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Nuages sur la Fondation Vuitton

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 3 mars 2009 - 818 mots

L’annulation d’une partie du règlement du nouveau plan local d’urbanisme parisien pourrait remettre en cause le projet au Bois de Boulogne, à Paris, de la Fondation Louis-Vuitton pour la création, annoncée pour 2010. Jouant sur le flou juridique et la lenteur des procédures, LVMH poursuit pour l’heure les travaux engagés cet été au Jardin d’Acclimatation.

La Fondation Louis Vuitton pour la création Didier Ghislain / 2006

PARIS - Silence du côté du groupe de luxe LVMH, où personne ne semble décidé à faire de commentaires. La décision rendue le 12 février par la cour d’appel administrative laisse pourtant présager de nouvelles difficultés pour la Fondation Louis Vuitton, que le P-DG du groupe, Bernard Arnault, souhaitait voir ouvrir en 2010 au Jardin d’Acclimatation, à Paris. Saisie par la Coordination pour la sauvegarde du Bois de Boulogne, une fédération de dix-sept associations créée lors de la candidature de la Capitale pour l’accueil des Jeux Olympiques de 2012, la cour a en effet annulé le règlement du nouveau plan local d’urbanisme parisien (PLU) relatif aux espaces verts et aux bois. Celui-ci autorisait la construction de bâtiments dans ces zones protégées à condition qu’elles n’excèdent pas un étage. La cour a estimé que cette disposition était trop vague. En témoigne en effet le projet de l’architecte Frank Gehry pour la Fondation Louis Vuitton, présenté au public en octobre 2006. L’architecte américain a certes prévu de construire un seul étage… mais de 47 mètres de hauteur.

Satisfait de cette décision, François Douady, président de la Coordination, ne crie pourtant pas victoire. Car pour l’heure, l’annulation de ce règlement, qui avait été refusée par le tribunal administratif, renvoie aux dispositions antérieures du plan d’occupation des sols (POS), qui sont moins protectrices. Les Verts de Paris, qui soutiennent la coordination, appellent donc à la vigilance. Mais une seconde action est en cours, cette fois-ci contre le permis de construire de la Fondation, délivré en 2007. Or, la décision récente des juges pourrait logiquement appuyer cette demande. En attendant, LVMH profite du flou juridique autour de cette décision pour poursuivre les travaux engagés depuis l’été 2008 et dissimulés à la vue par de hautes palissades. De son côté, la Ville de Paris a pris acte et s’est engagée à réviser son PLU dans les meilleurs délais. La procédure devrait toutefois durer plusieurs mois. Si d’aucuns se mettent déjà à établir un parallèle avec le destin malheureux du projet de la Fondation Pinault sur l’Île Seguin (Boulogne-Billancourt), François Douady se défend. « Nous ne sommes pas contre l’art contemporain, précise-t-il. Mais pour nous, protéger les espaces verts d’une agglomération de 11 millions d’habitants est une évidence. Ces espaces verts sont plus importants qu’un nouveau bâtiment de M. Gerhy ».

Pour LVMH, l’implantation de la Fondation Louis Vuitton sur ce site protégé est le point d’aboutissement d’une mainmise sur le Jardin d’Acclimatation. Depuis 1995, le groupe a obtenu la concession pour 20 ans de cet ensemble d’espaces d’agrément et d’attractions destinés à un public familial. Les pressions se sont alors rapidement multipliées sur les derniers concessionnaires indépendants du site. Fin 2008, le Musée en Herbe, un espace éducatif destiné aux enfants, a été menacé de fermeture, la ville de Paris ne s’étant pas acquitté du paiement de sa subvention. Certains observateurs notent que Christophe Girard, l’adjoint à la Culture de la Ville de Paris, est aussi directeur de la stratégie de LVMH. Or, le Musée en Herbe est désormais le seul établissement à échapper au contrôle du groupe.

La fermeture d’un bowling
Grâce à une transaction à l’amiable, le bowling a, quant À lui, été fermé dès 2004 pour offrir un terrain à la future Fondation. Initialement, celle-ci ne devait pas excéder les 25 mètres de hauteur du bâtiment voisin de l’ancien Musée national des arts et traditions populaires (MNATP), qui sera bientôt désaffecté. Mais les ambitions semblent ne pas avoir été contenues. Conscient que l’obtention d’un permis de construire sur cette zone protégée serait difficile, LVMH aurait un temps envisagé d’installer sa fondation dans les locaux de la Samaritaine, au cœur de la Capitale. Les nouvelles dispositions du PLU entré en vigueur en septembre 2006 auront redonné du souffle au projet du Bois de Boulogne, annoncé officiellement en octobre 2006. Le groupe semble toutefois continuer à jouer sur les deux tableaux, comme en témoignent les frictions récentes avec la Fondation Cognacq-Jay au sujet de l’avenir de la Samaritaine, dont il semble peu probable qu’elle accueille à nouveau un grand magasin. Les héritiers des fondateurs du magasin des bords de Seine, hostiles au projet de LVMH combinant hôtel, centre de congrès, commerces et logements, détiennent toutefois toujours une minorité de blocage. L’avenir de la Fondation se jouera donc en partie à l’Hôtel de Ville, où jusqu’à présent, la préservation des espaces verts n’a guère été la priorité. Il faut dire que le bâtiment de Gerhy, s’il était construit, devrait retomber dans l’escarcelle de la ville au terme de 55 ans, et qu’une redevance forfaitaire annuelle a également été prévue.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°298 du 6 mars 2009, avec le titre suivant : Nuages sur la Fondation Vuitton

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