Qui a dit que les architectes n’aimaient pas le patrimoine ? Invités à réfléchir à partir d’un modèle réduit d’une maison individuelle, 140 d’entre eux ont offert une maquette, qui sera mise aux enchères en septembre, au bénéfice de l’association Patrimoine sans frontières.
PARIS - À l’initiative de l’Institut français d’architecture, 200 architectes français ou exerçant en France ont été invités à imaginer une “maison du bonheur” à partir du modèle réduit d’une banale maison individuelle en kit (kibri 8182), et d’une parcelle en forme de pièce de puzzle. Laissant libre cours à leur fantaisie, ils ont pris un malin plaisir à triturer, à déconstruire, à détourner ce symbole de la non-architecture, mais aussi d’une certaine idée du bonheur. Près de 140 agences ont déjà répondu à l’appel, et ces maquettes seront présentées au palais de Chaillot, dans l’ancienne galerie du Musée du cinéma, pendant les Journées du Patrimoine (du 15 au 20 septembre).
Clins d’œil et parodie
À l’issue de cette exposition, elles seront mises aux enchères par l’étude Calmels-Chambre-Cohen, chacune d’entre elles étant mise à prix 2 000 francs. L’intégralité du produit de la vente sera versé à l’association Patrimoine sans frontières (PSF). Réussir à intéresser les architectes au bâti ancien, situé qui plus est à l’étranger, n’est pas le moindre mérite de cette opération, qui se veut emblématique de la future Cité de l’architecture et du patrimoine. Cette manne sera plus particulièrement affectée à deux projets soutenus par l’association, l’un au Liban, dans le village de Salima, l’autre en Albanie, à Voskopojë.
En multipliant les clins d’œil à leur manière respective, tels Paul Andreu et sa “soucoupe volante” digne d’un aéroport, les architectes montrent qu’ils ne manquent pas d’humour. Souvent, il faut chercher dans le dispositif la fameuse maison, entre le truc à plumes de François Seigneur et les coussins écossais de Duncan Lewis, ou encore le panneautage opaque de Marc Mimram. Ne se résolvant pas à la banalité de l’objet, semblable à une de ces “maisons de maçons” qui prolifèrent un peu partout en France, d’autres se sont refusés à assembler la maquette pour tirer un parti inattendu des plaques réunissant les éléments de construction : Jean Nouvel en fait les parois de son habitat, tandis que Christian Hauvette les a déclinés en feuilleté. À l’occasion, les architectes font un sort à l’utopie mécaniste, avec d’improbables bricolages (Francis Soler), quand ils ne donnent pas à la maison du bonheur les formes dépouillées et funèbres d’un cénotaphe (King Kong). Dans des jeux sur le plan, la surface ou les matériaux, la maison est mise en pièces par ses architectes mêmes. À mi-chemin du travail de potache et de la spéculation prophétique, ils jettent un regard plein d’ironie sur cette part de l’architecture qui, pour l’essentiel, leur échappe.
La future Cité de l’architecture et du patrimoine, au palais de Chaillot, comprendra un Musée d’architecture, dont les salles historiques seront complétées par une galerie moderne et contemporaine. À l’issue d’une étude de définition lancée à l’automne dernier, un jury a retenu le projet de l’agence barcelonaise GAO idees i projectes srl, animée par Fernando Marzà, architecte, Josep Subiros, historien et philosophe, et Eulalia Bosch, pédagogue. Cette équipe a déjà conçu l’aménagement de l’espace Gaudì, un musée d’architecture installé dans la Casa Milà, et de nombreuses manifestations pour le Centre de culture contemporaine de Barcelone. D’une surface de 2 000 m2, cette nouvelle galerie permettra de présenter les collections de dessins de l’Ifa et des ensembles contemporains de maquettes et de dispositifs audiovisuels.
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Le bonheur est dans la maison
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°128 du 25 mai 2001, avec le titre suivant : Le bonheur est dans la maison