Après avoir été sous-directeur général de l’Unesco de 1990 à 1999, Daniel Janicot est depuis 1996 président du Magasin, centre national d’art contemporain de Grenoble. En 2007, il a été missionné par le président du conseil général des Hauts-de-Seine pour poser les fondements de la future « Vallée de la culture » (lire \"Nouvelles ambitions\" dans le JdA no 293, 12 décembre 2008, p. 5). Il commente l’actualité.
Où en est le projet de l’île Seguin dans le cadre de la Vallée de la culture ?
Trois décisions majeures ont été prises le 16 janvier par l’ensemble des autorités concernées. La première consiste à lancer une étude de définition pour la future salle de spectacles qui sera construite sur la « pointe aval » de l’île Seguin ; la deuxième, à engager la programmation pour le pôle arts plastiques qui devrait se développer sur la « pointe amont » de l’île. Il s’agit enfin de recruter le nouvel architecte urbaniste coordonnateur, chargé de redéfinir l’organisation spatiale de l’île en tenant compte notamment de ces deux pôles culturels structurants. En juillet 2008, Pierre-Christophe Baguet, le nouveau maire de Boulogne-Billancourt, dont dépend l’île Seguin, avait annoncé que l’île aurait une vocation culturelle. Nous arrivons maintenant à la traduction concrète de cet engagement. Il faut rendre hommage à Patrick Devedjian, président du conseil général des Hauts-de-Seine, qui a su replacer l’île Seguin dans le contexte plus ambitieux de la Vallée de la culture.
Pourquoi a-t-il fallu attendre six mois entre l’annonce l’été dernier de la Vallée de la culture et le lancement des études ?
Il fallait d’abord attendre l’élection du maire de Boulogne-Billancourt en mars 2008. Pierre-Christophe Baguet a consacré trois à quatre mois à dresser l’inventaire de l’île et des engagements pris avec les différents opérateurs. On s’est rendu compte finalement que les trois institutions scientifiques qui étaient pressenties, c’est-à-dire l’Inserm, le CNRS et l’Institut national du cancer, n’étaient en réalité pas du tout engagées concrètement, ou n’étaient pas désireuses de s’installer sur l’île. Elles se sont donc retirées du projet, sans contentieux. En revanche, deux dispositifs semblaient intéressants à maintenir, l’Université américaine de Paris et l’hôtel. À partir du constat effectué l’été dernier, il a fallu quatre mois pour redéfinir le projet culturel de l’île et travailler à la programmation de ces deux grands pôles d’équipements, puis à la faisabilité financière. Quatre mois, c’est un délai relativement court.
Quelle sera la nature de la salle de spectacles ?
Il faut définir cet équipement musical à la lumière de ceux qui existent déjà dans la région parisienne comme la future Philharmonie de Paris, le Théâtre des Champs-Élysées ou la Salle Pleyel. Il est nécessaire de dialoguer avec les professionnels de l’exploitation et de la programmation pour situer les besoins en tenant compte de la densité de l’île. Il faut aussi évaluer l’adéquation projet-programme. Une salle de 4 000 places serait plus tournée vers la variété, alors qu’une salle de 2 000 places serait davantage centrée sur la musique classique et symphonique. Grâce à l’étude qui va être lancée, la capacité de la salle et donc sa programmation seront définitivement arrêtées d’ici à l’été. Nous songeons enfin à faire venir un ensemble de cinémas, afin que toute la dynamique du spectacle soit rassemblée.
Quel sera le contenu du pôle arts plastiques ?
Ce pôle arts plastiques sera consacré à la scène artistique contemporaine française et internationale. À un moment où le président de la République a décidé de favoriser la création artistique, notamment par la mission confiée à Marin Karmitz, nous allons définir un projet tout à fait original intégrant la dimension numérique de la création et centré sur les créateurs et les artistes. Au cœur du dispositif se trouve une halle de monstration et d’expérimentation. Cet équipement de 4 000 à 5 000 m² au sol fera l’objet d’un geste architectural fort. Nous allons y réfléchir conjointement avec le Palais de Tokyo, qui va m’apporter son expertise pour une projection dans le futur tout en conférant au lieu une valeur d’expérimentation. Mon expérience à la présidence du Magasin de Grenoble, depuis dix ans, me servira également. Autour de ce « cube » central, nous voulons agréger les nouveaux prescripteurs de la scène artistique contemporaine : les galeries, les grandes collections privées, françaises et européennes, les commissaires indépendants et bien sûr les artistes eux-mêmes. Je voudrais également que ce pôle fonctionne en lien avec les grandes industries culturelles, notamment audiovisuelles, qui sont les nouveaux producteurs et diffuseurs de contenus culturels.
Qu’en est-il de l’idée d’un parc de sculptures ?
L’île, qui ne totalise que douze hectares, n’est pas, par la force des choses, à l’échelle d’un grand parc de sculptures, mais elle fera l’objet d’un programme de commandes artistiques. J’ai proposé de réfléchir dans ces conditions à un itinéraire plus qu’à un parc de sculptures, un parcours qui serait le plus grand d’Europe. Sa porte d’entrée naturelle serait la Tour aux figures de Dubuffet. À l’autre bout se trouve la statuaire ancienne du parc de Saint-Cloud, qui est en mauvais état et qu’il faudra restaurer. Entre les deux se déploie une trame naturelle et urbaine très riche sur laquelle pourront s’implanter des œuvres et des installations. Pour prendre la mesure du projet global, il faut prendre conscience de cet extraordinaire ensemble de parcs et de jardins qui s’étend depuis le parc départemental de l’île Saint-Germain, en passant par les futurs jardins de l’île Seguin et du Trapèze, jusqu’à l’île de Monsieur, aux jardins Albert-Kahn et au parc Rothschild. Nous serons en mesure, d’ici à l’été, à partir des inventaires de toutes les manifestations liées à la sculpture que nous sommes en train de recenser, de vous en dire plus….
Patrick Devedjian a annoncé avoir pris des contacts avec Cartier pour l’installation de la Fondation sur l’île Seguin…
La situation économique est difficile et aucune firme ne peut aujourd’hui s’engager dans un projet qui nécessite un investissement lourd. Nous allons laisser le contexte économique se décanter avant tout effet d’annonce. Mais je peux vous dire que notre projet intéresse beaucoup de monde et de collectionneurs. Le problème sera davantage celui de la sélection !
L’ensemble de ce projet repose essentiellement sur des financements privés. Ne risque-t-il pas de capoter avec la crise ?
Je n’ai absolument aucune inquiétude et je pense qu’il va trouver son financement. Nous sommes à quatre ans ou cinq ans de l’ouverture des premiers équipements. Nous serons alors sortis de la crise, et les questions d’investissement des opérateurs privés seront résolues. La crise est même une très grande chance pour l’île Seguin parce qu’elle nous donne le temps. D’ici là, nous allons mettre à profit cette année de transition pour définir un projet d’une grande ambition et imposer l’île Seguin comme une destination incontournable du Grand Paris, dans lequel nous souhaitons aussi inscrire la Vallée de la culture. Le calendrier est de ce point de vue positif puisque les premières préconisations du Grand Paris devraient être connues fin février.
Vous êtes aussi membre du conseil d’administration de Artcurial Holding SA. Comment la maison de ventes aborde-t-elle la crise ?
Dans la situation actuelle, il faut mettre en place une stratégie et ouvrir une réflexion avec les actionnaires. Je pense qu’il faut passer à l’offensive, c’est-à-dire se redonner des marges de manœuvre. Les deux atouts face à une crise sont le talent d’expertise des hommes et le travail sur l’image et la fidélisation de clientèle. Je pense qu’il faut travailler sur ces deux composantes. En tout cas, cette maison de ventes française doit réagir.
Quelles expositions vous ont marqué récemment ?
J’ai beaucoup aimé au Guggenheim de New York l’exposition consacrée à Catherine Opie. J’ai en revanche été déçu par la fonctionnalité du New Museum of Contemporary Art. Mais ce qui m’a le plus emballé, ce sont les nouveaux wall drawings de Sol LeWitt présentés à la Dia Art Foundation. Cela a été un éblouissement absolu. J’aime beaucoup l’art conceptuel et le minimalisme. À Beaubourg, j’ai vu l’exposition consacrée au designer Ron Arad [jusqu’au 16 mars]. La présentation est fastueuse. J’ai eu un petit trouble. Dans certains cas, sa création est trahie, au stade de la réalisation, par une vulgarité de matériaux, de couleurs, et cela relève davantage du kitsch commercial.
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Daniel Janicot, conseiller d’État, président de l’Agence pour la Vallée de la culture
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°296 du 6 février 2009, avec le titre suivant : Daniel Janicot, conseiller d’État, président de l’Agence pour la Vallée de la culture