d’un patio redessiné et d’une toute nouvelle façade en verre, les espaces d’accueil se font plus lumineux et l’auditorium est en voie d’être complètement réaménagé. Surtout, les galeries ont été modernisées pour répondre aux besoins d’une muséographie contemporaine, avec un accent bienvenu porté sur l’éclairage, autrefois très terne.
Le redécoupage des salles fut l’occasion de créer quelques espaces dédiés à la présentation d’une partie de la collection permanente : les « Carmen Ana Unanue Galleries » feront l’objet d’un accrochage repensé chaque année.
Parmi les quelque 6 500 pièces conservées, la présentation inaugurale, intitulée « Voces y visiones : Forty Decades through el Museo del Barrio’s Permanent Collection », donne à voir environ 150 œuvres couvrant un large spectre temporel. L’ensemble s’ouvre en effet sur une vitrine consacrée à la culture précolombienne Taíno, dominante entre 1200 et 1500 à Porto Rico mais aussi en Haïti, en République Dominicaine, à Cuba et à la Jamaïque. Il s’achève sur des travaux récents de Liliana Porter, Alfredo Jaar ou Felix Gonzalez-Torres par exemple.
Entre les deux, le regard se sera promené à travers des objets de traditions populaires, des masques et des objets de dévotion notamment, ou des toiles abstraites de la Cubaine Carmen Herrera et du Chilien Claudio Bravo. Cette diversité, ainsi qu’un mode d’accrochage un peu « bric-à-brac », confère à l’ensemble une grande proximité et un caractère pour le moins attachant.
De son côté, avec quatre présentations par an, la programmation temporaire se montre ambitieuse et explore toujours les mouvements artistiques latinos et leur résonance avec la culture nord-américaine.
Ainsi « Nexus New York : Latin/American Artists in the Modern Metropolis », l’exposition présentée pour la réouverture, rappelait-elle le rôle joué par les artistes latinos dans le dynamisme de la scène new-yorkaise de la première moitié du XXe siècle, en insistant tout particulièrement sur les contacts, dialogues ou influences.
Par exemple, le couple formé par Alice Neel et Carlos Enríquez donna lieu à de féconds échanges dans leurs pratiques respectives dès après leur mariage en 1925, et Picabia participa au Journal 291 (1915-1916) fondé par Marius de Zayas. Passionnante également est la mise en lumière des contacts noués par les modernistes mexicains avec les membres de la New School of Social Research, au début des années 1930.
À partir du 21 mars, c’est la jeune génération qui est mise à l’honneur avec « Phantom Sightings : Art after the Chicano Movement », exposition organisée à l’origine par le Los Angeles County Museum of Art. On y revient sur l’héritage artistique du mouvement « chicano », qui, initialement, désigne les Mexicains vivant aux États-Unis, ce par le biais d’une sélection d’artistes de culture latine mais pour l’essentiel nés aux États-Unis, tels Ruben Ochoa, Mario Ybarra Jr. ou Eduardo Sarabia.
Le musée promet en outre une nouvelle édition de sa biennale pour le printemps 2011. Il se passe toujours quelque chose dans le quartier…
El Museo del Barrio, 1230 Fifth Avenue, New York, tél. 1 212 831 7272,www.elmuseo.org, tlj sauf lundi-mardi 11h-18h. Phantom Sightings : Art After The Chicano Movement, du 21 mars au 6 juin. Catalogue, éd. University of California Press, 240 p., ISBN 978-0-520-25563-0.
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Du nouveau dans le Barrio
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°321 du 19 mars 2010, avec le titre suivant : Du nouveau dans le Barrio