Plus attractif et plus confortable pour le visiteur, le nouveau Musée de la musique, à Paris, réussit le pari de sa modernisation.
Dans certains musées, l’audioguide a tendance à nous faire oublier de regarder les œuvres. Tel n’est pas le cas au Musée de la musique, à Paris, qui vient de rouvrir ses portes au public après deux années de travaux de rénovation. La principale gageure à relever ici était en effet de donner à voir des instruments devenus objets de patrimoine, mais aussi de ne pas les réduire au silence éternel. Le débat avait déjà fait rage lors le lancement du projet de création du musée, à la fin des années 1970, ses collections étant constituées à partir de celles du Conservatoire national, où certains instruments étaient encore utilisés à des fins d’enseignement. La vocation patrimoniale du musée allait logiquement changer la donne. Outre les traditionnels discours d’accompagnement à la visite, l’audioguide – gratuit –, qui offre quatre heures d’enregistrement, permet aujourd’hui de visiter les salles en musique tout en évitant la cacophonie. « La dimension sonore fait aussi partie de ce patrimoine », confirme le directeur, Éric de Visscher, soucieux de mettre en musique son musée. Si tous les instruments des collections ne peuvent pas être remis en état de jeu, certains sont utilisés de manière exceptionnelle lors d’enregistrements, à des fins d’archivage ou de concerts. Pour d’autres, des fac-similés ont été fabriqués afin d’être utilisés par des musiciens, y compris par ceux qui se relaient tous les jours sur les podiums de musique installés dans les salles. Là réside en effet la grande réussite de ce musée atypique, qui a su éviter l’écueil du triste conservatoire de l’instrument pour devenir un lieu de vie dédié à la musique. De quoi satisfaire professionnels, qu’ils soient musiciens ou facteurs d’instruments, mélomanes mais aussi simples curieux. Côté confort, les aménagements ont tous été conçus pour être adaptés aux publics les plus spécifiques.
Si l’originalité du concept avait été mise au point dès l’ouverture du musée, en 1997, Éric de Visscher a souhaité, avec cette rénovation, « aller plus loin dans l’idée d’un musée de la musique et non de l’instrument ». Les éléments de contextualisation ont donc été entièrement repensés dans un souci pédagogique. Une quarantaine de films documentaires ont été commandés tandis que les outils existants, parmi lesquels les judicieuses maquettes de salles de concert, ont été restaurés et remis en valeur. Les travaux ont par ailleurs permis un redéploiement des collections grâce à une refonte totale de la muséographie, qui efface l’ancienne monotonie ambiante. Conçue à l’origine par Franck Hammoutène, celle-ci a été revue par Adeline Rispal (Repérages). Malgré sa sobriété, elle joue un rôle primordial dans l’articulation des séquences, au sein de cette architecture complexe conçue par Christian de Portzamparc pour la Cité de la musique.
Le parcours de l’exposition demeure chronologique, tout en étant augmenté d’un espace introductif illustrant la place de la musique dans les sociétés. L’accent a toutefois été mis sur les collections extra-occidentales, présentées par continents, et dont la superficie d’exposition a été doublée. Le XXe siècle fait également un retour remarqué, sa salle ayant été fermée dès 2000. Pour l’heure, seule la musique savante des Varèse, Stravinsky ou Boulez, tout comme les nouvelles technologies illustrées notamment par la machine UPIC de Xenakis, y tiennent une place de choix. Les musiques populaires, dont les collections sont pourtant riches de quelques instruments emblématiques (guitares de Django Reinhardt ou de Jacques Brel), ne sont en effet que brièvement évoquées sur une étroite mezzanine. « Un nouvel espace est en projet, précise toutefois Éric de Visscher. Sa réalisation est liée au calendrier de la construction de la nouvelle philharmonie, dans laquelle seront aménagées des salles d’expositions temporaires, ce qui nous permettra de récupérer des espaces dans le musée. » Avec le risque de voir les visiteurs déserter l’exposition permanente au profit de la spectaculaire Philharmonie, qui devrait être bâtie dans les années qui viennent par Jean Nouvel…
Pari gagné
Le parcours démarre par le XVIIe siècle, période d’invention de l’opéra, évoqué notamment par les figures de Monteverdi ou de Lully. Suit le XVIIIe siècle de Rameau et Mozart, au cours duquel apparaissent les concerts publics, puis le XIXe, grand siècle de la lutherie et époque des inventions, la plus célèbre étant due à Adolphe Sax. Dans chaque section, les salles sont organisées de manière similaire : mise en avant d’une œuvre emblématique du répertoire, replacée dans son contexte avec la présentation de l’ensemble instrumental et de la salle où elle a été jouée pour la première fois. Les vitrines organologiques permettent aux spécialistes d’étudier l’évolution des instruments et de leur facture. Le tout est ponctué de quelques vitrines thématiques, mais aussi de chefs-d’œuvre issus des collections. Ainsi des claviers flamands et français, instruments aussi exemplaires par la qualité de leur facture que par celle de leur décor, et de curiosités – comme l’octobasse de Vuillaume, une contrebasse haute de 3,50 m – et autres instruments rares.
Le pari est donc réussi pour ce musée qui parvient à donner à voir et à entendre à tous types de publics. Son concept a déjà fait des émules à l’étranger. Le musée est ainsi le seul membre européen du comité de pilotage du « Museum of Musical Instruments » qui ouvrira à Phoenix (Arizona, États-Unis) en 2010.
Riches de près de 6 000 objets, les collections du Musée de la musique ont pour noyau principal les pièces du Conservatoire national. Celles-ci ont été acquises dès la création du Conservatoire en 1795, par la Convention, à partir de saisies révolutionnaires. Avaient ainsi rejoint le Conservatoire 316 instruments. Seule une douzaine de pièces, très altérées, subsistent aujourd’hui de cet ensemble originel. En 1861, c’est l’achat de la collection du compositeur Louis Clapisson qui va permettre l’ouverture d’un Musée instrumental, dont Hector Berlioz sera l’un des conservateurs. Plusieurs donations, dont celle de Victor Schoelcher qui ouvre le musée aux instruments du monde, vont sensiblement enrichir le fonds. En 1978, les collections du Conservatoire sont transférées à l’État en vue de la création d’un « Musée de la musique » qui n’ouvrira qu’en 1997. La politique d’acquisition a depuis été poursuivie sans interruption. En 2008, un clavecin (1732) d’Antoine Vater, considéré comme « trésor national », a ainsi été acheté grâce au Fonds du patrimoine pour plus d’un million d’euros.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Un musée mis en musique
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Musée de la musique, Cité de la musique, 221, av. Jean-Jaurès, 75019 Paris, tél. 01 44 44 84, tlj sauf lundi 12h-18h, dimanche 10h-18h, www.citedelamusique.fr
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°299 du 20 mars 2009, avec le titre suivant : Un musée mis en musique