Six mois après son ouverture, le succès du Getty Center, à Los Angeles, dépasse ses prévisions. Mais cette fréquentation record pourrait remettre en cause la politique de gratuité.
LOS ANGELES (de notre correspondant) - Pendant les dix ans qu’a duré la construction du Getty Center – qui a coûté un milliard de dollars (6 milliards de francs) –, beaucoup ont promis à ce projet un sort comparable à celui du Titanic : l’un avait sombré, l’autre échouerait dans un splendide isolement. Contre toute attente, c’est la réussite qui appelle la comparaison entre le film le plus populaire de tous les temps et un musée devenu la plus touristique des nouvelles attractions de Los Angeles. Aujourd’hui, le Getty attire des foules si nombreuses qu’il risque de devoir saborder ce succès populaire. L’affluence ne lui permet plus de garantir l’entrée gratuite à tous ceux qui se présentent à ses portes. Alors qu’il prévoyait d’accueillir 1,3 million de visiteurs annuels dans son nouveau musée de Brentwood, le Getty en attend maintenant 2 millions. La moyenne quotidienne a dépassé les 10 000 pour atteindre 15 000 certains jours – le record de fréquentation de la villa Getty, à Malibu, avait été de 1 800 visiteurs le premier jour d’exposition des Iris de Van Gogh. Actuellement, le public doit parfois attendre des heures en bas de la colline de Brentwood avant de pouvoir monter dans le tram qui l’emmène au musée. Le Getty ayant constaté que le quart de ses visiteurs utilisaient les transports en commun – une hérésie dans une ville où la voiture est reine –, il les a avertis qu’ils risquaient désormais de ne pas être admis s’ils n’avaient pas réservé une place de parking – ceci alors même que l’institution la plus riche du monde avait brandi l’accès gratuit pour réfuter les accusations d’élitisme portées contre elle. Le Getty affiche donc complet – toutes les places de parking sont réservées – jusqu’à Noël, et même plus tard.
Cette réussite dément les nombreuses prédictions selon lesquelles la forteresse de Richard Meier allait intimider le public et détourner les foules. Mais l’affluence a fait apparaître une faille dans le plan de Meier : les toilettes y sont très largement insuffisantes, et le cabinet de l’architecte a été appelé à l’aide pour corriger d’urgence cette lacune. Cela n’a pas encore totalement effacé la rancœur entre le Getty et Meier, née de dix années de relations orageuses. Building the Getty, sa chronique du chantier, n’est d’ailleurs pas en vente dans la librairie du musée. Aucun bâtiment ne viendra s’ajouter à son œuvre, car les permis de construire accordés au Getty ne lui permettent pas d’agrandir sa surface au sol sur le site de Brentwood.
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Le Getty embarrassé par son succès
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°64 du 8 juillet 1998, avec le titre suivant : Le Getty embarrassé par son succès