États-Unis - Architecture

Une autre bataille du rail

Entretien avec Jim Wood, directeur de l'Art Institute de Chicago

Renzo Piano agrandit l’Art Institute de Chicago

Par Jason Edward Kaufman · Le Journal des Arts

Le 24 septembre 1999 - 809 mots

Construit de part et d’autre d’une voie ferrée, l’Art Institute de Chicago est divisé en deux pavillons, reliés par un étroit passage couvert. Si la solution choisie pour unifier les deux bâtiments n’est pas encore arrêtée, Renzo Piano a pour mission de surmonter cet obstacle ferroviaire. Prévus pour s’achever dans cinq ou six ans, les travaux devraient générer un espace supplémentaire d’au moins 7 000 m². Le directeur de l’Art Institute, Jim Wood, nous explique ce qu’il attend de cet agrandissement.

Après le complexe sportif de l’Université de Chicago réalisé par Cesar Pelli, la résidence universitaire de l’Illinois Institute of Technology par Rem Koolhaas et le plan d’aménagement du Lakefront Millennium Park signé par Frank Gehry, Chicago va donc une nouvelle fois – au grand dam des architectes locaux – servir de terrain à un grand nom de l’architecture internationale. Pourquoi avoir choisi Renzo Piano ?
Les gens seront convaincus par la solution offerte, pas par le nom de l’architecte. Si le langage de Piano est très personnel, il ne crée pas pour autant un produit stéréotypé. Ses meilleures réalisations partagent une certaine similitude dans la conception de l’espace et l’exécution technique, mais elles offrent une remarquable variété de réponses. Il n’arrive pas avec un style préconçu à greffer sur votre programme. De plus, comme Frank Gehry, il aime profondément l’art, ce qui est évidemment fondamental quand vous devez lui concevoir un écrin. Il a d’ailleurs réalisé nombre de musées réputés [ndlr – comme le Centre Pompidou qu’il rénove actuellement].

Quels sont les besoins de l’Art Institute ?
Davantage d’espaces d’exposition. Je ne pense pas qu’il soit judicieux de procéder à un agrandissement inférieur à 7 000 m2, soit environ 25 % de la surface actuelle.

Plus d’espace, mais pour exposer quoi ?
Nous sommes un des musées américains les plus complets, mais le manque de place se fait sentir dans de nombreux départements, comme ceux de l’Asie, de l’art islamique, des arts africains ou précolombiens, dont beaucoup d’œuvres sont actuellement entreposées dans les réserves. La présence de l’art du XXe siècle a toujours été très importante à l’Institut, plus que dans la plupart des musées généralistes de ce pays. Nous avons récemment refait les galeries consacrées à l’art du début du siècle ; leur rattachement à une nouvelle aile nous donnera davantage d’espace. Architecture et aménagement ne sont évidemment pas synonymes, mais j’aimerais que l’architecte conçoive l’espace à partir des objets, et non pas uniquement un espace anonyme remodelé ultérieurement par un décorateur. Nous pourrions également envisager la création d’un lieu pour des expositions temporaires et de taille modeste, comme celles d’architecture. Dans l’aile Rice, construite en 1988, nous avons déjà un lieu qui accueille les grandes expositions et qui fonctionne très bien.

Allez-vous recouvrir la voie ferrée qui sépare l’aile Morton de l’aile Rice ?
Bien qu’installés dans un parc au cœur de la ville, nous disposons d’une grande superficie exploitable. Nous possédons les droits d’exploitation de tout l’espace libre au-dessus de la voie ferrée, ce qui est une aubaine. Mais je ne veux pas anticiper sur les solutions que choisira Renzo Piano, il est trop créatif. Notre seule contrainte est de ne pas construire un édifice qui soit plus élevé que celui des Beaux-Arts à l’origine, soit un immeuble de trois étages. De plus, l’École [de l’Art Institute] est une entité à part à laquelle nous ne toucherons pas.

Pouvez-vous nous éclairer sur le projet du Lakefront Millennium et les obligations ou limitations qu’il impose à l’agrandissement de l’Art Institute ?
Lancé il y a deux ans par le maire de Chicago, le projet de Grant Park, au nord du musée, a été en partie conçu par Frank Gehry et consiste à couvrir la voie ferrée. C’est un des  projets municipaux les plus ambitieux dans notre pays, à l’heure actuelle. Il a joué un rôle moteur dans le cahier des charges que nous avons fixé à Piano.

Les nouveaux aménagements du musée doivent-ils être un manifeste architectural de grande ampleur ?
Les musées sont d’abord et avant tout ce que sont leurs collections permanentes. Mais, après tout, le bâtiment, s’il est bien réalisé, est également une œuvre d’art. Quelle que soit la construction, elle doit tendre à l’affirmation des buts et des objectifs du musée à travers un médium différent.

Frank Gehry justifie son parti pris architectural pour le Musée Guggenheim de Bilbao en s’appuyant sur ses entretiens avec des artistes contemporains. Ceux-ci en auraient assez des cubes blancs et voudraient un environnement théâtral pour exposer leurs œuvres.
Vous pourriez trouver un éventail complet d’opinions parmi les artistes. Cependant, les édifices pour l’art moderne et contemporain sont effectivement très discutés. Mais nous ne construisons pas une Kunsthalle ni une aile pour l’art moderne, nous nous efforçons d’aborder l’histoire de l’art dans son ensemble et dans de nombreuses cultures. C’est un programme différent, et un symbolisme différent.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°89 du 24 septembre 1999, avec le titre suivant : Entretien avec Jim Wood, directeur de l'Art Institute de Chicago

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