En matière de culture, le Parti socialiste n’a pris qu’un engagement précis durant la campagne électorale : la réalisation du fameux \"1 %\". Le nouveau ministre de la Culture et de la Communication, Catherine Trautmann, peut donc espérer des moyens budgétaires accrus. Mais un certain nombre de dossiers chauds l’attendent, comme le projet du \"Musée des arts premiers\", la loi musées, celle concernant la circulation des œuvres d’art, l’enseignement artistique… Tandis qu’Élisabeth Guigou, garde des Sceaux, hérite du projet de loi réformant les ventes publiques qui devra être mené tambour battant, l’ouverture du marché aux sociétés étrangères étant programmée au 1er janvier prochain.
Durant sa campagne électorale, Lionel Jospin s’est fermement engagé à "redresser" le budget du ministère de la Culture et a "fixé l’objectif de retour à un véritable 1 % du budget de l’État, atteint au début de l’année 1993 et largement perdu de vue depuis lors". Dans nos colonnes, le délégué national à la culture du PS, Jacques Renard, avait fustigé "l’hécatombe" subie par les moyens de la rue de Valois, "une baisse de 3,3 milliards de francs entre 1993 et 1997 à structure constante" (le JdA, n° 38). Confronté à une faible croissance économique, le PS est maintenant au pied du mur. On le verrait mal gonfler artificiellement ce budget en lui rattachant de nouvelles compétences, après avoir dénoncé l’astuce pratiquée en 1995. Catherine Trautmann devrait donc disposer de moyens accrus. D’autant plus que l’idée d’affecter une partie du produit de la Française des Jeux à des projets culturels, à l’instar de ce que font nos voisins britanniques avec leur Loterie, fait son chemin. Dans le JdA, le PS s’y est déclaré favorable, à condition qu’il s’agisse "d’actions ou de projets clairement délimités".
En matière de musées, deux grands dossiers attendent le nouveau ministre. Tout d’abord, celui des "arts premiers" chers à Jacques Chirac. Le projet, dont le contenu comme le lieu d’implantation sont encore imprécis – le Trocadéro semblant abandonné – sera conduit sans doute plus étroitement dans le cadre de la cohabitation. L’exposition d’une centaine de chefs-d’œuvre africains et océaniens au Louvre, largement rejetée par les conservateurs du musée et la communauté scientifique, mais résolument souhaitée par le président de la République, sera-t-elle remise en cause ? Par ailleurs, la loi musées, véritable serpent de mer depuis des années, qui devra ménager en particulier les exigences des collections privées et celle des associations d’amis, est toujours dans les tiroirs. De même, la réforme nécessaire des législations de 1913 et 1992 sur la protection et la circulation des œuvres d’art attend des décisions urgentes pour assurer entre ces deux contraintes un équilibre qui tienne compte des moyens financiers de l’État. Cette réforme intéresse au premier chef les professionnels du marché, et donc ceux opérant en ventes publiques, dont le statut fait l’objet d’un projet de loi géré en première ligne par le nouveau garde des Sceaux, Élisabeth Guigou. Là aussi, il faudra faire vite, car le marché doit s’ouvrir aux sociétés de ventes étrangères le 1er janvier prochain. Rappelons que, toujours dans nos colonnes, Jacques Renard avait considéré comme "troublant, sinon choquant, sur la forme et le fond" le recours à l’argent public pour financer une partie des 2 milliards de francs envisagés pour indemniser les commissaires-priseurs. "Si la gauche revient au pouvoir, ce projet de loi fera, sur ce point, l’objet d’un examen très approfondi", avait-il annoncé. Le gouvernement devra aussi s’attaquer au différentiel de fiscalité – TVA à l’importation, droit de suite – qui pénalise les professionnels français par rapport à leurs concurrents étrangers.
L’emploi culturel
Autre serpent de mer, l’enseignement de l’histoire de l’art et des pratiques artistiques dans les collèges et lycées. Dans le JdA, le PS s’est prononcé pour "une refonte des programmes, une réforme de la formation des maîtres". Il faudra dégager les moyens et convaincre l’Éducation nationale de cette nécessité, sans oublier de réaliser l’Institut national d’Histoire de l’art (ou des arts ?) promis par Jack Lang et mis en sommeil par ses successeurs. Plus généralement, Catherine Trautmann pourra examiner les recommandations du rapport Rigaud sur la refondation de la politique culturelle et la réorganisation du ministère. À ce sujet, le transfert aux régions de la gestion d’une partie des crédits du ministère et de la responsabilité réglementaire, prévu à partir du 1er janvier prochain, inquiète les responsables culturels. On sait déjà que dans le domaine du patrimoine, Lionel Jospin s’est prononcé contre ce changement en affirmant que "la politique du patrimoine est l’une des missions fondamentales de l’État". Enfin, le gouvernement Jospin affichant une nette priorité à l’emploi, il sera intéressant de voir quelles initiatives prend Catherine Trautmann dans ce domaine. Cela fait aussi des années que la rue de Valois chante que "la culture est source d’emplois", sans que des résultats tangibles apparaissent.
Une Alsacienne spécialiste de littérature copte
Née le 15 janvier 1950 à Strasbourg, petite-fille de pasteur et fille de militaire, Catherine Trautmann est titulaire d’une maîtrise de théologie protestante et spécialiste de littérature copte. Entrée au Parti socialiste en 1977, cette rocardienne est élue maire de Strasbourg en 1989, devenant ainsi la seule femme à la tête d’une ville de plus de 100 000 habitants. Sous son impulsion, Strasbourg s’équipe d’un tramway. Dans le cadre de ce projet, une commande publique passée à des artistes a été saluée comme particulièrement réussie. Sa ville, qui consacre environ 20 % de son budget à la Culture, devrait être dotée l’an prochain d’un Musée d’art moderne et contemporain. À Pâques, la tenue du congrès du Front national dans la capitale alsacienne avait montré sa détermination à lutter contre l’idéologie d’extrême droite. Le FN avait ensuite appelé les électeurs à couper la tête de "Catherine la Rouge".
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Trautmann, Guigou, un calendrier serré
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°40 du 13 juin 1997, avec le titre suivant : Trautmann, Guigou, un calendrier serré